Yoan FOULON, Ambassadeur TRANGOWORLD et Naitup, nous partage son Escalade en libre de Despertaferro sur la paroi d’Aragon à Montrebei.
Informations pour préparer l’ascension de la voie d’escalade en libre de Despertaferro
Date de notre escalade en libre de Despertaferro :
La sortie d’escalade s’est déroulée le 17 et 18 février 2019.
Quand partir faire cette escalade en libre de Despertaferro :
Période favorable : octobre à mai
Lieu :
Falaise de Montrebei/ Paroi d’Aragon/ Espagne
Comment s’y rendre :
En voiture : Temps depuis Montpellier : 5h30
Participants à l’escalade en libre de Despertaferro :
Yoann FOULON avec mon compagnon de cordé Henri BOURRASSE
Où dormir près de Montrebei :
En bivouac, autour des falaises, très sauvage. Attention à bien respecter les lieux
Caractéristiques de la paroi d’Aragon à Montrebei :
Horaire d’approche : 1h30 pour aller au pied de la falaise, 2h30 pour rentrer à la voiture depuis le haut de la voie.
Horaire dans la voie : 14h (7h le premier jour et 7h le deuxième)
Hissage du sac : ok
Lien internet :
- Camp to camp : Montrebei – Paroi d’Aragon : Despertaferro
- Ganxets : Despertaferro
- Charles Noirot : Despertaferro, Montrebei
Bibliographie :
Vous trouverez toutes les infos sur le topo MONTREBEI ESCALADA – 364 GRANDES VOIES ET BIG WALL

Quoi d’autres dans les environs :
Randonnée, kayak, base jump, farniente, ornithologie…
Escalade en libre de Despertaferro à Montrebei sur la paroi d’Aragon
Despertaferro, ce mot espagnol signifie « Eveillé », c’est l’attitude qu’il a fallu tenir pour enchaîner notre dernière voie à Montrebei. Les ouvreurs (Albert Salvado et J. M. Esquirol) ont probablement choisi ce mot pour nommer leur ligne à cause du sérieux de son ascension.
Déjà elle est longue : 570m de grimpe réparti en 14 longueurs. Le niveau est soutenu :
- 6b+, 6c, 4, 6c+, 6b, 7a+, 6c+, 6b, 7b+, 7a, 7b+, 6a, 6b, 6a+
Et surtout le niveau d’engagement est plutôt élevé. Il y a peu de points en place dans la voie, pitons compris et il n’est pas forcément possible de compléter partout, ce qui oblige de longs run out. Je pense avoir atteint une limite d’engagement avec cette voie. Plus que ça, de mon point de vue, cela s’apparenterait à du solo.

Pourquoi ?
Je me suis d’ailleurs pas mal demandé pourquoi j’aimais ça, l’escalade en terrain d’aventure avec « un peu d’engagement » voire « un peu d’exposition ». Il faut préciser la différence entre engagement et exposition.
L’engagement en escalade nécessite de grimper loin des points sans pour autant être dangereux, on troue l’air comme ça se dit dans le jargon. Mais dans certaines conditions ou à partir d’un certain seuil, l’engagement peut engendrer une exposition plus ou moins risquée… C’est ce dernier cas qui me gêne. Car il ne faut pas se mentir (et il serait inconscient de le faire) dans Despertaferro, l’engagement mène dans beaucoup de portions, vers une exposition à une chute plus ou moins grave.
Bien sûr j’en suis et j’en ai été pleinement conscient.
Et je pense que si j’ai réussi à tout enchaîner en libre c’est parce que j’ai pris un certain plaisir à cela. Ce n’est pas le risque en lui-même que j’apprécie dans l’escalade d’une telle voie, non, je pense que c’est le contrôle. C’est d’être conscient du risque potentiel et de savoir qu’il est jusqu’à un certain niveau contrôlable. Cela demande de bien se connaître en tant que grimpeur, de bien lire le rocher, anticiper les zones « de repos psychologique » où on va pouvoir souffler. Pour ma part, c’est quand même une bonne épreuve psychologique que je ne suis pas capable de reproduire tous les weekends, faut être bien dans sa tête… Cela devait faire au moins 2 ans que je n’avais pas grimpé une voie de ce niveau. Maintenant, repos !
C’est le moment :
C’est bien sûr avec mon cher Henri que j’ai eu vent de cette voie. Nous l’avions en tête depuis deux saisons, plusieurs éléments nous avaient amenés à repousser la date fatidique de l’ascension :
- Météo mauvaise (trop froid, trop chaud, trop de vent, pluie…)
- la forme physique pas au rendez-vous, d’autres projets plus faciles
Mais le weekend du 17 et 18 mars, tout semble en adéquation pour aller essayer d’escalader Despertaferro. C’est parti !

