Après son premier voyage au Maroc pour grimper sur les falaises de Taghia au printemps 2017, Henri BOURRASSE nous partage son séjour Escalade à Taghia.
Informations pour préparer un séjour escalade à Taghia
Date du trip escalade à Taghia
Du 03 mai au 11 mai 2018
Lieu :
Taghia, province d’Azilal, Maroc
Participants à ce séjour escalade à Taghia
Lucile, Samir, François et Henri
Ou dormir à Taghia lors d’un séjour escalade
Chez Youssef Rezki à Taghia (mail : [email protected]. Comptez 120 Dirhams la demi-pension. Petit déjeuner, pour le soir alternance tajine et couscous copieusement servis. Vous trouverez également des topos, les dernières voies ouvertes … Vous pouvez lui demander d’organiser votre transport entre Marrakech et Zaouiat, ainsi que le transport de vos bagages en mule de Zaouiat à Taghia (240 € aller/retour environ)
Il y a également d’autres hébergements à Taghia et à Zaouiat (voir le topo de C. Ravier et CamptoCamp).
Où se restaurer/où se réapprovisionner :
Vous trouverez une petite épicerie au village, avec le minimum, il faut donc penser à tout avant ou aller à Zaouiat, le lundi, jour de marché.
Caractéristiques du Massif de Taghia pour l’escalade :
Taghia est un village isolé du haut Atlas marocain, situé dans la vallée de l’Ahansal. Les rivières y ont creusé dans le calcaire de nombreux canyons. De nombreuses voies ont été ouvertes depuis les années 70 sur le calcaire exceptionnel de ces gorges. On atteint Taghia à pied en remontant le cours de la rivière Ahansal depuis Zaouiat (taxi depuis Azilal ou Marrakech), petit village situé en terminus de route.
Voies parcourues dans ce séjour d’escalade à Taghia :
- Axe du Mal, Tadrarate, ABO -, 550 m ;
- Champions du monde, Taoujdad, TD+, 250 m ;
- Prinz von Taghia, paroi d’Ifrig Timghazine, ED -, 200 m;
- Shucran, Oujdad ABO –, 400m;
- Fat Guide, paroi des sources Timghazine, ED, 260 m.
Quoi d’autre dans les environs:
Il y a de tout (bien décrit dans le topo) : de la grande voie équipée (jusqu’à 800 m de dénivelé), de la grande voie pas ou peu équipée, de la couenne. Bref, pour tous les goûts.
Vous pouvez également faire de la randonnée ou du canyon en vous adressant à des guides locaux (Youssef Rezki à Taghia ou Mustapha Amaguar à Zaouiat).
Bibliographie :
- Taghia Montagnes Berbères, par Christian Ravier remplacé en 2019 par celui-ci :
- Parois de légende par Stéphanie Bodet et Arnaud Petit chez Glénat
Vous trouverez plein d’informations sur le Maroc avec le guide de voyage Lonely Planet.
Lien Internet :
- De nombreux topos de voies plus ou moins nouvelles se trouvent sur le site de Rémi Thivel
- Vous trouverez également sur le site CamptoCamp, la plupart des informations nécessaires à la préparation de votre voyage, des topos, et les dernières sorties.
Retour à Taghia
En quittant Taghia l’année dernière avec Lucile, ma camarade de cordée blessée à la suite d’une chute dans l’axe du mal, je fis mes adieux à Youssef et lui lançais :
« A l’année prochaine »
« Inch Allah »
m’avait-il répondu.
Et un an plus tard, avec la volonté si ce n’est de Dieu, du moins de la nôtre, nous voici de retour pour un nouveau séjour escalade à Taghia. Lucile et moi, impatients à l’idée de retourner dans l’Axe du Mal. Cette fois-ci, nous sommes flanqués de deux autres compères, Samir et François.
Un hiver qui se prolonge
Sur la route, dès la sortie de Marrakech, le contraste par rapport à l’année précédente est saisissant, les paysages sont verdoyants et l’eau coule dans les oueds que nous traversons.
Un peu avant Azilal, le temps se couvre et une petite pluie fine et régulière se met à tomber. A l’approche d’un col, où les sommets alentours culminent à plus de 3500 m, cette pluie se transforme en flocons. Il devient dangereux de continuer sur la route maintenant recouverte de neige. Des véhicules devant nous font demi-tour et Ali, notre chauffeur décide de rebrousser chemin lui aussi. Nous ferons étape chez Youssef, notre logeur à Taghia, qui possède également une maison à Azilal.
Repartis tôt le lendemain matin, nous atteignons rapidement le point où nous avons fait demi-tour la veille.
Sous le soleil, la route bordée par des genévriers thurifères recouverts de neige est féerique.
