Thibaud PARDONNET nous partage son expérience de l’ascension du Stok Kangri ( 6621 m ) en Inde sur la chaîne de l’Himalaya
Informations pour préparer l’ascension du Stok Kangri
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Auteur
Thibaud Pardonnet, 25 ans
34070 Montpellier
Email: [email protected]
J’aime me raser avec un blaireau, faire du monoski, rouler en renault 5 et prendre des photos avec un appareil argentique. Je n’aime pas les escalators, l’escalade en salle, les gens qui disent « c’était mieux avant » et les journaux féminins. J’ai 25 ans, je suis parti un an en Inde, pour raisons professionnelles, et j’en ai profité pour goûter aux montagnes himalayennes.
Les activités que je pratique sont l’escalade (10 ans de pratique), le ski (20 ans de pratique), monoski (mondiaux de monoski 2010), l’alpinisme (5 ans de pratique, à petit niveau), et aussi le ski de randonnée (là aussi, faible niveau).
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Le projet
Après un an en Inde, et quelques semaines de trekking, j’ai échoué à Leh, dans le Ladakh. Seul, et avec une envie d’alpinisme assez pressante… Là, plus j’entendais parler du Stok Kangri, plus je le voyais en photo, plus il m’obnubilais. J’en arrivais même d’y rêver… J’ai donc eu envie de tenter son ascension, avec ma tente, mon réchaud, et un guide. J’avais déjà fait quelques courses d’alpinisme, mais je me doutais bien que cela n’aurait rien à voir. En effet…
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Activités pratiquées
Trekking, randonnée, camping, alpinisme
Ce qui m’a aidé à préparer mon séjour : Je dois confesser que, malheureusement, je n’ai pas très bien préparé cette ascension. Les livres et autres topos sur le Stok Kangri étant inexistants à Leh, et les avis des « agences de guides » locales n’étant pas d’une précision exemplaire, j’ai du me rabattre sur internet. La connexion étant lente et chère, mes recherches se sont vite limitées à un blog d’un allemand (avec des photos) et un forum : où tous les avis étaient présents, depuis l’optimiste
Le Stok Kangri est très facile, du niveau d’une balade dans les sous bois
à
Je n’ai jamais autant souffert que pendant l’ascension du Stok
Pour résumer : j’étais assez impréparé…
Ascension du Stok Kangri en Inde sur la chaîne de l’Himalaya
Après un an en Inde, pleins de projets, de découvertes, de collocation et de filles superbes, je me suis retrouvé à Dehli, dans une chambre d’hôtel, tout seul. Mon travail était terminé, mes amis étaient partis, et mon envie de voyager m’avait quittée. En plus de cela, mon visa allait se périmer dans deux mois.
Après quelques jours passés à regarder des séries de Bollywood et à me nourrir avec le room service de l’hôtel, j’ai rencontré un français qui partait faire des treks dans le nord de l’Himalaya. J’ai donc acheté quelques affaires de montagne et un ticket de bus, avant de le rejoindre à Leh, dans le Ladakh.
Là bas, j’ai pris goût à l’Himalaya.
Ça a été un peu comme dans une relation avec une fille : d’abord un coup de foudre, puis l’apprentissage de l’autre, pas à pas, avant d’essayer de nouvelles choses. Petit à petit, je me suis enhardi, et après plusieurs treks, j’ai décidé de ne pas rentrer en France avant d’avoir gravi un sommet. Histoire de ne pas avoir de regrets, histoire d’avoir plus de choses à raconter à mes petits enfants que Neil Armstrong et Bernard Tapie réunis. Et surtout parce que j’étais curieux : qu’est ce que ça fait de faire de l’alpinisme à cette altitude ? J’avais déjà quelques expériences d’alpinisme en France et en Suisse, mais je n’étais jamais monté plus haut que 4000 m, en Alpinisme.
J’avais déjà eu plusieurs expériences malheureuses où j’avais été confronté à des guides incompétents et à des porteurs encore juvéniles, traités comme des moins que rien. Je voulais donc, pour cette dernière aventure himalayenne, m’en affranchir le plus possible.
Aventure Himalayenne
Partir seul m’a effleuré l’esprit, mais j’ai quand même choisi de prendre un guide : plus rassurant, et au courant des formalités administratives (il fallait s’acquitter d’une sorte d’octroi au départ de la course). Par contre, j’avais choisi de partir en autonomie totale, et de ne pas déroger à cette règle. Porter plus me semblait être le prix de la liberté.
Après quelques emplettes (un réchaud à essence, de la nourriture pour 4 à 5 jours, des vêtements chauds et un sac de couchage de montagne), je me suis mis en quête du matériel technique qu’il me manquait : piolet, crampons, baudrier et corde. Après une journée, j’étais prêt. Nous sommes montés, mon guide (Ansari) et moi, dans un pick up, pour sortir de la ville et rejoindre le massif du Stok.
La première désillusion a tout de suite commencé : le sac du guide était presque vide, et il semblait bien décidé à me laisser porter tout le matériel commun. Le ton de la course était donné : l’opposition frontale entre lui et moi, même pour des choses qui me paraissaient évidentes.
