Victor Michel, un passionné d’alpinisme nous raconte son parcours au massif Grand Paradis en Italie.
Informations pour préparer une semaine dans le massif du Grand Paradis
Date du début du voyage
Du 16 au 23 juillet 2015
Lieu : Massif Grand Paradis en Italie
- Départ : Val d’Isère (France, Vanoise)
- Gare de Bourg Saint Maurice (Savoie), puis en stop.
- Checkpoint : Noasca/Ceresole Reale(Italie, Vallée dell’Orco)
- Arrivée : Cogne (Italie, Val d’Aoste)
Retour vers Chamonix par le tunnel du Mont-Blanc par un bus pour Aoste puis Aoste Chamonix en passant par Courmayeur. 15 euros environ.
Carte générale du parcours : – en bleu : trajet en stop
– en rouge : trajet marché
Participants :
Toto et Lolo, deux jeunes alpinistes de 19 ans formés par leurs pères, ensembles. Toto, habitant en région parisienne, passe la plupart de ses vacances à la montagne, pour le ski comme pour l’alpinisme. Je connais donc la plupart des massif français des Alpes. Voulant découvrir de nouveaux paysages, nous sommes partis en direction de l’Italie !
Où dormir au massif Grand Paradis :
Par terre au massif Grand Paradis en Italie, dans un coin d’herbe, très pratique quand on est trop fatigué pour chercher !
- Le Camping de Ceresole Reale
- Camping de Cogne
- Refuge du Prariond
- Le Refuge Vittorio Sella
- Refuge Pontese
- Bivouac Ivrea (9 places, gratuit), très peu fréquenté
Le Bivouac Grappein/Pol (9 places et 4 places, gratuit), 2 bivouacs cotes à cotes, un peu plus fréquentés que Ivrea, mais très rarement complet je pense.
Bivouac Gratton (9 places, gratuit), peu fréquenté aussi. Les bivouacs comportent le strict minimum : des couchettes, table et sièges, pas de gaz, peu de vaisselle. Ils sont bien entretenus par les alpinistes qui y passent. Plusieurs autres bivouacs jalonnent les environs, très peu fréquentés, offrant ainsi des courses d’alpinisme sauvages, originales et peu coûteuses ! Le Bivouac Leonnessa Bivouac Borghi Le Bivouac Martinotti Bivouac Money
Où se restaurer/où se réapprovisionner au massif Grand Paradis :
- Bourg Saint Maurice : Pas de problèmes, 2 grands supermarchés avec tout ce qu’il faut.
- Ceresole Reale : 2 petites épiceries, pas énormément garnies, on pensait qu’il y aurait plus.
Caractéristiques de la vallée dell’ Orco :
- Vallée dell’Orco, réputée pour ses cascades de glace en hiver et ses falaises singulière. Fissures et cheminées au programme, très impressionnant ! Peu équipées cependant, certaines voies se font entièrement sur Friends.
- On a croisé une cordée de grimpeurs qui redescendait d’une voie, je crois qu’il y en a pas mal autour du refuge Pontese (Lac de barrage de Teleccio), qui est un coin très méconnu des Français, sans doute par ce qu’il n’est pas facile d’accès depuis la France. On y entend pas parler français, contrairement au versant de Cogne, plus au nord, qui est accessible par la Vallée d’Aoste
Autres activités outdoor autour au grand Paradis :
Bibliographie :
Très peu de topos sur ce coin, à part sur la voie normale du massif du Grand Paradis en Italie. On s’est basé sur les topos de camptocamp, ainsi qu’une carte IGN du lieu.
C’est en parti ce vide d’information qui nous a motivé à partir ici. On a pas été déçue : C’est magnifique et il n’y a personne !! Un massif qui mérite d’être arpenté
Alpinisme itinérant dans le massif du Grand Paradis en Italie
Quand on fait des sorties d’un ou deux jours, on descend parfois dans la vallée pour remonter le lendemain. Mais pourquoi ne pas rester en haut ? Le but de cette sortie était de partir pour une semaine en montagne, arpenter monts et vallées sans passer par le bas, avec le matériel de bivouac et d’alpinisme. Le principe était de réaliser des courses d’alpinisme tout en découvrant un nouveau massif.