Nous arrivons enfin au terminus à Zouiat. La vallée est verdoyante et les températures toujours aussi fraîches. Nous remontons le cours de la rivière Ahansal, grossie par les eaux de fontes, jusqu’à Taghia.
L’Axe du mal
Partis au petit matin pour le Tadrarate, nous progressons rapidement dans les gorges. Progressant en silence, nous sommes tendus vers notre objectif : l’axe du mal. Durant l’approche, je revois des scènes du secours de l’année dernière : la traversée du pont berbère, les multiples changements de porteurs, les traversées du torrent avec Lucile blessée sur le dos.
A l’arrivée au pied de la voie, elle est émue et m’annonce qu’elle me laissera tout faire en tête.
Malgré les onglées et le froid, nous arrivons enfin à la longueur où Lucile s’est fracturée le tibia. Et c’est avec un peu d’émotion que je franchis le pas dur du départ. Avec toutes les coulées d’eau qui rayent la paroi, nous nous demandons à chaque longueur si notre aventure ne va pas s’arrêter bientôt au pied de l’une d’elle.
Enfin, nous franchissons difficilement les deux longueurs les plus dures cotées respectivement 7b et 7c. Mais la fatigue commence à se faire sentir et bientôt 2 longueurs avant la fin, je sens les premières crampes arriver sur mes avant-bras. La descente s’impose donc.
Tant pis, nous aurons fait l’Axe du mal moins deux longueurs !
Rencontres au gîte
A la nuit tombée, nous arrivons au gite, bien fourbus, tellement fatigués que je n’ai qu’une envie : dormir ! Même sans manger. Mais persuadé par mes camarades, je me laisse tenter par le tajine du soir. Autour de la table, nous faisons connaissance avec les autres occupants du gite, une belle équipe de jeunes aspirant-guides, quatre marseillais, que connaissent bien François et Lucile, et une sympathique équipe de grimpeurs savoyards. Avec toute cette joyeuse bande, nous passerons un fantastique séjour, riche de rires, de partages et d’émotions, même si certaines seront dramatiques.
« Champions du monde » malgré la fatigue
Les prévisions météorologiques pour le reste de la semaine sont très incertaines. Donc malgré la fatigue, nous choisissons d’aller grimper le lendemain, tous les quatre ensembles. Notre choix se porte vers une nouvelle voie ni trop longue et ni trop dure, située à droite de « A boire ou je tue le chien », sur la face Ouest du Taoujdad. Les températures sont toujours fraîches et malgré une petite onglée, j’enchaine la première longueur en 7a+ à froid.
Mais la fatigue de la veille se fait bien vite sentir, et je laisse Lucile grimper en tête le reste de la voie.
Souk à Zaouiat
Le temps est maussade et nous partons à pied vers Zaouiat, car c’est jour de marché. Malgré la pluie, le souk déborde d’activité. Nous circulons entre les différents étals regroupés par métier, maraîchers, quincaillers, bouchers.
Finalement, l’après-midi se conclut au café devant un thé à la menthe. Sur la route du retour, le temps se découvre, laissant apparaître les sommets saupoudrés de neige fraîche.
Après deux jours de repos forcé pour cause de pluie, nous tentons une voie à la paroi des sources : Zebda. Mais nous renonçons au bout de la première longueur, car la voie, avec la pluie est pleine de résurgences. Finalement, la journée se finit tranquillement, en sirotant du thé sur la terrasse du gite à préparer le projet du lendemain : le retour des infidèles.
Découverte de la paroi d’Ifrig au Djbel Timghazine
Dans la matinée, après avoir erré entre les barres rocheuses, à la recherche de l’accès vers la paroi d’Ifrig, nous arrivons enfin au pied de celle-ci, pour découvrir qu’une des longueurs en fissure de la voie convoitée est encore bien humide.
Prudemment, nous décidons de changer d’objectif et de tenter « Princesse Msmir », la première voie à droite. Finalement, plus tard en consultant les topos nous nous rendons compte que nous avons gravi une nouvelle voie : Prinz von Taghia, ouverte récemment.
Arrivés tôt au gite, nous buvons notre habituel thé sur la terrasse, quand un grondement nous tire de notre torpeur. Sur le moment nous n’y prenons pas garde, car des ouvriers travaillant à la réfection d’un passage berbère, dit « du tire bouchon », ont passé la journée à faire tomber des blocs énormes le long des pentes de la montagne. Mais très vite, nous apercevons un homme appelant à l’aide du haut d’un toit-terrasse voisin. Nous nous précipitons. En arrivant sur les lieux, nous découvrons deux corps allongés sous un chaos de rochers. Un flanc de colline, composé de plusieurs mètres cubes de blocs et de terre s’est éboulé sur deux hommes travaillant à l’agrandissement de leur maison. Mon premier sentiment est de détourner le regard, de regretter d’avoir entendu l’appel à l’aide, mais nous sommes peu nombreux à cet instant. J’aide à dégager les corps.
