Frédéric Heymes nous partage son expérience de son ascension du Denali en Alaska en Amérique du Nord. Il nous partage également la liste du matériel à utiliser pour ce projet.
Le Denali est une montagne incontournable. C’est le point culminant des Etats-Unis avec une altitude de 6190 mètres. Il est situé en Alaska et a porté pendant de nombreuses années le nom de McKinley. Ce sommet est aussi et surtout le point culminant du continent Nord-Américain, ce qui le fait entrer dans le club restreint des Seven Summits (ensemble des points culminants de tous les continents, qui inclut l’Aconcagua, l’Elbruz, La pyramide de Carstenz, le Vinson, le Kilimandjaro et bien sûr l’Everest). Ce statut en fait un sommet fréquenté, bien que réputé difficile.
Informations pour préparer l’ascension du Denali
Date :
Juin 2008
Quand partir faire l’ascension du Denali :
La saison finit tôt car la dépose en avion nécessite que le glacier de Kahiltna soit bien bouché. La saison de préférence est le mois de juin. A ce moment-là il n’y a quasiment pas de nuit.
Lieu :
Le Denali, Alaska, Etats-Unis
Comment s’y rendre :
- En avion jusqu’à Anchorage, de nombreuses compagnies sont envisageables. Un visa pour le sol américain est bien sûr indispensable
- Il faut ensuite se rendre à Talkeetna, plusieurs bus, le train ou un taxi (envisageables pour des groupes de 4 et plus).
- La dépose par avion peut se faire grâce à 4 agences : Fly Denali; K-2 Aviation, Sheldon Air Service, Talkeetna Air Taxi. L’aller-retour coute environ 600 dollars. La dépose et la récupération nécessitent d’avoir un créneau météo suffisamment clair et stable, il peut donc y avoir de l’attente (plus agréable à Talkeetna que sur le glacier !!!)
Participants à l’ascension du Denali :
Frédéric, François Xavier, Yann et moi-même : Frédéric HEYMES
Où dormir et où se réapprovisionner dans les environs du Denali :
Anchorage est une ville sympathique mais dont on a vite fait le tour. Il y a de nombreux restaurants et un grand magasin d’équipements de montagne. Ne pas oublier la détaxe ! Pour le logement, des logements pas très chers peuvent être trouvés.
Kahiltna est un village dans la forêt. Un certain charme, un air de bout du monde, des restaurants sympas. Nous avons été logés par la compagnie aérienne dans une maison à proximité de la piste de décollage. Le bureau des rangers est dans le village.
A savoir avant de partir pour l’ascension du Denali
Les conditions météo en Alaska doivent être prises au sérieux, notamment en ce qui concerne le froid glacial. Bien que l’altitude soit relativement modeste, les températures au Denali peuvent descendre très bas lorsque le vent vient du nord : le Denali n’est pas loin du cercle polaire arctique ! Il faut partir au Denali avec l’idée de rester longtemps dans le froid et de devoir endurer quelques journées à -40°C. Autre point météo : le Denali est bordé au sud et à l’ouest par l’océan pacifique, il neige régulièrement, ce qui n’est pas forcément un mal pour combler les crevasses. Une météo exigeante donc, mais les journées de beau temps ne sont pas rares et le paysage est tout simplement fantastique.
Organisation de l’expédition au Denali
Une expédition au Denali est assez facile à organiser. Le sommet étant très fréquenté, de nombreuses informations peuvent être trouvées sur internet et une multitude de récits permet de se préparer. Le point caractéristique d’une expédition au Denali est qu’elle se déroule entièrement sur la neige ou la glace sur plusieurs semaines. Il vaut mieux être habitué à vivre sur la neige 24h/24h.
On accède au Denali par une dépose en avion sur la neige, puis il faudra tirer des pulkas pendant plusieurs jours pour accéder à ce qui peut être considéré comme le camp de base du sommet (4330 mètres). Cette approche en tirant des pulkas est physique car ça monte ! Mais partir en autonomie complète avec pulka donne beaucoup de charme à l’aventure.