On voulait aussi se secouer un peu et mettre un peu d’intensité dans ces vacances alpines. On a en effet réaliser en 7 jours, 4 sommets !
Ascension de 4 sommets dans le Massif du Grand Paradis
Pointe de la Galise (arête sud)
- Altitude : 3343 m
- Vallée : Tarentaise
- Difficulté : PD / rocher
- Départ : Pont St Charles (2056 m)
- Refuge : refuge du Prariond (2500 m)
- Dénivelé : 850 m
- Temps : 4h de montée dont 2h30 d’arête
Tête de la Tribulation ( voie normale par Ivrea )
- Altitude : 3642 m
- Vallée : Val de Cogne
- Difficulté : PD / mixte
- Départ : Barrage de Teleccio (1917 m)
- Refuge : Bivouac Ivrea (2745 m)
- Dénivelé : 900 m
- Temps : 5h de montée, 8h jusqu’au bivouac Grappein
Grand Paradis ( par le col de l’abeille )
- Altitude : 4061 m
- Vallée : Val de Cogne
- Difficulté : PD / mixte
- Départ : /
- Refuge : Bivouac Grappein (3200 m)
- Dénivelé : 861 m
- Temps : 5h30 de montée, 9h jusqu’au bivouac
Grivola ( voie normale)
- Altitude : 3969 m
- Vallée : Val de Cogne
- Difficulté : PD / mixte
- Départ : /
- Refuge : Bivouac Gratton (3200 m)
- Dénivelé : 769 m
- Temps : 4h de montée,7h pour bivouac,11h30 au bas
Programme de notre semaine d’alpinisme itinérante au Grand Paradis
Date | Activité | Départ | Arrivée | Dénivelé | Temps de marche | Météo |
Jeudi 16 juillet | Arrivée et montée au Prariond | Pont St Charles (2056 m) | Refuge du Prariond (2500 m) | +450 m | 17h30-19h | Orage et éclaircie |
Vendredi 17 juillet | Pointe de la Galise | Refuge du Prariond (2500 m) | Noasca (Italie) | +850 m | 4h-16h | Nuageux puis beau |
-850 m | ||||||
+550 m | ||||||
-1000 m | ||||||
Samedi 18 juillet | Montée à Ivrea | Barrage de Teleccio (1917 m) | Bivouac Ivrea (2745 m) | +1200 m | 12h-19h | Beau, brumeux puis grèle |
-300 m | ||||||
Dimanche 19 juillet | Tête de la Tribulation | Bivouac Ivrea (2745 m) | Bivouac Grappein (3200 m) | +900 m | 5h-13h | Beau |
-450 m | ||||||
Lundi 20 juillet | Grand Paradis | Bivouac Grappein (3200 m) | Bivouac Grappein (3200 m) | +800 m | 4h-15h | Beau |
-800 m | ||||||
Mardi 21 juillet | Randonnée « balcon » | Bivouac Grappein (3200 m) | Bivouac Gratton (3200 m) | -1100 m | 10h-20h | Pluvieux et éclaircies |
+1100 m | ||||||
Mercredi 22 juillet | Grivola | Bivouac Gratton (3200 m) | Cogne | +800 m | 4h-16h | Beau |
-3500 m |
Arrivée et montée au Prariond
C’est parti ! Départ de Bourg-Saint-Maurice. Il fait beau, il fait chaud, on va faire les courses et direction Val-d’Isère en stop. Ça mord pas bien. On espère pas mettre trop de temps car on est déjà en milieu d’après-midi et on doit encore monter au refuge du Prariond.
Finalement, on arrive vers 17h au départ . On se retrouve seul sur ce parking après l’agitation de la journée. C’est calme, il fait plus frais, l’odeur de la montagne enivre nos narines. Une légère brise annonce le rapprochement des nuages d’orages. Le trip a commencé !