Notre stratégie est de grimper cette ligne en 2 jours avec un bivouac après la 7ème longueur. Nous quittons la voiture sur un petit parking après les ruines d’Esthalle. L’approche est assez longue (1h30). Après avoir passé une petite colline, il faut descendre dans un canyon et le suivre quasiment jusqu’à la rivière. Un sentier cairné part vers la gauche direction de la paroi d’Aragon.
Les premières longueurs de l’escalade en libre de Despertaferro
Nous grimpons la première longueur de Despertaferro à l’ombre et un petit vent froid rajoute un peu d’austérité, l’onglée est au rendez-vous. La difficulté est seulement 6b+ mais sous ces conditions cela ne nous semble pas si simple et ça ajoute un peu d’appréhension pour la suite… Chez moi, au fond de mon canapé j’espérais tenter d’enchaîner toutes les longueurs en libre mais maintenant que je suis à pied d’œuvre, le doute s’installe.
J’attaque la deuxième longueur avec le soleil. Je me sens mieux, mais l’escalade de celle-ci n’est pas exceptionnelle. Un court passage en 6c fait la difficulté de la longueur, le reste est du 5 dans un rocher moyen.
Henri enchaîne avec le 4+ facile qui nous amène au pied de la partie plus raide de la falaise.

La quatrième longueur en 6c+ se fait dans un dièdre…
Qui permet de slalomer entre 2 toits. Le début est bien sympa et il est facile de protéger avec des aliens dans la fissure centrale jusqu’à rejoindre un piton sous le toit. C’est à partir de là que cela ce complique. Il faut traverser sur la gauche vers une zone de rocher beaucoup plus douteux puis continuer à monter sur 5 mètres toujours dans du mauvais rocher et sans pouvoir ajouter de protection. Le piton nous semble alors bien loin et il faut encore engager pour traverser vers la droite sous le deuxième toit pour clipper enfin un spit en place.
On est bien heureux de l’avoir clippé celui là, mais après, plus rien jusqu’au relais (run out de 10m) et pas possible de rajouter quoi que ce soit. On grimpe dans un cairn géant. Je pense que c’est la longueur la plus dangereuse de la voie, il y a plusieurs portions ou la chute est interdite. Quand Henri me rejoint, on pense à la même chose, que vont donner les longueurs dans le 7 ? Dans quoi nous sommes-nous embarqués ?
Le début du beau rocher :
La 5ème longueur est plus soft et le rocher est nettement meilleur, voire excellent. Nous recouvrons un peu de confiance. L’engagement est toujours présent mais c’est déjà plus humain…

La 6ème longueur constitue la première dans le 7ème degré. Elle représente pour moi un bon test pour la faisabilité en libre de la suite. C’est une longue longueur de 50m qui part en diagonale vers la gauche. Le crux se trouve vers le milieu avec des « à plats » qu’il faut bien valoriser. Le jeu de pied y est aussi très important, notamment sur les rétablissements. Le surplomb de cette longueur commence à nous donner une belle sensation de vide. Je suis heureux d’enchaîner cette longueur qui ne me semble pas si horrible que cela. Ouf, c’est bon pour le moral, ça !

Henri enchaîne avec la dernière longueur du jour, un 6c+ qui d’après le topo serait « expo ». La boule dans le ventre est bien présente mais le rocher me semble plutôt bon et du relais nous arrivons à deviner le cheminement. Après quelques hésitations Henri arrive à rejoindre une partie plus fissurée où il peut protéger, quel soulagement ! La suite est plus facile sur un rocher parfait, c’est super pour finir la journée.

Le bivouac, un repos bien mérité
La vire de bivouac est en contrebas sur la gauche, un rappel de 45m est nécessaire depuis R7 pour la rejoindre. Nous nous y installons et prenons un peu de temps pour profiter du calme qui règne ici. Nous ne grainons pas à faire chauffer de l’eau pour nos bons plats lyophilisés. Ce bivouac nous rappelle notre dernier en paroi, celui de Manitua dans les Grandes Jorasses. Sauf que là c’est le grand luxe, nous allons dormir allongés et même si nous restons encordés, notre longe n’est pas tendue sur nous. On va dormir comme à la maison.
Après une longue nuit, un petit déj’ conforme et un rangement du matos, nous voilà prêts à en découdre avec les longueurs clefs de Despertaferro. Un petit air bien frais nous contraint cependant à la patience, nous attendons que le soleil montre le bout de son nez…
Je remonte à R7 à la jumar puis je fais monter Henri en second. Il enchaîne avec la courte 8ème longueur qui est très belle et permet un petit échauffement. L’engagement est néanmoins toujours présent surtout pour oser traverser vers la gauche en direction d’un dièdre à « renfougne ».