Les itinéraires pour l’ascension du Denali
Il y a plusieurs itinéraires pour gravir le Denali. Par le sud, deux voies sont les plus fréquentées : la West Butress et la West Rib. Une voie plus technique et très connue est la voie Cassin. Pour la West Butress (voie normale), les étapes sont les suivantes :
- Dépose par avion sur le glacier de Kalhitna (2200 m). Des pulkas sont généralement transportées en début de saison sur place par la compagnie aérienne ainsi que des stocks d’essence à réchaud. En discuter avec l’agence aérienne à l’avance.
- Approche du camp de base (avec pulkas). De nombreux camps sont possibles entre la dépose avion et le camp de base. Les plus fréquentés sont les suivants :
- Camp 1 : Ski Hill (2400m)
- Le Camp 2 : Kahiltna Pass (2950 m)
- Camp 3 : Windy Corner (3350 m)
Les rangers détaillent parfaitement l’itinéraire lors de la formation ; il y a des zones de crevasses à contourner et des bifurcations à ne pas louper.
- Le camp de base est le camp 4 (4330 m). Les pulkas et le gros du matériel sont laissés à cet endroit.
- Le sommet peut être atteint directement depuis le camp de base ou en posant le camp 5 (5250 mètres). A savoir que des rangers sont présents pendant la saison estivale pour organiser des secours, donner les prévisions météo, fournir des renseignements. Bon à savoir ! Il y a également un poste avancé pour les rangers au camp 5, mais ils ne sont pas toujours présents.
Réglementation du Parc
Le parc est règlementé, une visite auprès des rangers est obligatoire avant d’entrer dans le massif. De très nombreuses informations sont données par les rangers au cours d’une réunion d’information très utile : zones crevassées, zones abritées du vent, météo, que faire en cas de problème, règles de protection de l’environnement.
Informations pratiques pour l’ascension du Denali
Téléphone :
A priori il est possible de téléphoner avec un mobile, même si la couverture réseau est médiocre. Les opérateurs qui passent le mieux sont AT&T et Matanuska Telephone Association (MTA). Le téléphone satellite est plus sûr, le seul opérateur sur la zone est Iridium. Il est possible de louer un téléphone et d’acheter un forfait à Anchorage. Etant donné la présence de rangers sur place en cas de problème, un téléphone n’est pas indispensable. Une radio facilitera les secours.
Météo :
La météo donnée par les rangers n’est pas fiable, nous avons pu le constater. La présence de nombreuses expéditions permet d’avoir des infos qui peuvent être croisées pour avoir une idée assez fiable des prévisions météo. Le massif du Denali est le premier à recevoir les perturbations du pacifique, il neige donc souvent. Attention au vent polaire quand celui-ci vient du nord.
Réchaud :
Eviter le butane car la bouteille de gaz va geler. Le propane est préférable, mais pour des raisons logistiques un réchaud à essence est le meilleur choix. Il suffit d’acheter plusieurs bidons au camp d’atterrissage !
Permis pour l’ascension du Denali
Un permis pour le parc et pour le sommet est indispensable. Il faut le réserver à l’avance via internet. Le prix est aux alentours de 400 dollars.
Guides pour l’ascension du Denali
Plusieurs agences françaises proposent des expéditions guidées, par exemple celle de Paulo Grobel, Allibert, Montagne Evasion ou Expes qui a eu de nombreux succès sur les 8000.Skis ou raquettes ? La fameuse question… Tout peut être fait à skis, il n’y a pas de passage rocheux rédhibitoire. Certains passages sont raides et nécessiteront de prendre les skis sur le sac et de monter en crampons. Le risque de chute dans une crevasse est bien moindre avec des skis aux pieds. Par contre, tirer la pulka avec des skis me semble difficile quand la pente est importante, et skier à la descente avec une pulka bien chargée ne doit pas être facile ! Pour ma part j’ai choisi raquettes et je n’ai pas regretté mon choix.