Heureusement, le refuge n’est qu’à une heure de marche. On arrive au refuge alors que l’orage s’abat sur nous. Des décorations tibétaines jonchent l’intérieur de celui-ci. On arrive tout pile pour la soirée « rapport de vacances » du gardien et de sa femme. On était pas attendu mais on se voit tout de même offrir l’apéritif en attendant que la pluie cesse. Alors que les rayons rasants du soleil du soir percent les nuages sombres, nous sommes montés plus haut dîner dans cet air emplis d’humidité avec nos amis les bouquetins.
Pointe de la Galise
Lever 4h, temps nuageux. Départ pour la Pointe de la Galise. On monte tranquillement dans ces alpages du Parc de la Vanoise…
Soudain, une grosse pierre dévale la pente et passe entre Lolo et moi qui étions pourtant rapprochés. Le coup de frayeur étant passé, on lève la tête. Un bouquetin nous regardait l’œil emplit de malice ! Ces chèvres des montagnes ne sont vraiment pas partageuses !
Arrivés au col, nous entamâmes la montée par une longueur d’escalade en 4 pour monter sur l’arête. Ayant ainsi pris de la hauteur, on commence à ressentir cette sensation de vertige que l’on a lorsque l’on évolue sur une arête prononcée, fusse-t-elle de moindre difficulté technique.
En effet l’escalade y est très aisée et on progresse rapidement à corde tendue jusqu’au sommet.
On est satisfait de cette mise en jambe et on descend par la voie normale où un petit glacier résiste encore au réchauffement climatique qui frappe durement en Vanoise.
Arrivés en Italie
On atteint ensuite l’Italie en remontant au col de la Vache. A la fin de la descente sur le barrage de Serru , un sympathique randonneur italien nous aborde. On lui explique d’où l’on vient et, au bout d’un quart d’heure de discussion à base de gestes et de mots incompris, on comprend qu’il propose de nous redescendre dans la vallée. Merci pour cet accueil !
Lessivé par cette première journée, la soirée arrive avec une bonne douche (la pluie, bien sur !) alors que nous cherchons du ravitaillement pour les 5 jours à venir, qui seront intensifs. Un point que nous avons pas pris en compte est que, bien que Ceresole Reale soit touristique, il n’y a qu’une ou deux épiceries pour se ravitailler.
Après avoir trouvé une petite grotte pour dîner et planté la tente pour dormir, on passe une nuit paisible et on se réveille sous un soleil radieux.
Montée et bivouac à Ivrea
On prend du temps pour petit déjeuner, puis on bourre les sac, qui ont du mal à fermer. On rejoint la route pour trouver une voiture qui nous descendrait vers la route du lac de Teleccio. Mais, de bon matin, toutes les voitures montaient au col du Nivolet ! Personne ne redescendait la vallée !
Direction le lac de Teleccio
Au bout d’une petite heure, on aperçoit un car, super ! On essaie d’expliquer où on veut aller au chauffeur. Le car était en fait à son terminus, et il remontait ensuite… On commençait à se demander si l’on allait réussir à monter à notre point de départ. Après avoir testé tous les moyens possibles pour aguicher les conducteurs italiens, on finit par être pris par un camping-car qui nous descend jusqu’à la jonction avec le vallon (et la route) du lago di Teleccio.
Arrivé sur le lieu dit de cette jonction, on cherche la route que l’on doit emprunter. C’est avec désarroi qu’on se rend compte que ce n’est qu’une toute petite route avec TRÈS PEU de circulation. On se regarde.. Il faudra passer à une méthode plus forte si on veut réussir à monter avant ces 20kms, surtout qu’il nous reste 1200 m de dénivelés a parcourir dans la journée.
On se mets donc au milieu de la route, sous le chaud soleil de midi. On stoppe la première voiture qui passe, on avait peur de ne pas en voir. C’est un couple de retraités. Après avoir quelque peu insisté, ils acceptent de nous monter, mais seulement au village juste dessus ils allaient simplement au restaurant ! Par chance, notre sauveur, après avoir regardé la carte, décide de faire un sacré détour pour nous déposer au barrage de Teleccio, l’envie d’aventure dans les yeux, par une route escarpée, et sous les protestations de sa femme mal à l’aise. Cette petite escapade à remué tout le monde, et nous a bien rendue service. Merci !