Arrivés au camp 2 juste avant la nuit
A notre réveil, tout était silencieux. Le seul objectif du deuxième jour : rejoindre le camp 3. Cela a été fait en quelques heures, et la journée s’est ensuite passée entre installation du campement, discussion avec les autres alpinistes dans la tente principale, jeu du caroum et photos dans la nature. J’appréhendais un peu la nuit qui allait suivre : la nuit avant l’assaut final. Il n’y aurait plus de camp pour ce reposer. Il fallait aller jusqu’au sommet et revenir. Je ressentais comme de l’appréhension : je m’apprêtais à aller gravir un sommet que je ne voyais même pas depuis le camp. A une altitude où je n’étais jamais allé. A 4800 mètres, avec l’excitation de l’assaut et le mal des montagnes qui me vrillait la tête, je n’ai pas dormi un seul instant.
Quand l’heure de l’assaut est arrivée
Au petit matin, mon sac était déjà prêt. Je n’ai eu qu’à réveiller Ansari, qui dormait dans ma tente, et nous sommes partis. C’est là que le guide a réalisé qu’il avait oublié sa frontale à Leh. A ce moment là que le guide s’est rendu compte que ses chaussures prenaient l’eau. Et c’est là que le guide a réalisé que qu’il ne savait pas attacher ses crampons. Finalement j’ai compris la mesure du problème.
Je devais sans cesse éclairer le guide, qui marchait devant moi, surtout lorsqu’il s’arrêtait pour remettre ses crampons. Là, mon seuil de tolérance a été atteint : je suis devenu irascible et énervé. A tel point qu’au bout de quelques heures, un fossé d’incommunication s’était crée entre Ansari et moi. A chaque fois que nous nous parlions, nous finissions par nous énerver, voire même, parfois, nous insulter. Dans ces conditions, autant arrêter ne pas parler du tout. Ce fossé s’est agrandi, au fur et à mesure des heures. Nous avions même fini par marcher sans nous regarder, et par enlever la corde qui nous reliait. J’avais l’impression que tout nous opposait, tout nous séparait.
Arrivés à l’antécime
J’ai amèrement regretté la corde. Les autres alpinistes passaient à ma droite où à ma gauche, alors que je suivais le guide, tout droit, sans corde, dans une pente de neige très dure. J’avais les genoux qui touchaient la paroi. J’étais mort de peur. Et ma respiration était de plus en plus haletante et saccadée. J’en suis arrivé à maudire le guide, à ce moment.
Finalement, la pente est devenue moins forte. Il ne restait plus qu’une crête, que j’ai franchi au ralenti. Avant de pouvoir bénéficier d’une vue panoramique sur le Ladakh.
Arrivés au sommet
marqué par de nombreux drapeaux de prières, j’ai pu admirer la vue en direction des cimes du Pakistan. Mais sans le guide. La situation était tellement tendue entre nous deux que nous évitions de nous croiser à moins de 10 mètres. J’avais l’impression qu’il me détestait, et je le voyais en tant qu’ennemi.
Ansari est redescendu seul du sommet, et j’ai suivi ses traces. Je préférais largement marcher seul que marcher avec lui. Même si je savais que chaque mètre descendu signifiait une respiration plus aisée et m’éloignait de ces hauteurs, je marquais le coup. La descente jusqu’au camp 3 m’a paru interminable. J’avais en ligne de mire la silhouette du guide, devant moi, et je marchais, sans m’arrêter. Au fur et à mesure de la journée, ma marche s’est faite plus pesante, plus lente. Jusqu’à devenir une suite de trébuchements. Je n’ai jamais vécu un effort aussi pénible que celui de cette descente du Stok Kangri. Je m’arrêtais très souvent, et je maudissait le guide.
La descente finale
Dans un pierrier, semblait ne pas finir. Plusieurs fois, je suis tombé, à plat ventre, et je suis resté quelques dizaines de secondes dans cette position. Avant de me relever, péniblement. Les lèvres gercées, la bouche pâteuse. Je repensait à ceux qui avaient qualifié le Stok Kangri d’ « ascension facile » sur internet… Alors qu’il me restait un kilomètre jusqu’à ma tente, j’ai croisé des alpinistes. Ils me parlaient, mais j’étais tellement exténué que ma réponse était incompréhensible. J’ai continué, sans me retourner, mécaniquement, en direction des tentes du dernier camp.
En arrivant au campement, je suis resté habillé et je me suis glissé dans mon sac de couchage, pour dormir quelques heures. Je n’avais pas la force de me changer, et j’avais vraiment l’impression d’être allé au bout de moi même. Alors que je n’avais pas réussi à trouver le sommeil la veille, je me suis endormi comme une souche.
Le plus dur était passé. Mais il restait le plus long : redescendre vers la ville de Leh. En une fois, sans s’arrêter aux camps intermédiaires. Le départ était prévu tôt le lendemain matin.