Quoi d’autre dans les environs :
Du kayak de mer ! Les fjords du Kenai et le Prince William Sound sont des endroits fantastiques pour faire du kayak. Phoques, baleines, oiseaux, la nature est très présente et vibre autour de soi ! Il y a également beaucoup de possibilités de treks en Alaska, de la pêche, et on retrouve également une multitude de randonnées à faire en Alaska. L’avion est un mode de transport idéal pour rejoindre des villages isolés.
Vous pouvez également retrouver ici les parcs nationaux à visiter absolument lors d’un voyage aux Etats-Unis.
Bibliographie :
Alaska: A Climbing Guide, by Colby Coombs and Michael Wood / The Mountaineers Books
Ascension du Denali, le congélateur d’Amérique du Nord
Mon projet
Alaska ! Alaska ! A mon sens peu de noms évoquent autant l’aventure que ces trois syllabes. L’immensité, la sauvagerie absolue, le wilderness… L’écho du film Into The Wild résonne encore dans mon cœur. L’Alaska se dessinait dans mon imaginaire par des notes de toundra, de rivières sauvages et glacées, de grizzly, la fameuse ruée vers l’or du Klondike, les chasseurs de baleines, les chiens de traineau, l’Iditarod, les esquimaux, les ours blancs, le pôle nord… Peu de terres dépassent le cercle arctique, l’Alaska en fait partie. Mais pour que le rêve devienne projet il faut se poser la question
« Aller en Alaska oui, mais pour quoi faire ? » !
Pour l’alpiniste la réponse vient assez vite : pour l’ascension du Denali bien sûr ! Quelle plus belle manière de voir un pays que depuis son point culminant ? Embrasser cette immensité d’un regard, poser ses yeux sur les lueurs étincelantes du cercle arctique, s’immerger dans le massif sauvage et peu connu du Denali. J’avais des frissons rien que d’y penser. La lecture de différents récits et la recherche d’informations me donnèrent deux infos essentielles : techniquement ce n’est pas très difficile, et donc à ma portée… mais le froid y semble terrifiant. Et la notion d’engagement… Se retrouver à quatre jours de traîneau du point de rencontre avec un avion, pour un sauvetage éventuel, si la météo le permet… Et comment gérer trois semaines dans le froid, sans possibilité de se réchauffer ?
Recherche de partenaire pour l’ascension du Denali
J’en parle à un ami que l’idée motive immédiatement. Je suis un peu étonné car il n’a pas d’expérience en expé, je lui fais lire un récit pour qu’il ait bien conscience de la nature de ce projet. Il reste motivé, parfait… mais au moment d’acheter le billet d’avion, de l’eau est passée sous les ponts et la motivation de mon ami est partie avec. En gros, il me laisse tomber, plombant ainsi mes vacances et ruinant la joie que je me faisais d’aller en Alaska. Dur dur… et frustrant, j’aurais eu tout le temps de chercher d’autres partenaires mais maintenant ce sera plus difficile.
A tout hasard, je cherche une expé en partance pour le Denali et je finis par tomber sur le site de canadiens qui partent sur le même projet. Je les contacte, coup de bol, le quatrième de leur équipe renonce et ils cherchent à le remplacer. L’affaire est bouclée !
Direction l’Alaska
L’avion survole des étendues blanches et montagneuses en Alaska. Je n’ai aucune idée d’où nous sommes. Nous finissions par atterrir à Anchorage, je pose mes pieds en sol d’Alaska ! Il a fallu investir dans des vêtements et un sac de couchage pour le froid à -40°C, au final j’ai cassé la tirelire et le budget ne m’a pas permis d’acheter le pantalon en plume. Mais je ne suis pas frileux, j’ai plusieurs gros collants et un pantalon en goretex qui suffiront pour les jambes !
Un peu avant de retrouver les canadiens, j’ai des doutes. Je ne connais pas ces gens et je m’apprête à partir dans le massif du Denali avec eux, trois semaines de vie en tente et aucune possibilité de s’isoler ou de partir ! De la folie… qu’ai-je donc fait ? Partir en expé avec des inconnus !!! Mais j’ai confiance en mes capacités d’adaptation et de patience et je sais que tout se passera bien. Le premier contact est excellent, ouf, c’est parti pour l’aventure !
