Frédéric HEYMES nous partage son expérience de sa sortie alpinisme dans le massif des écrins
Présentation de la sortie alpinisme dans le massif des écrins
- Date
29 juillet 2017
- Lieu
Massif des Ecrins, vallée des Etançons, la Bérarde,
- Accès
Voiture jusqu’au Parking de la Bérarde, ou bus depuis Bourg d’Oisans.
- Participants
Mathias
- Ou dormir
refuge CAF de la Bérarde ou du Chatelleret (2225m)
- Caractéristiques
Course de rocher haute montagne
- Topo
Aiguille de la Gandolière, arête N (Pilier Candau) D+, 5c, P3
Une grande voie rocheuse de 350 mètres peu équipée, avec 5 longueurs. L1 (4a) ; L2 (5b) ; L3 (5a) ; L4 (5c) : L5 (5a)
Quoi d’autres dans les environs : nombreuses courses de rocher à partir du refuge du Chatelleret, comme la Tête Nord du Replat (arête SW, pilier Candau), le Pic N des Cavales (arête WSW), le Pic Gény (arête E), la pointe des Aigles (arête W) et surtout les voies de la Meije (Allain Leininger par exemple).
Quoi d’autres dans les environs:
Grimpe à l’arête des Cinéastes
- Bibliographie
Guide du haut dauphiné, François Labande, Tome 1, Ecrins Nord
Les 100 plus belles courses, massif des Ecrins, Gaston Rébuffat, course n°66
Oisans sauvage, Oisans nouveau, livre ouest, Jean Michel Cambon
Camptocamp
Le récit Oups ! Alpinisme à l’Aiguille de la Gandolière
Introduction
La notion d’alpinisme
L’alpinisme est une merveilleuse activité de nature dont une caractéristique principale est l’engagement. Par engagement, il faut entendre que l’alpinisme nécessite de faire des choix qui devront être assumés quelle que soit l’évolution de la situation. Une fois engagé dans une course en montagne ou un passage d’escalade ardu, c’est seul face aux circonstances qu’il va falloir gérer les difficultés et la prise de risque. Le soutien d’un compagnon de cordée prend toute son importance !
On comprend bien que la météo en montagne suppose un engagement certain (si l’orage éclate soudainement en montagne il va falloir gérer ça et croiser les doigts), il en va de même pour l’intégrité physique (si on se casse la jambe en montagne c’est le début de gros soucis).
Montée/Descente
En matière d’alpinisme, il est peut-être moins clair que certaines voies de montée ne peuvent pas se descendre facilement et impliquent de l’engagement. Pourquoi ? Car la désescalade est bien souvent beaucoup plus délicate que l’escalade, par simple position des yeux par rapport aux pieds. On voit très bien où placer ses mains à la montée, mais on ne voit guère où placer ses pieds en descendant. Une autre méthode pourrait être de descendre en rappel, mais il faut alors mettre en place ou disposer d’ancrages solides ce qui n’est pas toujours le cas en montagne.
D’une manière générale, dans les voies d’alpinisme technique, la descente se fait par un autre itinéraire plus facile et généralement plus fréquenté (la voie normale). Il faut alors se renseigner sur cette descente, car l’orientation peut-être difficile.
Pour monter, grâce au recul, on voit plus ou moins l’itinéraire ainsi que le sommet vers où aller. A la descente, le relief masque souvent l’itinéraire et il manque des repères clairs pour s’orienter. De la même manière, à la montée d’une voie peu technique et en cas de perte d’itinéraire, il y a la possibilité de revenir sur ses pas et abandonner. A la descente il n’y a pas ce choix, étant donné qu’il faut descendre dans la vallée il faut chercher, et prendre le risque de se retrouver dans des conditions délicates (impasses).
La course d’alpinisme
Tout ceci explique pourquoi une course d’alpinisme se prépare soigneusement. L’alpinisme est une activité ou la réflexion compte autant que d’autres qualités plus physiques. Topos décrivant précisément l’itinéraire, cartes, photos, récits de courses, il faut rassembler les données essentielles à la réalisation d’une voie en montagne. Internet a totalement changé la pratique de l’alpinisme… Avant, la collecte d’information n’était pas évidente et il fallait de l’instinct pour faire le lien entre les infos collectées et la réalité du terrain. Tous ceux qui ont pu chercher en vain un « dièdre évident » ou une «dalle marquée d’une profonde fissure » se sont confrontés au fait qu’il y a des dièdres évidents un peu partout et que l’ensemble d’une face rocheuse est fissurée !! Il faut bien avouer qu’un piton rencontré dans une voie a autant d’intérêt pour l’assurance que pour confirmer qu’on n’est pas perdu !