La journée pouvait commencer, tardivement. La première heure de marche fut très dure. La chaleur et le poids des sacs nous écrasaient. Le chemin était raide, les pas lents et la tête bouillante. On a fait une pause pour manger au refuge Pontese qui domine le lac, où l’ambiance était à la fête. Une flopée de touristes italiens la polenta de la gardienne, très accueillante, qui nous a même offert du fromage lorsqu’elle a compris que l’on était français.
Bivouac Ivrea
Mais il nous restait du chemin à faire. Nous avons donc quitté ici la civilisation pour s’envelopper dans les brumes des hauteurs, là où il y a peu de verdure pour beaucoup de rochers.
C’est dans cette ambiance austère que nous franchissames le col dei Beicci., pour rejoindre en fin d’après-midi le bivouac Ivrea sous la grêle.
On était trempés, j’en ai donc profité pour me laver dans un torrent. C’est d’ailleurs suite à cette bonne idée que j’ai perdu la sensibilité de mon orteil pour quelques mois … La nuit commençait à tomber, on a rejoint cette petite cabane jaune, fait sécher le PQ, demandé aux bouquetins si il y avait une source dans les alentours (on a pris leur réponse pour un non) et on a préparé à manger (des pâtes).
La voie normale de la Tête de la Tribulation
La nuit passât vite, comme toutes les suivantes d’ailleurs. Après 2 jours de fatigue accumulée, on s’endort vite ! Les préparatifs du matin passés, sacs sur le dos, on ferme doucement, à grand coups de pieds, la porte de notre hébergement pittoresque.
On démarre tranquillement notre journée, bercés par le silence de la nuit. La montée se fait dans un gros pierrier, sans réel chemin, ce qui nous oblige à porter le faisceau de notre frontale plus loin que le bout de nos pieds. Avec le jour vient la fin de cette pénible montée. On se retourne, on a pris de la hauteur : on surplombe maintenant ce cirque sauvage, encore dans la pénombre, alors que les premiers rayons du soleil pointent sur nous.
La journée s’annonce agréable, d’autant que je commence à être impatient le grand glacier caché juste derrière la montagne qui n’est pour l’instant à mes yeux que tâche blanche sur la carte. Une petite langue de neige sort de derrière un rognon. C’est ici que nous chaussons les crampons pour remonter cette combe sinueuse. On ne sait toujours pas comment va se présenter le couloir de montée au col de la Tribulation, qui est d’après camptocamp assez raide (40°), ce qui peut poser problème compte tenu de la chaleur du soleil déjà à 7h ainsi que du poids de nos sacs.
La combe s’élargit ensuite pour nous laisser voir cette dernière pente… Un couloir de neige ?Non, la chaleur de la période l’a transformé en pierrier croulant, aussi muable qu’une coulée de boue. Un pas dans ce terrain demande l’énergie de 4. On a cette désagréable impression de nager à contre courant dans un torrent de roches. Notre équilibre est sans cesse remis en question par les remous de cette véritable polenta rocheuse que l’on a sous les semelles. On pose les mains pour s’aider, ce qu’on regrette aussitôt, après avoir reçu quelques pierres sur les doigts.
Cette lutte avec la montagne nous mène cependant au bout de quelques temps au col. Alors, nos yeux s’écarquillent devant ce merveilleux glacier, immense et chaotique, que l’on observe depuis ce col escarpé, comme l’on observe un jardin depuis le balcon. Escarpé ! La descente ne va pas être simple. Mais pour l’instant, on doit encore monter. Le sommet n’a pas l’air très loin. On dépose nos affaires, ne prenant que le minimum.
La montée se passe bien dans des gradins rocheux, avec quelques pas d’escalade facile. Rapidement, on arrive à un replat de l’arête, d’où on découvre que celle ci cachait une partie en neige. Nos crampons étant restés au col, on s’est dit que nos piolets suffiraient.