Talkeetna
Talkeetna est un endroit magique, on se sent vraiment bien. Maisons de bois, une diversité de personnages barbus, bariolés, excentriques, chasseurs, pécheurs, alpinistes… personne ne vient ici par hasard. L’endroit sélectionne ceux qui viennent ici pour la nature, pour la montagne, pour s’éloigner de la civilisation, pour fuir ?
Avec un a priori négatif nous allons voir les rangers pour le briefing. Ce sentiment négatif se nourrit du fait que cette formation imposée par la société protectionniste américaine pour nous expliquer comment faire de la montagne heurte notre autonomie et notre envie de liberté. Mais je ressors ravi de ce briefing, notre sens de la responsabilité est respecté, il s’agissait de fournir des informations utiles et de donner les consignes à respecter pour préserver le massif.
En saison d’alpinisme un millier d’alpinistes peut se retrouver sur place, les déchets et les excréments sont un problème majeur qui a été résolu par l’emploi obligatoire de sacs poubelles et de boites à caca. Hé oui, il va falloir faire ses besoins pendant trois semaines dans une boite destinée à cet usage ! Nous comprenons l’intérêt de cette mesure, j’espère que nous ne serons pas ennuyés par des questions d’odeur.
Direction le Denali
Une fois notre dernier repas cuisiné englouti dans un restaurant de Talkeetna, nous rejoignons l’aérodrome pour prendre l’avion. C’est un petit coucou assez récent, nous décollons et prenons de l’altitude. Devant nous au loin, une barrière blanche et lumineuse nous attend. Denali nous voilà ! Je pense aux pionniers qui sont partis à pieds pour rejoindre le massif. Des semaines de marche dans la forêt touffue, les rivières et les marécages. L’aventure n’est plus la même de nos jours, heureusement !
Un peu d’angoisse tout de même : nous voilà partis pour passer trois semaines dans un frigo qui peut descendre à -40°C. Tout sera difficile : faire fondre la neige, tirer les luges, affronter le froid et le vent, et il faudra faire très attention aux crevasses, au jour blanc et surtout à ne jamais tremper nos affaires car cela ne sèchera plus. En nous approchant nous découvrons le monstre. Le Denali fait partie des sommets du monde qui ont le plus de dénivelé du socle au sommet. La masse blanche du Denali dépasse largement toutes les montagnes environnantes, ce qui explique son nom local qui signifie « celui qui est haut ».
Le pilote nous a prévenu, il fait moche dans le massif et il n’est pas sûr de pouvoir nous déposer. Coup de bol, une éclaircie fugitive lui permet de se poser, nous déposer, et repartir pour se reposer. Voilà : nous voulions y être, nous y sommes. Il y a plus d’une année maintenant que nous préparons ce projet. Or, aujourd’hui nous savourons pleinement le début de cette grande expédition. Une fierté certaine nous habite sous notre équipement.
L’arrivée au Denali
Il ne fait pas trop froid. Il est 22H, il fait grand jour, nous partons de suite ! C’est pratique de ne pas avoir de nuit, cela écarte la question de l’orientation de nuit. Les jours suivants sont des journées de travaux forcés, dans le mauvais temps. De fortes rafales de vents mêlées à des précipitations de neige nous ont contraints à ralentir le pas et rester une journée complète au camp 2.
Il y aurait deux stratégies pour avancer avec tout notre matériel, qui représente toute de même 65 kg par personne: faire deux voyages sur chaque étape afin de diviser la charge par deux ; ou faire le trajet d’une seule fois, quitte à réduire la distance. Nous choisissons cette deuxième option ce qui nous convient mieux psychologiquement mais rend la traction de la luge difficile quand la pente monte trop. Quel travail de mule !
Le moral est assez bon, nous avançons, le projet se déroule normalement. A certains moments nous sommes totalement enveloppés par les nuages et la visibilité devient nulle. Nous faisons alors une pause pour manger, nous reposer ou même poser le camp.