Shucran
Encore secoué par le drame d’hier, je pars avec François en direction de la face Sud Ouest de l’Oujdad en espérant que cette ascension contribuerait un peu à me faire oublier les terribles images de la veille. La première longueur est trempée. Je la franchis avec force points d’aide entrecoupés d’un peu de libre. La suite n’est qu’une succession de magnifiques longueurs dans un rocher orange sculpté quasiment coupant. D’ailleurs, à chaque longueur, François se taille un peu plus les doigts qu’il a déjà bien abimés. Il jette l’éponge après l’avant dernier 7a. Puis, je gravis la dernière longueur dure, un 7b magnifique.
Dernier jour, dernière voie …
François est hors jeu. Nous partons Lucile, Samir et moi pour la paroi des Sources tenter « Fat guides ». Pour la deuxième fois du séjour, nous traversons les sources, les pieds dans l’eau, conséquence de ce printemps pluvieux et neigeux.
Et j’attaque la première longueur de « Fat Guide », copieusement mouillée, puis je laisse mes camarades prendre successivement la tête de notre cordée, pour finir la voie.
Il est temps pour nous de partir, rapidement nous faisons nos adieux à tous le monde : nos hôtes, les Marseillais, les aspis et les savoyards, puis nous prenons le chemin de Zouiat.
Conclusion sur notre séjour escalade à Taghia
Il est difficile pour moi d’apporter une conclusion à ce séjour d’escalade à Taghia, tant le drame dont j’ai été témoin m’a marqué, un homme est mort sous mes yeux, l’autre a été blessé. J’ai longtemps hésité à en parler ou à le raconter. Et ce qui a emporté ma décision, c’est que bien qu’en essayant d’être utile au milieu de ce drame, j’ai secrètement eu envie de ne pas être là, d’avoir détourné les yeux au moment de l’appel au secours. Je repense souvent à ces sentiments au moment où tant de regards se détournent alors que tant de gens meurent à nos portes.
Matériel utilisé durant mon trip escalade à Taghia
Matos grimpe utilisé durant notre séjour escalade à Taghia
Catégorie | Nom du modèle | Marque | Pourquoi avoir ce choix de ce modèle au départ | Est ce que ce choix a répondu à cette expérience racontée dans ce roadbook | Si c’était a refaire |
BAUDRIER | Sama | PETZL | Pour le confort et la légèreté | Oui | Oui |
CORDE | Cobra 2×50 m | BEAL | Bon rappel fluide et résistant | Oui | Oui, idéal pour l’escalade à Taghia |
TRAIL | Trail line dynema | BEAL | Pour le hissage et la descente en rappel avec une corde simple | Oui | Oui |
DEGAINES | Spirit Express | PETZL | Un jeu de dégaine pour tout : falaise, Alpi, grande voie | Oui | Oui |
CHAUSSONS | Instinct VS | SCARPA | Pour la précision et le confort | Oui | Oui j’en ai 3 paires ! |
CASQUE | Elios | PETZL | J’avais la version précédente … | Il y a mieux et les réglages sont moins bien que sur le modèle précédent | Non |
SANGLES | fin’anneau dyneema | PETZL | Oui mais nœuds difficile à défaire | ||
FRIENDS | Camalot C4 | BLACK DIAMOND | Le top (mais je n’ai pas essayé les totemcams | Pas servi | |
MICRO-FRIENDS | Aliens | ALIEN CAMS | Pour la souplesse | Pas servi | |
SAC DE HISSAGE | Sac de hissage 40 L | CLIMBING TECHNOLOGIES | Il était soldé à 20 € !!! | Oui, poche zippée , porte matériel intérieur etc … | Oui |
POULIE | Micro traxion | PETZL | Petite, légère et super rendement | Oui | Oui |
BLOQUEUR | Duck | KONG | Pour le hissage avec le pied | Oui |
Equipement outdoor utilisé durant notre séjour escalade à Taghia
Catégorie | Nom du modèle | Marque | Pourquoi avoir ce choix de ce modèle au départ | Est ce que ce choix a répondu à cette expérience racontée dans ce roadbook | Si c’était a refaire |
DUVET | Atom | MARMOT | Faible encombrement et poids, adapté pour bivouac en paroi en été | Oui, indispensable après une journée escalade à Taghia | Oui |
SAC À DOS | Alpinist | LOWE ALPINE | Léger et confortable, idéal si on a besoin de grimper avec | Oui | Oui |
Vêtement utilisé durant notre séjour escalade à Taghia
Catégorie | Nom du modèle | Marque | Pourquoi avoir ce choix de ce modèle au départ | Est ce que ce choix a répondu à cette expérience racontée dans ce roadbook | Si c’était a refaire |
POLAIRE | TRANGOWORLD | Résistante et chaude | Oui, mais il manque une ou des poches ! | Oui, mais ! | |
PANTALON | Jean Axiom | PRANA | Soldé 50 %! | Super résistant, ne limite pas les mouvements | Oui |
CHAUSSURES | Zen | SCARPA | Je l’ai gagnée au concours du yeti 2017 ! | Oui | Oui |
7 commentaires
Merci, Henri.