Il est maintenant possible dans de nombreux cas de faire sa course d’alpinisme virtuellement chez soi avant d’y aller pour de bon. Parallèlement à cela, les progrès des prévisions météo sont épatants et il existe des prévisions très fiables propres à un massif donné. Pour ceux qui fustigent météo-France, je leur propose d’aller faire un tour en Amérique du sud ou en Alaska pour se rendre compte que nous sommes très chanceux en France !
L’importance de la préparation
Une fois dit tout cela, restent trois possibilités avant d’aller en montagne: bien préparer la course, rester chez soi, ou y aller sans infos puisque c’est bien comme ça que la plupart des sommets alpins ont été conquis ! Beaucoup de respect pour les anciens…
Pour ma part, je prépare toujours mes courses en montagne. Topos, photos, généralement mon appareil photo est déjà plein de clichés avant même de prendre la voiture. Cela me permet de profiter pleinement du week-end, de diminuer le risque de but (échec) et de minimiser le mal des rimayes (ou angoisse qui peut survenir à l’attaque d’une voie engagée).
Gandolière : le pilier N (Candau) à l’Aiguille de la Gandolière
Gandolière s’applique à un ensemble de sommets situés sur la crête allant du Râteau à la Tête du Rouget. Cet ensemble comprend l’Aiguille (3324m), la Tête (3542m) et le Dôme de la Gandolière (3495m). Ce sont des sommets assez méconnus mais pourtant dignes d’intérêt. D’un point de vue technique, l’Aiguille propose quelques voies d’escalade en bon rocher dont le fameux pilier N ou pilier Candau. C’est une belle voie d’escalade de difficulté TD-/D+ de 350 mètres de haut. La voie ne débouche pas au sommet mais sur l’arête située un peu plus bas que l’Aiguille. Il faut alors suivre cette arête pendant 300 mètres de dénivelé pour atteindre le vrai sommet.
En lisant le topo Labande, je me suis rendu compte que depuis l’Aiguille on peut suivre l’arête jusqu’à la Tête, puis au Dôme d’où la descente vers la Bérarde semble facile. Le programme est ficelé, reste à photographier les différents topos et vérifier le bulletin météo. Celui-ci parle d’une belle journée estivale avec développement de cumulus inoffensifs dans l’après-midi.
Parfait ! Le programme est ambitieux car long, il vaut mieux une météo stable. Peu de cordées continuent jusqu’au sommet de l’Aiguille et descendent sitôt le pilier escaladé, alors ne parlons pas de l’enchaînement des deux autres sommets de la Gandolière qui n’est jamais fait! Au cas où, je photographie dans le topo quelques réchappes dont celle de l’Aiguille qui parle d’une « descente facile par le versant S pour atteindre le glacier du Plaret, sur sa rive gauche, puis en tirant à droite rejoindre un bon sentier qui ramène à la Bérarde ». Facile ! Au vu du bulletin météo et des infos récupérées je suis confiant pour le lendemain, ça va rouler.
En route
Nous partons de la Bérarde vers 4H30 heures du matin pour remonter le vallon des Etançons et attaquer la voie Candau. Ce vallon est vraiment magnifique et nous montons sur un bon sentier. La nuit, le denivelé et la distance passent vite !
Nous arrivons à l’attaque au lever du soleil, sereins, pas de mal des rimayes. Le pilier est baigné de soleil et le névé d’approche est facile à franchir. Les longueurs s’enchaînent, c’est une belle voie en bon rocher, avec peu de soucis d’itinéraire, quelques inquiétudes sur certains passages les plus techniques, mais au final un bel ensemble jusqu’à la crête sommitale. L’ambiance est assez aérienne, quel plaisir !
A 13H nous débouchons au soleil, le timing est bon. Le panorama autour de nous est magnifique et nous découvrons les sommets mythiques du cœur de l’Oisans ; Meije, Râteau, Grande Ruine, Ecrins, Ailefroide.
Sans hésiter nous repartons pour notre chevauchée des arêtes de la Gandolière. Il ne faut pas traîner. Celle-ci devient moins évidente d’un point de vue itinéraire, nous évitons les gendarmes les plus difficiles par la droite et par des passages d’escalade sur des blocs un peu branlants nous arrivons au sommet de l’Aiguille à 14H. L’idée maintenant est d’aller assez vite pour enchaîner avec les deux sommets qui restent et quitter l’arête avant la nuit.
Nous sommes toujours dans une bonne gestion du timing, nous avons encore 7 heures de jour pour finir notre traversée des sommets de la Gandolière.
Le temps se couvre
Une inquiétude se développe dans nos esprits : le beau temps a laissé place à un couvert nuageux qui sans être menaçant nous inquiète tout de même, malgré les prévisions météo qui n’annoncent ni orage ni précipitation.
Plus loin, la Tête de la Gandolière est attractive mais semble encore bien lointaine, et plus de réchappe avant celle-ci.