L’avancement stratégique
Après le camp 3, notre stratégie est remise en question. Il ne sera plus possible d’avancer en tirant nos enclumes. L’altitude se fait sentir, nous devons couper les pentes latéralement afin de traverser Windy Corner. La luge glisse sur le côté et nous tire dans la pente…en plus de cela, la pente fait basculer la luge sur le côté et nous passons notre temps à la relever. C’est très stratégique que de charger nos luges. Les objets lourds en bas pour descendre le centre de gravité, une couverture de survie pour protéger les affaires, et le piolet pas loin car il y a des crevasses !!!
Camp 4
4 juin, première journée de soleil ! Après 6 jours à tirer nos luges nous arrivons au terminus de nos travaux forcés. Le camp 4 signifie le début des parties techniques et la fin du travail de mulet. Je suis épaté par le nombre de tentes de ce camp. Chaque tente est entourée d’un mur de neige pour protéger du vent, et se sert des murs voisins pour minimiser le travail de maçonnerie (ou neigeonnerie ?). Ainsi apparaissent des rues, des quartiers, un petit village très convivial de barbus emmitouflés.
La base des rangers est là, une boite en tôle leur permet d’avoir un peu plus de confort que nous. Etant donné que notre eau de boisson vient de la fonte de la neige, il est primordial de conserver la pureté de celle-ci et donc d’organiser des latrines. Celles-ci consistent en des fanions aux intersections des rues, ou l’urine finit par creuser de profonds puits de fonte de plusieurs mètres de profondeur !
Repos
Nous allons bien, bien que la météo ne soit pas fantastique nous n’avons pas trop souffert du froid. Pour mes compagnons, l’épuisement et l’altitude se sont faits ressentir pendant la nuit; de même que des maux de tête, de ventre et des sensations physiques peu agréables qui les ont empêchés de vivre un sommeil récupérateur. Nous décidons donc de faire une pause dans l’ascension, histoire de récupérer des forces et s’acclimater. Au programme, boire, dormir, manger, discuter avec les voisins. Une vie de retraité ! D’un point de vue humain cela se passe très bien, au plaisir d’être en expé s’ajoute le plaisir d’être en très bonne compagnie avec des personnes intéressantes avec un état d’esprit positif. Et de nombreuses discussions sur nos différences, nos points de vue, la France, le Canada… rien de mieux pour occuper les journées à ne rien faire.
Direction le camp 5
Survient le jour d’envisager le sommet. Il va falloir monter au camp 5 qui est situé à 5200 mètres. Mes compagnons proposent de ne monter qu’une tente pour les quatre, dans une tente conçue pour trois personnes. C’est jouable et nous permettra de nous économiser. C’est parti ! Nos sacs sont néanmoins lourds et nous avançons doucement. L’arrivée au camp 5 st un soulagement, nous ressentions la température descendre de plus et plus et il nous tardait de nous réfugier dans la tente.
La vie à quatre dans la tente n’est pas facile. L’espace manque cruellement pour s’étendre, lors des repas, pour ranger le matériel. Je crains que nous n’ayons été trop optimistes. Nous avons décidé de rester deux nuits et une journée à l’étroit dans ce camp, il faut tenir… Le froid est glacial, il fait -17°C dans la tente et tout ce qui n’est pas gardé au chaud gèle ! Nous voilà en plein froid Denalien, il faut s’emmitoufler et tenir bon. Aller aux toilettes est un calvaire, un effort que seule l’urgence du besoin permet d’envisager.
La météo denalienne
Il faut aller vite, se découvrir le moins possible et vite retourner au chaud dans la tente. Enfin disons dans le moins froid… Le tube du camel back de François Xavier a gelé et est devenu dure comme une perche ! Heureusement le porter sur soi quelques temps finira par dégeler le tube qui redeviendra fonctionnel.
Coté altitude, cela va bien. Les journées d’acclimatation nous ont permis d’avoir le stock de globules rouges nécessaire pour endurer les effets de l’altitude. Etant donné notre forme, nous décidons de tenter le sommet.