Toutefois, à mesure que l’on avançait, l’arête devenait moins large et plus fuyante sur le coté, laissant envisager une descente rapide dans la cuvette glaciaire par un large toboggan. On frappe bien des pieds, on plante profondément les piolets, et on finit par rejoindre le sommet de la Testa della Tribolazione (Tête de la Tribulation), notre premier sommet italien.
Le retour
Le retour au col se fait de la même façon (mais dans l’autre sens!). De là, on repère le chemin de la descente, qui est barré par de longues crevasses. On aperçoit au loin une cordée qui traverse le glacier pour rejoindre le bivouac. Serons-nous seuls ce soir ? On le verra bientôt. Les premiers mètres de la descente sot raides mais rapidement, les pentes sont plus accueillantes. Mis à part les 2, 3 crevasses que l’on a rencontré, la descente ne présente pas d’autres problèmes. Nous trouvons la cabane vide. Cette petite boite grise est perché sur un promontoire de 1000m : la vallée reste très loin de nous.
La vue est magnifique, on a l’après-midi pour en profiter. On commence par faire une petite sieste. On repère ensuite l’itinéraire de la course du lendemain, le Grand Paradis.
Bien installés dans notre cabane, le soir arrive, nous serons donc seuls. Trop bien ! Dîner, couché de soleil et puis au lit. Voilà comment se finit cette journée mouvementée.
Ascension au Grand Paradis
Le levé est fixé plus tôt : 3h. La route est longue et surtout pleine d’obstacles.
Il va faire chaud, on préfère éviter de visiter le fond des crevasses, bien que certaines soient particulièrement spectaculaires. On passe les dernières minutes de la nuit à marcher sur le glacier, accompagnés seulement du crissement des crampons sur la neige encore dure. A cette heure, aucun bruit ne perce, pas même l’écoulement de l’eau du glacier. On relève la tête de temps en temps, comme pour vérifier que le paysage est encore là. Mais les énormes masses rocheuses qui se dressent autour de nous continuent de nous fixer silencieusement.
Autour de cela, notre esprit est comme vide, hors du monde, à la fois pas réveillé et trop loin de ses repères habituels pour comprendre la situation.
Puis l’effort, le pincement de l’air matinal et la caresse des premiers rayons du soleil éveillent doucement les sens. On se demande soudainement ce qu’on fait là, devant ce formidable levé de soleil.
On savoure cet instant, puis on reprend notre progression, bine réveillé cette fois-ci. La trace, très effacée, monte sur une large rampe vers le col des Abeilles, en contournant les grosses crevasses qui barrent le chemin.
On rejoint une arête de rocher branlant par une courte pente de neige au dessus du col. La montée sur l’arête s’effectue dans un terrain pénible, puis l’on s’échoue au pied d’un ressaut d’une vingtaine de mètres, en haut duquel on atteindra le bord du cirque terminal de la voie normale du Grand Paradis.
On tire alors une longueur dans une cheminée, en apparence tout à fait accessible (III), vertical, mais prisue. Je me lance en tête, mais je me rend rapidement compte que les prises adhérent guère plus au rocher que les éboulis dans le pierrier du dessous.
C’est donc crispé que je remonte cette cheminée, mettant le moins de poids possible sur chacun de mes appuis, tâtonnant longuement avant de trouver une prise convenable. Je place 2, 3 coinceurs, ne m’attendant pas vraiment à ce qu’il me retiennent. En haut, une sangle récente était en place sur un becquet, signe que cette voie est parfois faite. Je fais un relais et assure mon second qui monte sans trop de problèmes, à part lorsqu’il découvre que la grosse prise de sortie était en fait un bloc en équilibre de un mètre cube qui ne demandait qu’à lui tomber dessus.
Maintenant hissés sur Il Roc, il ne nous reste plus qu’à les quelques mètres qui nous séparent du véritable sommet. On voit nettement la voie normale et son affluence habituelle. C’est étrange de devoir monter à 4000m pour retrouver une présence humaine.
La rimaye était tellement ouverte qu’une échelle avait été installée. Cependant, on a rapidement compris que pour descendre d’Il Roc, notre perchoir rocheux, on allait devoir franchir une rimaye de même envergure. Aucun de nous deux n’ayant pris d’échelle dans ses affaires, on commençait à songer à faire demi-tour.