Une fois sur l’arête nous serons bien engagés en cas d’aggravation du temps. Je fais confiance à Météo-France, ils n’ont pas prévu d’orage. Mais quand même… après quelques hésitations nous décidons que l’Aiguille est déjà une bien belle course et qu’il serait dommage de tout gâcher par une retraite délicate sous la pluie. Nous désescaladons l’Aiguille en direction de la deuxième brèche d’où part la descente facile. Et là… nous entendons le tonnerre.
Un éclair vient flasher! Catastrophe: les arêtes et sommets effilés sont des endroits où il vaut mieux ne pas se trouver en cas d’orage. Nous accélérons le pas, et atteignons la brèche décrite dans le topo. Mais il y a un second souci : pas de descente facile ! Je m’attendais à une descente dans un pierrier par exemple, mais après une vingtaine de mètres de désescalade je me rends compte que la descente continue par des dalles plutôt délicates. Pas franchement encourageant, surtout que l’orage continue de gronder. Point positif : c’est un orage sec il n’y a pas une goutte de pluie, tant mieux car ces dalles sont délicates.
Mes idées s’égarent: est-il préférable de se cacher dans un recoin en attendant que l’orage passe ou continuer coûte que coûte pour descendre au plus vite ?
Faire face à la météo
Par hasard je tombe sur une sangle passée autour d’un béquet. Hum, cela ressemble fort à une sangle de réchappe, je ne sais pas ce qui nous attend par la suite, j’imagine que ça doit passer. Je suis inquiet dans le rappel car je me demande si la corde n’est pas un chemin préférentiel pour la foudre. Si la foudre tape au-dessus de nous, est ce que je vais être électrocuté ? Est-ce que la corde va fondre et je vais tomber ? A priori la corde est sèche et ne devrait pas conduire l’électricité. Bon de toute manière moins je passe de temps sur ce rappel et mieux ce sera.
Nous continuons plusieurs rappels jusqu’à nous retrouver sur un vague replat entre les dalles raides au-dessus que nous venons de descendre en rappel, et d’autres dalles raides plus bas et qui conduisent au sol. J’ai l’impression qu’il reste plus de 100 mètres à descendre et ces dalles ne m’inspirent pas. Je crois deviner qu’en marchant sur le replat ou nous nous trouvons et vers la droite, il y a une sorte de petite gorge à traverser puis après un peu de désescalade que j’espère facile on doit pouvoir rejoindre le bas de la face. Cet itinéraire pourrait expliquer le fait qu’il n’y ait plus de rappel équipé pour continuer à descendre directement vers le bas.
Nouvelle surprise : le déluge nous tombe dessus ! En l’espace d’une minute, des trombes d’eau nous tombent dessus et nous trempent immédiatement. La minute d’après, de gros grêlons nous martèlent le corps, et nous craignons qu’ils ne grossissent !
Ca se complique
Aucune envie de me prendre une salve de gros grêlons comme on peut en voir lors de certains orages d’été. Je regarde vers le bas, dépité, toutes les dalles qui nous entourent sont lessivées et par endroit recouvertes de grêlons. Il n’y a pas mieux pour glisser en marchant sur les dalles.
Je reste là, devant le vide à mes pieds, en me demandant quelle stratégie suivre. La gorge à ma droite est devenue un torrent d’eau et de pierres. Impossible de passer par là ! Sous moi, les dalles luisantes qui excluent toute désescalade, et pas de relais pour fixer un rappel. Soudainement, je sens une poussée brusque dans mon dos, je me retourne : la pluie déloge des pierres plus haut et nous sommes mitraillés ! Le sac à dos m’a protégé d’une blessure éventuelle mais n’a pas absorbé la poussée. Je n’ai aucune idée de la taille de la pierre qui m’a heurté mais j’ai bien conscience que nous sommes en danger ! Heureusement, la salve de pierres ne dure pas, la pluie et les grêlons cessent. Situation stabilisée, nous pouvons prendre le temps de réfléchir.
Pour moi, il y a trois possibilités : essayer de traverser vers la gorge et attendre qu’elle soit praticable. Essayer de poser un relais rudimentaire et tenter le rappel, ou prévenir les secours. Je rassemble la corde et je me prépare à tenter la traversée vers la gorge. Bien vite, je me rends compte que l’assurage est illusoire sur ces dalles. Je vais tirer une longueur d’une centaine de mètres jusqu’ à la gorge, si elle n’est pas plus loin !
Descendre en rappel ?
En cas de chute c’est un pendule monstrueux, trop risqué. Je pense appeler les secours, c’est trop idiot de se prendre des risques alors qu’on peut les éviter. Mathias me propose néanmoins de tenter le rappel. Je pose une sangle sur un petit béquet peu marqué mais solide, et je descends en me disant qu’il est très peu probable de trouver un béquet pour le rappel suivant.