Le début des grosses difficultés
Nous voilà au pied du 1er 7b+. Je suis très motivé à tenter un essai en libre. Le rocher semble compact et de bonne qualité. Je pars du relais avec un mélange de peur et d’excitation. C’est toujours étrange comme sensation, j’ai l’impression que cela décuple mes capacités. Les premiers mètres déroulent bien et permettent de se mettre doucement dans l’ambiance. Un premier bombé gris constitue les premières difficultés. Il est assez impressionnant mais on trouve de bons trous assez rassurants dans lesquels il est possible de placer 1 ou 2 aliens.
Une zone moins raide permet de souffler un peu avant d’attaquer le vrai crux de la longueur. De grands mouvements nous font rejoindre une rampe où se cache une cornière puis faut engager tout droit sur de petites prises dans un rocher compact. C’est magnifique j’ai l’impression de grimper à la Marmolada. J’atteins le relais très heureux d’avoir réussi cette longueur en libre.
Yahou ! Henri enchaîne à son tour la longueur en second.
La suivante reste dans le même thème mais en un peu plus facile : beau rocher, belle grimpe, de l’engagement sur de très bonnes protections. Henri enchaîne la longueur en tête et je le rejoins à mon tour.

Ca sent la libération !
Bon il nous reste une dernière longueur dure, un 7b+, à faire avant d’espérer libérer complètement Despertaferro. En ayant lu quelques récits de la répétition de cette voie, tous disent avoir « artifé » dans le 2ème 7b+. J’ai tout enchaîné jusque là. J’ai quand même envie d’essayer de la grimper en libre, je ne prends pas le marteau et les pitons. Du bas on repère les trois pitons en place, mais à la vue du rocher compact, on imagine que cela va engager un peu. J’espère quand même pouvoir compléter un peu avec des coinceurs. La longueur est plus complexe à lire et à protéger que les deux précédentes. J’avance doucement mais sûrement. Après quelques mouvements sur arqué, on rejoint quelques trous où il est possible de placer un Alien.
Le plus dur est fait. La suite part en traversée sur la droite dans un rocher moins bon. Seuls des petits coinceurs pourraient me permettre de protéger ma progression mais malheureusement je n’en ai plus. Un seul jeu de « petits » n’est pas suffisant, « ne pas prendre le jeu de C3 aura été la connerie du séjour ! » Je continue donc à engager dans le surplomb final, qui est heureusement plus impressionnant que dur. Je me rétablis et j’ai le relai sous mon nez. Une vague de joie m’envahit, je me longe et je cris :
« Yeeeees !!! »
En me rejoignant Henri tombe en cassant une petite arquée.
« Oups, ça aurait pu être moi, et je me serai pris un beau vol »
Je savoure le moment et réalise que l’enchaînement est possible. Mais restons concentrés car les 6 restent quand même bien durs ici !
Faut pas se relâcher
Henri enchaîne rapidement le court 6a+.

L’avant dernière longueur est un 6b, mais il faut encore être vigilant. La lecture n’est pas simple mais le rocher est parfait. J’essaie de profiter le plus possible de l’escalade et du vide qui est très présent autour de moi. Nous commençons à être très haut (500m) et cela donne une ambiance bien particulière. Nous avons l’impression de voler avec les vautours fauve.
La dernière longueur est bien expo au départ, puis cela se couche et l’escalade devient plus facile mais toujours très agréable.
En sortant de la voie je saute dans les bras d’Henri, nous sommes tous les deux super contents de cette ascension. Heureux de l’avoir faite, de l’avoir découverte, d’avoir pu profiter de la belle grimpe qu’elle propose. Mais aussi soulagés, soulagés d’être sortis sans égratignures, de pouvoir se détendre (fini l’engagement, au moins pour aujourd’hui). Et bien sûr fiers d’avoir su gérer toutes longueurs pour enchaîner Despertaferro intégralement en libre.