Rétrospectivement, je ne suis pas fier de ce qui s’est passé lors de la descente. Je ne comprends pas comment j’ai pu arriver à de telles extrémités. La fatigue extrême. La peur. L’altitude. Je ne sais pas. J’avais déjà lu des témoignages d’himalayistes insultant leurs guides, se battant même parfois avec eux. Comme Walter Bonatti, mais cela, c’était à 8000 mètres. Pas à 5800… J’en étais arrivé au point de ressentir une sorte de haine contre Ansari, et lui me méprisait ouvertement. A ce moment, l’incommunicabilité entre nous était au maximum. Il ne me parlait plus, et je ne lui adressais pas la parole. Le chemin du retour a été très long…
Conclusion de cette ascension du Stok Kangri
j’ai vécu pas mal de choses dans ma vie .
Sur tous ces plans
Matériel utilisé pour l’ascension du Stok Kangri
CATÉGORIE | NOM DU MODEL | MARQUE | POURQUOI AVOIR FAIT LE CHOIX DE CE MODEL AU DÉPART | EST-CE QUE CE CHOIX A RÉPONDU À CETTE EXPÉRIENCE RACONTÉ DANS CE ROADBOOK | SI C’ÉTAIT À REFAIRE |
CHAUSSURES | High Roc | MILLET | Je les ai utilisées 4 mois de manière intensive, en descendant des pierriers, traversant des rivières ou en franchissant des névés, et elles m’ont toujours donné satisfaction. Seul bémol : elles montraient des signes de fatigue évidents au retour du stok Kangri (coutures en fin de vie, semelle abîmée). Je les avais achetées dans une boutique de Dehli, parce qu’elles étaient très typées « alpinisme » sans être non plus trop marquées « himalaya », et permettaient les treks. | ||
PANTALON | Xtrem | LAFUMA | Parfait ! Un pantalon léger, extensible et résistant. Je l’avais acheté dans une boutique de Dehli : c’était le seul disponible de ce type | ||
DOUDOUNE | de contrefaçons | « The North Face » | Achetés à Leh, chaud, peu cher, mais vite abîmé. J’ai donné la doudoune au guidE | ||
RÉCHAUD | Whisperlite à essence | MSR | Un de mes meilleurs achats ! Un peu lourd, mais tellement fiable et efficace ! Acheté d’occasion à une expédition, vers le lac Beaskund, sur la route du Ladakh. | ||
T SHIRT MANCHES LONGUES | LOWE ALPINE | Chaud, extensible et respirant. Que demander de plus ? Ce T shirt venait de France, acheté au Vieux Campeur. | |||
GANTS | Achetés à Leh Moches, mais chauds et imperméables. J’avais deux couches de gants : des gants fins, que j’ai porté presque jusqu’au sommet, et des gants plus épais. | ||||
BONNET | MILLET | Acheté à Dehli. En Windstopper. J’ai trouvé que son cordon était très pratique pour le garder sur la tête pendant mon sommeil. | |||
CORDE, BAUDRIER ET PIOLET INDIENS | J’avais loué les 3 : un brin de corde de 30m, un baudrier antique et un piolet étrange, avec une panne ronde et démontable, comme je n’en ai jamais vu en Europe. Le guide m’a assuré que la panne servait à faire cuire du thé… | ||||
SAC À DOS | Peuterey 40 litres | MILLET | Acheté à Dehli. J’ai été séduit par son accessoirisation et son design sobre. 40L : ni trop, ni trop peu.Il était parfait pour les treks de quelques jours et m’a donné entière satisfaction au Stok Kangri. Un très bon achat : ce sac me suis jusqu’à aujourd’hui. | ||
TENTE | T2 Ultralight Pro | Décathlon | Achetée à Dehli. J’aurais voulu prendre une autre tente, mais je n’avais pas le choix : il n’y avait que celle là. Simple à monter, confortable, j’ai trouvé le tapis intérieur un peu fin. Je n’ai (heureusement) pas pu tester cette tente en conditions montagnardes, avec de la pluie et un grand vent. | ||
SAC DE COUCHAGE | de montagne de l’armée indienne | Acheté à Manali, sur la route du Ladakh Chaud, mais il prenait de la place. Je l’ai donné à un mendiant, sur place, juste avant mon retour. | |||
PETIT SAC DE COUCHAGE | Lightec 550 | FERRINO | Il me servait de drap, de sac à viande. Très pratique. Acheté en France, au Vieux Campeur. | ||
LAMPE FRONTALE | BLACK DIAMOND | (un peu comme le modèle Icon) Achetée en France. Pratique, confortable, légère et économe en énergie. | |||
GUÊTRES | MILLET | Achetées à Dehli Toujours de la qualité ! J’avais choisi des guêtres hautes. | |||
KARRIMAT | Acheté à Leh Résistant et épais. Peut-être plus adapté à l’altitude que des matelas autogonflants, mais très, très encombrant. | ||||
POLAIRE | Marque indienne | Portée en permanence, en sous couche. | |||
VESTE | Windstopper | HAGLÖFS | Achetée à Leh Pas de modèle écrit dessus. Par contre, elle est authentique…. Pratique et confortable. Donnée à Ansari. | ||
BATONS DE MARCHE | Indiens | Achetés à Leh, donnés à Ansari. |