Heureuse surprise : je tombe sur un relais béton sur deux plaquettes. Quelle chance ! Ce relais en implique forcément d’autres, nous sommes tombés sur une ligne de rappels. Sans problème supplémentaire nous atteignons le sol, et cherchons le sentier qui redescend dans la vallée. La pluie est de retour mais vu que je suis déjà trempé c’est n’est pas si désagréable.
Quelle aventure ! Le fait de préparer les courses d’alpinisme fait qu’en général j’ai toujours fait de la montagne. Avec de bonnes conditions et une météo clémente. Je me suis rendu compte que je n’avais jamais été pris par un orage avec une pluie diluvienne en altitude auparavant ! Les conséquences d’une pluie intense (gorges qui se transforment en torrents, chute de pierres) m’étaient inconnues.
Une expérience enrichissante
J’ai donc enrichi mon expérience de ce vécu précieux. J’ai également pu voir un autre visage de la montagne : le déchainement des éléments et le visage hostile de la montagne. Finalement, la montagne ne nous accueille que temporairement lorsque les conditions le permettent. A ne la côtoyer que dans des circonstances favorables, on peut en minimiser les dangers.
Une autre expérience enrichissante vient de la lecture du topo et cette surprise lors de la descente. Je reste encore surpris de la notion de descente facile. Méfiance, la notion de difficulté est à relativiser en fonction de l’état de la montagne et mais aussi du retrait glaciaire. Il est possible que le topo faisait état d’une descente facile à l’époque ou la montagne restait enneigée plus longtemps.
Matériel utilisé pour cette sortie alpinisme dans le massif des écrins
Matériel d’escalade et vêtements
CATÉGORIE | NOM DU MODÈLE | MARQUE | POURQUOI AVOIR FAIT LE CHOIX DE CE MODÈLE AU DÉPART | EST CE QUE CE CHOIX A RÉPONDU À CETTE EXPÉRIENCE RACONTÉ DANS CE ROADBOOK | SI C’ÉTAIT À REFAIRE ? |
CORDE À DOUBLE | Ice line 8,1 2*60M Golden Dry | BEAL | Légèreté | Très bonne corde fine, légère peu encombrante, résiste bien à l’abrasion | Oui c’est sûr |
SANGLE DYNEEMA | Fin’anneau 120 ET 60 | PETZL | Plusieurs années | On avait 6 anneaux. Indispensables pour trianguler convenablement les relais | Oui |
FRIENDS | Camalot C4 | BLACK DIAMOND | Les meilleurs coinceurs | Oui, jeu composé de 0,4 – 0,5, 0,75 – 1 et 2 | |
COINCEURS | Link Cam | OMEGA PACIFIC | Le concept est génial ! Une étendue d’utilisation inégalable | Oui, parfait. Je garde mes deux coinceurs omega en dernier au cas ou. | Oui, même si c’est très cher |
COINCEURS | Rock 10 | WILD COUNTRY | Bon rapport qualité prix | Oui | Oui |
GORETEX | XCR | MILLET | Bien couvrante, beaucoup d’aérations | Bof, je la trouve très rigide et donc peu confortable au final | Un autre modèle plus souple |
DOUDOUNE | Kiruna | VALANDRÉ | Chaude | Parfaite | Oui |
BAUDRIER | Couloir | BLACK DIAMOND | Light | Oui | Oui |
Accessoires, sécurité et chaussures
LUNETTES | Evil Eye Explorer | ADIDAS | Confortable | Géniales mais chères | Oui, très confortables |
BÂTONS | Diamond trail trekking pole | BLACK DIAMOND | Ils sont solides | Aucun problème | Oui |
SAC À DOS | Guide 45+ | DEUTEUR | Léger et grand | Parfait, j’espère qu’il va durer aussi longtemps que mon ancien sac Lowe Alpine | Oui |
FRONTALE | Ultrabelt | PETZL | Light et puissante | Oui | Oui |
CHAUSSETTES | Coolmax Double | THYO | Conseillée par le vendeur | Génial, fini les ampoules | Oui, même si elles ne sèchent pas vite |
GANTS | Punisher new gants | BLACK DIAMOND | Bon feeling lors de l’essayage | Oui, très bien | Oui |
CHAUSSURES | Tower Lite | GARMONT | Gagnées grâce au Yeti ! | Me faisaient mal au début, mais ça va maintenant. Tiennent mal les crampons (je sais, je devrais pas) | Non je n’achèterais pas. Je préfère mes salomon Cosmic 4D GTX |
CASQUE | Meteor 3 | PETZL | Light | Pas mal de chocs et toujours beau | Oui |
1 commentaire
Super tu as réussi à gérer les imprévus