En cherchant bien, sur le bords de notre promontoire, on trouva un moyen de descendre sur un petit col, pour passer la grosse crevasse, bouchée, à plat. Après ce petit passage sportif, assuré au piolet, il nous suffisait de suivre la voie normale pour rejoindre ce sommet bien mérité.
La pause du sommet se compose d’un félicitation à une anglaise de 70 ans, quelques photos, un rapide casse-croûte, puis on repart sans traîner : on a plusieurs ponts de neige à franchir, et le soleil chauffe.
Mais la descente ne posera pas de problème majeur : on passe la rimaye, avec un petit saut, on tire un rappel sur la sangle pour descendre la cheminée, on retrouve notre glacier privatisé pour ces 2 jours, puis vient le calme du bivouac Grappein.
Nous sommes exténués, mais nous avons cette agréable satisfaction d’avoir accomplis quelque chose.
On passe l’après-midi à se dorer au soleil, sur notre promontoire, toujours seuls. On s’occupe comme on peut : on joue aux cartes, on rempli les bidons d’eau du bivouac au glacier, on pourchasse les mulots, le tout avec la vivacité du légume.
Pour changer, ce soir, on dormira dans le bivouac Pol, à 100m du bivouac Grappein. Plus petit (4 places) et tout en bois à l’intérieur, l’ambiance y est plus chaleureuse. Bien au chaud, on chante gaiement avant de s’endormir.
Randonnée « balcon » dans le Massif du Grand Paradis
Toc toc toc ! Quelqu’un cogne contre la porte en bois de la cabane. Il fait noir, aucune idée de l’heure qu’il est, à part que j’ai l’impression d’avoir dormi 2 jours. Mes muscles sont engourdis. La lumière d’un jour bien avancé s’engouffre dans notre appartement, puis la porte se referme. Le vent ?
On se lève sans frénésie, on s’étire, on se cogne sur l’encadrement trop bas de la porte. On profite des rayons chaud de cette matinée ensoleillée. Notre réveil de ce matin était en fait dû à un garde forestier matinal parti à 5h de Cogne, qui redescendait aussitôt après nous avoir salué pour aller travailler.
De notre côté, on rassemble nos affaire, on remets le bivouac dans l’état dans lequel on l’a trouvé, comme il est indiqué de faire, puis on entame la descente raide sur un chemin escarpé qui nous rappelle le poids de nos sacs et la fatigue de nos jambes. Arrivé au fond du vallon, une grosse pluie d’orage nous accueille. On s’abrite quelques temps sous les pins, puis on emprunte un chemin qui remonte un peu et traverse en balcon le flanc du vallon. On mange nos derniers morceaux de pain et fromage. Il reste encore un jour et on a plus qu’un repas. On fouille nos poches, il nous reste 2 barres énergétique. Ça risque d’être juste…
Le chemin se poursuit sous une alternance de nuages et de soleil. Le décors est changeant. Un lac nous appellera à la baignade, une occasion de nous laver. En fin d’après-midi, on atteint le gros refuge de Vittorio Sella. Sa route en terre, ses près d’herbe tondue sont en accord avec la présence de familles de touristes. Bien que dans le parc du Grand Paradis, il ne pourront sans doute pas refuser qu’on installe notre tente quelque part entre ces bâtiments, on gênera moins que le groupe électrogène. Mais le personnel du refuge n’était pas de cet avis.
Il était presque 19h, les hôtes du refuge sortait de table pour la balade digestive autour des bouquetins. C’est avec moins d’enchantement que nous avons, nous, remis es grosses chaussures pour 800m de dénivelés jusqu’au bivouac Gratton.
Même si la journée de marche avait été fatigante, cette marche du soir était appréciable. Le refuge n’avait pas été installé ici par hasard. Les ondulations herbeuses donnaient une certaine grâce au lieu, que les immenses troupeaux de bouquetins savaient également apprécier. Au bout d’une bonne heure de marche, les praires laissèrent place aux minéraux et c ‘est dans un champs de pierres que l’on continuera notre montée, alors que la fatigue et le manque de vivre se faisait sérieusement ressentir.