Merci d’avoir osé mettre des mots sur ces émotions.
Merci d’avoir su être si juste pour parler ces moments de bien-être, comme de cet impossible drame.
Si l’épilogue de notre Axe du Mal était empli d’émotions fortes, de l’empreinte émotionnelle de l’accident de l’année passée, mais surtout de la possibilité de dépasser ce trauma, de te suivre tout là-haut… C’était si bon d’être là, ensemble, dans cette douce dynamique d’une voie vécue sans ombrage, serrant la famille Rezki dans nos bras au retour, partageant ensemble la joie de l’accomplissement…
Si les photos des soirées au gîte et de la journée au souk renvoient à tant de partages, de belles rencontres, de sourires, de projets partagés…
Si se remémorer les envolées dans Champions du Monde ou Fat Guides me rappellent que ce voyage était aussi celui de la reconstruction psychique, d’un mental moins défaillant qu’à l’accoutumée…
Ce séjour restera empreint de ce drame, du partage de cette douleur.
Six mois ont passé, mais j’entends encore, comme toi, les cris des villageois. Je revois la douleur dans les yeux des hommes. Je ne peux oublier les hurlements, les pleurs, les prières des femmes, des filles : si jeunes mais déjà si fortes. Les larmes sur les joues des enfants, les sourires échangés entre les larmes, parce que la vie continue… « Inch’ Allah » !
Bravo pour ce récit au plus près de la « vérité » de Taghia, de ses émotions si poignantes !
Ah… je comprends ce que tu voulais dire l’autre soir, du coup. Je me souvenais de votre histoire lue sur Camp, mais je n’avais pas fait le lien avec tous ceux qui meurent à nos portes alors que nous levons les yeux.
Humains trop humains aurait dit Nietzsche ! Ce sont effectivement des émotions, des visions et des moments que l’on ne veut pas vivre, voir, mais avec lesquelles il faut s’efforcer de vivre.
Pour être plus positif, votre séjour avait vraiment l’air fabuleux, quelles voies de fou avez vous faites ! Bravo !
Compte rendu bien captivant, dans un site de rêve pour l’escalade mais aussi pour faire des randonnées à pied.
L’accueil, l’hebergement dans le gîte de la famille Rezki est parfait, ainsi que l’accompagnement par Mohamed pour un treck de plusieurs jours
Gerard
Superbe reportage, récit formidable et photos à couper le souffle. Des péripéties et un parfum d’aventure aux arômes de thé à la menthe! Ça donne envie! Que demander de plus à un récit ? Chapeau et merci Henri BOURRASSE .
Génial ce reportage ! Epique, poignant! Chapeau bas et merci!
En lisant le compte rendu d’Henri je revis les bons moments passés au gîte de la famille Rezki où nous avons apprécié la gentillesse de tous les membres de la famille et la compétence de mohamed tout jeune guide et très professionnel
Daniele
Henri,
Merci beaucoup pour ce récit magnifique. Je me rappelle que quand nous en avions parlé ensemble, tu avais évoqué le fait que les habitants du village n’ont pas tout à fait la même approche de la mort que nous. il semblerait qu’ils soient plus résignés, fatalistes, la mort faisant irruption dans leurs existences plus souvent que chez nous. En tout cas, ce qui se passe à nos portes me bouleverse tellement que moi aussi je détourne le regard, sinon je pleurerais tous les jours. Je reconnais que ce blindage, cette carapace est dangereuse, elle nous enfermerait bien vite dans l’insensibilité aux douleurs du monde et nous rendrait moins humains. Heureusement d’ailleurs que les journalistes sont assez efficaces pour nous détourner le regard, en ce moment c’est la couleur jaune qui fait sensation…
Pour le reste, ça m’a donné une nouvelle fois envie d’user à mon tour mes doigts dans ces voies qui m’ont l’air extraordinaires! La prochaine on y va ensemble?!
Biz,
Le Calou.