Nous ne traînons pas au sommet car il nous reste quand même 2h30 de marche pour rejoindre la voiture, puis 6h de voiture pour rentrer à la maison…
Conclusion de l’enchaînement en escalade en libre de Despertaferro :
Encore un projet en plus de réalisé. Mis à part les 4 premières longueurs, c’est vraiment de la belle escalade, autant sur la qualité du rocher que sur l’ambiance et les mouvements d’escalade. D’avoir grimpé deux jours face à la paroi de Catalogne me donne envie d’y retourner… Ca tombe bien car nous avons d’autres projets là-bas.
Matériel utilisé pour réaliser l’enchaînement en escalade en libre de Despertaferro :
Vêtements d’escalade utilisés :
CATÉGORIE | NOM DU MODÈLE | MARQUE | POURQUOI AVOIR FAIT LE CHOIX DE CE MODÈLE AU DÉPART | EST CE QUE CE CHOIX A RÉPONDU À CETTE EXPÉRIENCE RACONTÉ DANS CE ROADBOOK | SI C’ÉTAIT À REFAIRE |
DOUDOUNE | TRX2 800FT | TRANGOWORLD | Apport thermique et léger | Oui, chaud et léger et très compact. Dommage que la poche de compression n’ai pas de anse pour l’accrocher au baudrier. | Super |
PREMIÈRE PEAU (HAUT) | Porma | TRANGOWORLD | Chaud et respirant | Aucune gêne | A continuer |
PANTALON LÉGER | Ghawdex | TRANGOWORLD | Léger et très élastique, il permet une bonne aisance des mouvements | Oui, la coupe ajustée permet de bien voir ses pieds. | A renouveler, top pour les grandes voies |
POLAIRE | PULLOVER NAVAN | TRANGOWORLD | Légère | Oui, bien pour cette saison | Parfaite |
Matériel de bivouac :
CATÉGORIE | NOM DU MODÈLE | MARQUE | POURQUOI AVOIR FAIT LE CHOIX DE CE MODÈLE AU DÉPART | EST CE QUE CE CHOIX A RÉPONDU À CETTE EXPÉRIENCE RACONTÉ DANS CE ROADBOOK | SI C’ÉTAIT À REFAIRE |
DUVET | Xero 550 | MOUTAIN EQUIPMENT | Léger et compact | Oui | A refaire sans hésitation |
MATELAS LÉGER | Prolite | THERMAREST | Ultra léger et ultra compact | Prend peu de place | A refaire |
RÉCHAUD | Optimus | PROVIDUS | Légèreté | Oui, parfait pour des courses où le poids est un élément important pour la réussite de la course | Très bien |
Matos grimpe :
CATÉGORIE | NOM DU MODÈLE | MARQUE | POURQUOI AVOIR FAIT LE CHOIX DE CE MODÈLE AU DÉPART | EST CE QUE CE CHOIX A RÉPONDU À CETTE EXPÉRIENCE RACONTÉ DANS CE ROADBOOK | SI C’ÉTAIT À REFAIRE |
HARNAIS | Ellipse | BEAL | Léger et confortable | Oui mais j’ai connu mieux en confort. Et les boucles de serrage sont un peu dures | A refaire |
MOUSQUETONS | Attache 3D | PETZL | Forme poire de taille moyenne. Modèle léger | Oui, le seul point négatif est sa visserie qui a tendance a s’ouvrir facilement. | A changer |
CORDE À DOUBLE | Cobra II 60m Golden Dryunicore | BÉAL | Fine et fluide | Oui, très bonne fluidité | Au top |
CORDE DE HISSAGE | Trail line | BEAL | Corde fine en dynema | Très bien et bonne résistance | A garder |
CHAUSSURES | CHAUSSURE BOMIO IP | TRANGOWORLD | Chaussures robustes | Bonne tenue du pied | A refaire |
CHAUSSONS TECHNIQUES | Instinct vs | SCARPA | Technique et confortable | Précis | Oui |
FRONTALE | Tikka R+ | PETZL | Bon éclairage et différents modes d’éclairage (puissance) | Oui, et bonne autonomie | A refaire |
DÉGAINES | Ange | PETZL | Légèreté | Oui | Au top |
ASSUREUR | Reverso | PETZL | Assurage du leader et du second avec corde à double | Oui | A refaire |
SANGLE | Fin anneau 60 | PETZL | Pratique pour rallonger les points de protections (spits, pitons, coinceurs…) | Oui | A refaire |
SANGLE | Fin anneau 120 | PETZL | Pratique pour faire des relais | Oui | A refaire |
SANGLE | Fin anneau 180 | PETZL | Bien pour trianguler 3 points | Oui | A refaire |
CASQUE | Sirroco | PETZL | Légèreté | Oui, et très bonne tenue sur la tête, le clip aimanté permet une mise rapide du casque même avec des gants | |
COINCEURS MÉCANIQUES | Camalot C4 | BLACK DIAMOND | Stabilité, maniabilité | Oui, une base bien sûre | On ne change pas. |
COINCEUR MÉCANIQUES MICRO | Alien | ALIEN CAM | Tête étroite, elle entre bien dans les petits trous | Un petit peu trop souple à mon goût. | Pas mieux |
CONCEURS CABLÉS | Wall nut | DMM | Le creux de la tête apporte un peu plus de tenue | Oui | Au top |