Le chemin accédant au bivouac n’étant pas tracé, on commençait à se sentir perdu dans ces pierres grises sombres, alors que le soleil se couchait. Complètement exténués, on atteignit le bord du cirque de la Grivola, 100m trop haut par rapport au bivouac. Des nuages noirs et opaques plafonnaient au dessus d’un glacier fatigué, recroquevillé dans un immense berceau chaotique intégralement constitué de roches sèches, couleur de cendre. Le nez dans la brume, une tour aux apparences maléfiques, paraissant inaccessible, se dressait face à nous, comme pour nous ordonner de faire demi-tour. « Il y a vraiment une voie F dans cette face ? », « On verra tout ça demain »
Lentement, nous sommes allés nous cacher dans le bivouac, identique à Grappein, où des âmes charitables avaient laissé, par chance, le repas qui nous manquait : un paquet de pâtes.
Ascension de la voie normale de la Grivola
Levé 4h, la motivation n’est pas au rendez-vous ce matin. Les étoiles sont cachées par une épaisses couverture nuageuse.
Et ce n’est pas le petit déjeuner constitué de restes de polenta au cacao qui nous remonte le moral. Nous partons quand même avant le lever du jour. Des câbles sont installé pour descendre sur le glacier. Cette longue et plate étendue de glace vive ne nous paraît pas plus accueillante que la veille. La Grivola non plus. Le rougeoiement du lever de soleil à travers les nuages noirs nous donne l’impression de marcher dans le cratère d’un volcan. L’approche est monotone.
Petit à petit, la grosse masse noir de la Grivola qui nous sert d’azimut se rapproche. Le temps ne s’arrange pas. On se sent faible et cette montagne déjà peu engageante est en plus réputée comme dégoulinant de ses pierres. Arrivés au pied, son mur de pierres paraît déjà plus incliné et on devine facilement une voie d’accès.
On fait une grosse pause, on mange les derniers vivres. On reste hagard. Je ne sens pas la force de continuer. Lorsque j’allais proposer de rebrousser chemin, Lolo propose de commencer la montée, pour essayer. Une éclaircie s’annonçait, il n’en fallait pas plus pour remettre la machine en route. J’ai rapidement retrouvé la motivation. On s’élève à une bonne cadence. C’est finalement presque aussi simple qu’un escalier. Un peu partout, des pierres ne demandent qu’à dévaler la pente. Cependant, les chutes de pierres sont concentrées en dessous de nous (étrange ??).
Heureusement, il n’y avait personne au dessus, ni en dessous. Parfois la simple chute d’une pierre provoquait une série de dégringolades qui finissaient en cascade au bas du couloir. Les 600m de dénivelé à parcourir ainsi ont pris un peu de temps et, vers le haut, la corde se tendait souvent : l’un comme l’autre, on s’arrêtait pour souffler. Délaissé au profit de son voisin qui atteint la barre symbolique des 4000m, la Grivola culmine quand même à 3969m !
Lorsque l’on atteint la croix de notre dernier sommet, le soleil nous accueille. Comme d’habitude, on mange un bout, puis on repart… Enfin, cette fois ci, on avait rien à manger. On pense donc à l’accueil chaleureux qui nous attend ce soir à Chamonix ! Il ne nous reste que 3500 m de descente (en dénivelés). Celle-ci sera d’ailleurs longue et fatigante. Arrivés dans la vallée, un soleil chaud nous écrase. Après quelques minutes à essayer de faire du stop, on abandonne vite pour chercher un bus à Cogne. A peine rentré dans celui ci, on s’endort.
Conclusion du trip itinérant au massif grand paradis
En conclusion, ce voyage à de nombreux points forts :
- La solitude qui nous a accompagné la moitié du temps, laissant règné ainsi une ambiance presque lunaire dans ces roches et glaces. Ça change change de coin comme Chamonix, alors que il y a des glaciers grandioses.
- Les cabanes de bivouac, gratuites, perchées, en bon état. L’ambiance y est extraordinaire. On a tous rêvé de dormir dans une cabane quand on était petit !