Tentative du sommet
C’est un échec. Pour mes compagnons, l’altitude a repris son tribut à 6000 mètres. Fatigue, migraine. Pour moi, le froid transperce mes vêtements et je me sens à la limite de ma résistance au froid. D’un commun accord, nous retournons à la tente du camp 5. Nous nous réchauffons serrés dans notre alvéole de survie en mangeant une bonne soupe. Le Denali est coriace et nous a ébranlés. J’avais mis tous mes vêtements chauds pour cette tentative et le froid m’a repoussé.
Je suis anéanti, je n’ai aucune chance de pouvoir atteindre le sommet car je ne suis pas assez équipé pour cela. Mes compagnons ont récupéré le top en matière de thermicité, c’est-à-dire une combinaison intégrale en duvet de chez North Face. Moi j’ai également du très chaud mais je suis trop léger au niveau des jambes. Quelle erreur…
Descente au camp 4
Nous redescendons au camp 4 pour nous reposer. Quel plaisir de gagner 10°C, il fait presque bon ! Nous nous reposons une journée et allons voir la météo. Le lendemain la météo est très mitigée et mes compagnons décident… de retenter le sommet ! Je ne comprends pas. Nous avons le temps, encore une dizaine de jours, pourquoi partir demain et ne pas attendre de meilleur créneau ?
Je suis dubitatif et les laisse repartir au camp 5. Pour moi ils vont droit à l’échec et mettent peut-être en péril la réussite d’une tentative plus tard. Si le temps est pire que prévu ? S’ils se gèlent ? Nous avons vu que le Denali est une montagne dure pour le corps, un froid qui transperce toutes les couches et glace le corps jusqu’aux os. La respiration est problématique : l’hyperventilation impose de respirer par la bouche, mais l’air glacial refroidit et gèle la langue… il faut donc aspirer de l’air chaud sous la doudoune pour la réchauffer, et expirer par le nez pour éviter qu’il ne gèle lui aussi. Une technique qu’il faut adopter pour ne pas geler, contraignante et énervante mais indispensable. Le froid du Denali est affreux.
Retour de mes compagnons du sommet
Trois jours plus tard mes compagnons reviennent enchantés. Ils ont réussi à faire le sommet ! Je ne comprends plus, et la météo annoncée mauvaise ? Hé bien oui, il a fait moche mais ils ont réussi. Ils n’ont rien vu mais tout s’est bien passé. Nous faisons la fête, mais moi je ne souris pas intérieurement. Et moi dans cette histoire ? Je ne regrette pas leur choix car ils n’ont rien vu et ont à mon sens gâché leur sommet. Je pose la question de savoir ce que nous allons faire maintenant.
La réponse est claire et me surprend. Le sommet étant réussi, c’est le retour à la maison. Je peux rentrer avec eux, ou rester sur place, dans ce cas ils peuvent me prêter un réchaud que je leur renverrais par la suite. Je suis abasourdi… rester seul ici, pour tenter le sommet et rentrer ? Et les crevasses ? Et s’il m’arrive quelque chose ? Rien à faire, j’aurais pu tenter ma chance avec eux et je n’ai pas saisi l’opportunité. A moi de prendre mes responsabilités, si je reste c’est à mon péril et sous ma propre responsabilité. C’est cruel d’avoir enduré tous ces efforts pour renoncer alors que tout va bien et que j’ai encore du temps devant moi !
Seul au Denali
Je joue ma dernière carte en leur annonçant que je vais rester, qu’ils peuvent partir. Je ne veux pas de leur matériel. Nous nous séparons maintenant, et je ne leur donnerais aucune nouvelle. Ils ne sauront pas si j’ai réussi ou si je suis mort dans une crevasse. J’ajoute qu’ils sont en train de gâcher leur expédition. Le souvenir qu’ils en garderont n’est pas celui d’une belle réussite mais celui d’un abandon. Pas très joli comme souvenir.
Sur ces dernières phrases tout le monde va se coucher, ils décident d’être trois dans une tente et moi seul dans une deuxième. Je me demande ce que je vais faire. Et s’ils ne changent pas d’avis ? Vais-je rester seul ici comme je leur ai dit ? Je ne l’envisage pas, trop risqué. J’ai abattu ma dernière carte à eux de me montrer leur jeu.