- L’idée folle de partir pour une semaine avec seulement un sac à dos, et de très bien s’en sortir.
- Les seules personnes qu’on a rencontré sont agréables.
Quelques événements nous ont moins plus, comme le temps d’attente en stop où les endroits pour mettre la tente qui prennent parfois du temps à trouver. Néanmoins, ces derniers points sont déjà oubliés ! C’était une superbe expérience.
Matériel utilisé au massif Grand Paradis
CATEGORIE | MODELE | MARQUE | POURQUOI AVOIR FAIT CE CHOIX AU DEPART | CE CHOIX A-T-IL REPONDU AUX BESOINS DE LA SORTIE | SI C’ÉTAIT A REFAIRE |
Piolet | Air Tech | GRIVEL | Polyvalence | Le piolet à beaucoup servit, dans différentes conditions, donc oui | Avec des pentes un petit peu plus raide, il faudrait une paire. L’assurage au piolet pour franchir les crevasses se fait peut être plus facilement avec un piolet droit. |
Crampons | Vasak leverlock | PETZL | Polyvalence | Des crampons en alu aurait été trop juste en fiabilité/solidité pour les courses effectuées. Les crampons Petzl sot très bien. | Crampons 10 pointes possibles, mais les 12 pointes sont plus surs : une pente raide en glace peut se montrer. |
Chaussures | Népal Top | LA SPORTIVA | Convient à mes pieds (larges), rigides (accepte crampons), bonne réputation, pas trop chères ; | Techniquement, ok. Bon pour les passages rocheux de par sa rigidité. La rigidité est un moins bon allié sur les sentiers. | Prendre des chaussures un peu plus confortable, ça vaut le coût lorsqu’on les garde une semaine aux pieds. |
Baudrier | Aero team III | BEAL | Taille ajustable,Bon marché | Un harnais peu confortable et pas spécialement léger. Pas assez de portes matériel. Pas adapté à la sortie. | Je prendrais un baudrier d’alpinisme. |
Dégaines | Ancien lime forg pack ? | Climbing Technology | Rapport Poids/Prix | Bonne prise de mains. Poids raisonnable. 2 tailles différentes | Je prendrais les mêmes. Peut être des plus légères encore, sans affecter la prise du mousquetons (pas de trop petits mousquetons) |
Corde | Cobra unicore | BEAL | Taille, polyvalence | On a pris un brin de 50 m à double, ça a suffit. Sur glacier un sur rocher, comme on a tiré très peu de longueur. | Corde tout à fait adaptée |
Casque | Elios | PETZL | Rapport Poids/Prix | Casque léger et résistant Peu utilisé mais utile. Broche tubulaire | Il existe des casques plus léger, mais plus cher. Pas de changement envisagé |
Coinceurs | Cablés simple | DMM | Qualité/Prix | Ils ont fait leur job | Pas de changement envisagé |
Sangles | Sangles fines | DMM | Prix et largeur | Les sangles fines sont plus simple à manier que les larges. | Pas de changement envisagé |
11 commentaires
‘lut,
j’espère que vous vous ètes régalé avec le ton que j’a laissé au gratton!!!!
Au top !
Quelle belle aventure!!!
Bravo les gars 🙂
Très belles photos ! ça nous redonne de la fraîcheur et l’envie de voyager !
Bravo Victor !
Très belles photos ! ça redonne de la fraîcheur et l’envie de voyager !
Super projet TorVik !
Sinon c’est quoi l’appareil photo que t’as utilisé ?
Vraiment sympa, ça donne envie !!
Génial ça fait rêver !
C’est à couper le souffle, cela fait rêver. Bravo à ces jeunes engagés et passionnés !
Quel récit ! Quelle aventure ! et quelle si belle passion ! BRAVO !
On a parcouru avec Cécile c’est magnifique
On regardera plus en détail avec Agathe et Joseph
À quand la face nord des Jorasses par l’éperon Walker ?!!
Une belle épopée qui ne peut que donner envie de se bouger et de découvrir de petits coins de « Paradis »! Super