Deuxième chance pour le sommet
Au lendemain une bonne nouvelle me redonne le sourire. Yann va rester avec moi pendant que les deux autres redescendront. Yann me fait bien comprendre que c’est un geste qu’il fait et qu’il n’envisage pas de rester les dix jours qui restent. En gros, je dois tenter ma chance dans les jours qui viennent sinon on redescendra ensemble. Deuxième bonne nouvelle, Yann accepte de me prêter sa combinaison en duvet pour que je puisse tenter le sommet ! Formidable !
Objectif atteint !
Je réussirais le sommet, seul, le 14 juin 2008. Le vent était du nord, le ciel d’une limpidité fabuleuse. Un froid affreux. J’étais aux prises avec le doute jusqu’au moment où je suis arrivé au point culminant. Là-haut, rencontre furtive avec des Norvégiens qui venaient d’un autre versant. Le temps d’une photo, et ils repartent.
Je reste seul, je contemple l’horizon à 360°. Restant incrédule de l’endroit où je me trouve. Je me dis que je dois ouvrir tous les pores de mon esprit pour absorber la magie de ce moment, c’est un moment rare dans ma vie, une borne de bonheur et de réussite. J’essaie de m’imprégner, le massif s’étale à mes pieds. Je vois des chaînes de montagne blanches au Nord, et d’autres à l’Est. Il s’agit de la chaîne arctique et des rocheuses canadiennes. Ouaou… J’ai une grande partie de l’Alaska à mes pieds. Quel bonheur !
Redescente du sommet Denali
Je redescends rejoindre Yann. Il a constaté que le ciel avait été magnifique pendant mon ascension et je crois qu’il a envié ma chance. Enfin, chance… j’ai simplement attendu d’avoir eu une belle journée.
Retour à Talkeetna. Nous retrouvons François Xavier, Fred et … sa copine ! Tout s’éclaircit alors. Le fait de faire le sommet si rapidement était motivé par le besoin de revenir rapidement retrouver cette fille !
Il avait rencontré cette fille avant de partir, et partir plusieurs semaines en expé avait été compliqué pour lui. Et donc il avait essayé d’achever cette expé au plus vite afin de la retrouver et de passer du temps avec elle.
Conclusion de cette ascension du Denali
C’était donc une histoire de cœur qui a failli me faire rester seul dans le massif. Que penser de tout cela ? Je suis rentré en France en me disant que je ne voulais plus avoir affaire à des personnes qui étaient capables de mettre un terme à une expé 10 jours avant sa fin prévue et de me laisser en plan. Je parle d’abandon, mais je n’aurais pas été seul : le Denali est très fréquenté. Et puis il est vrai que j’avais renoncé à faire le sommet avec eux, me désolidarisant du groupe.
Leur raisonnement était compréhensible. Finalement, j’ai vécu une expérience très intense car j’ai fait le sommet seul, avec une météo fantastique. Être seul en montagne décuple les émotions du fait qu’on n’a plus de partenaire pour échanger et équilibrer. Les angoisses sont plus fortes, les plaisirs aussi. Cette expédition au Denali constitue l’une de mes expériences les plus fortes en montagne.
Matériels utilisés pour cette ascension du Denali
CATÉGORIE | MODÈLE | MARQUE | POURQUOI CE CHOIX ? | SATISFAIT ? | SI C’ÉTAIT À REFAIRE ? |
TENTE | VE25 | THE NORTH FACE | Une valeur sûre, très spacieuse et résistante | Oui, malgré le poids conséquent. On a réussi à dormir et vivre à 4 dedans ! | Oui |
CRAMPONS | Air Tech | GRIVEL | Light et solides | Oui parfait pour l’ascension du Denali | Oui, sans hésiter. Enfin des crampons qui ne pèsent pas trop |
SAC DE COUCHAGE | Down 400 | MOUNTAIN HARD WEAR | J’avais une grosse réduction dessus | Oui, sac chaud et solide. Un peu lourd. | Du duvet, chez Valandré par exemple |
CHAUSSURES | Everest | MILLET | Incontournables, chaudes et résistantes. Le must ! | Pas eu froid avec, malgré le froid extrême | Idem, les nouveaux modèles compensent les petits défauts du modèle de 2004. |
RAQUETTES | MCKINKEY | Les seules diponibles dans le magasin de sport à coté de chez moi | A peu près. Elles sont lourdes mais je n’ai pas eu de souci avec elles | Des raquettes plus légères, comme des TSL ? | |
DOUDOUNE | Bering | VALANDRÉ | Oui, ma veste pour les grands froids ! La poche intérieure est appréciable pour garder des choses au chaud | Un peu fragile mais chaud, oui | Oui |
PIOLET | Pulsar | CHARLET MOSER | Classiques à ce moment là | Trop lourds !! Et inadaptés pour l’ascension du Denali | Un piolet light style Air Tech de Grivel |
PANNEAU SOLAIRE | 26W | BRUTON | Un peu lourd | Les nouveaux panneaux sont plus efficaces | |
BATTERIE | MP3450 | TEKKEON | Indispensable pour charger | Oui, tjrs pas de pbme | Oui |
PELLE | Beast | ORTOVOX | Solide | Oui, je préfère les pelles métal | Oui |
RÉCHAUD | Omnifuel | PRIMUS | Très bon, polyvalent | Oui, il s’est encrassé une fois mais j’ai pu le nettoyer | Oui même s’il est cher |
8 commentaires
peut ont le faire en solo merci ..salutation gill 07 60 02 19 54
Bonjour Frédéric,
comme je rentre d’Alaska je fais quelques recherches sur le Denali et je’suis tombe sur ton récit .
A te lire il est possible de faire l’ascension sans guide. Est ce le cas?
Quel est le niveau technique, sans parler des conditions météo qui elles peuvent être rudes?
Merci pour ces’infos …meme si à ce jour ce projet n’est pas d’actualité.
Thierry
En attendant une réponse de Frédéric, je vous conseille de lire ce très bel article » Conseil pour préparer une expédition au Denali » rédiger par Arnaud PASQUER de l’agence Pasquer Voyages et Aventures
Bonjour,
Légalement, l’accès au Denali (qui est dans un parc et il y a un briefing avec les rangers et un permis à acheter) est possible sans guide. Donc oui, il est possible de le faire sans guide.
Le niveau technique par la voie normale (west butress) n’est pas très difficile, le seul passage un peu pentu est généralement équipé en cordes fixes, pour moi un niveau PD en alpi suffit.
Pour la question du solo de Chesnay et la question du guide de Thierry, il y a deux difficultés à bien prendre en compte:
1/ Les crevasses. On remonte pendant plusieurs jours des glaciers crevassés, donc attention pour le solo et il faut bien maitriser toutes les techniques liées à la progression sur glacier
2/ L’orientation. C’est grand, c’est vaste, c’est blanc, on peut se retrouver perdu dans le jour blanc et il faut maitriser l’orientation sans visibilité.
J’ai fait le sommet en solo, ca se fait bien à partir du camp de base d’altitude ou du dernier camp (camp 4 ou 5 dans ce récit).
Les conditions météo peuvent être extrêmes (vent, froid), il y a des décès régulièrement à cause de la météo. Les rangers ont des prévisions météo mais elles ne sont pas très fiables (du moins en 2008, maintenant je ne sais pas).
Le Denali c’est un sommet physique (beaucoup de tractage de luge) et une longue période sur la neige/glace, mais ce n’est pas extrême comme un 8000, ca se fait bien et c’est l’une de mes plus belles expé.
comment avoir un guide francophone sur place …comment se loger pas cher …les treck sont ils beins siglalés!!!! merci a toi pour tes excellents conseils …….gill
Bonjour,;
J’aimerai faire le DENALI mais avec un guide, avez-vous quelqu’un a me recommander? Nous sommes 4.
Merci d’avance!
Sebastien
Bonjour n’hésitez pas à contacter Arnaud Pasquer qui sera en mesure de vous concocter un beau voyage avec l’ascension du Denali
J’ai fais le denali en solo sensationnel enfin de vrai sensations ne prenez pas d’agence cher et peu fiable à bientôt