Frédéric HEYMES nous partage son expérience de son expédition au Mustagh Ata (7546 mètres)
Informations pour préparer une expédition au Mustagh Ata
Date :
L’expédition au Mustagh Ata s’est déroulée de la mi-juillet à la mi-août 2014.
Quand partir :
La meilleure période pour l’ascension du Mustagh Ata est de mi-juin à mi-septembre. Cependant, ces dernières années, la météo s’est souvent détériorée à partir de mi-août, donc nous vous conseillons de le gravir entre mi-juillet et mi-août.
Lieu :
Mustagh Ata, situé en province chinoise du Xinjiang
Comment s’y rendre :
Pour aller dans la région du Xinjiang, et plus particulièrement le Mustagh Ata, il y a trois solutions :
- La plus logique est d’aller en avion directement à Kashgar. Mais cela implique plusieurs escales, rallongeant fortement la durée du vol et augmentant le prix. La version la plus rapide implique de faire escale à Istanbul et Urumqi. Il reste alors une demi-journée de bus (230 km) et une journée de trekking pour parvenir au pied de la montagne.
- Une deuxième manière consiste à atterrir à Islamabad (Pakistan), puis de remonter vers le Mustagh Ata en traversant le Karakoram (belle vue sur le Nanga Parbat) et en entrant en Chine par la Khunjerab Pass. Les inconvénients sont la sécurité au Pakistan et les longues journées de bus (960 km) pour parvenir au pied de la montagne.
- Une troisième et très populaire manière est d’atterrir au Kirghizstan (Bichkek), de traverser le pays jusqu’au col de Torugart et de continuer jusqu’à Kashgar. Il faut compter trois journées de bus pour cela (870 km).
A noter que dans les deux derniers cas il faudra passer par des agences non chinoises qui sous-traitent à une agence chinoise.
Nous sommes partis avec Dostuck Trekking (dostuck.com.kg). Du Kirghizstan il y a aussi l’agence réputée Aksaï (ak-sai.com), Asia Mountains (asiamountains.net) et Central Asia Travel (centralasia-travel.com). Du Pakistan il est possible de partir avec Hunza Guides (hunzaguidespakistan.com), Karakoram Adventure (karakoramadventureholidays.com), activetours par exemple.
Notre sous-traitant chinois était Kong Baocum. Il gère des expéditions au Mustagh Ata depuis une dizaine d’années.
Participants :
L’équipe était constituée de 10 personnes, c’est-à-dire Claude, Alain, Jean Pierre, Joël, les deux François, les deux Gaël, Henry et moi-même, Frédéric.
A l’origine l’expédition au Mustagh Ata était 100% ariégeoise mais a été finalement complétée par un Alésien et deux Cannois. Il s’agissait de la première grande expédition pour 7 membres de l’équipe !
Où dormir au Mustagh Ata :
Directement sur le mont en montant un campement.
Caractéristiques du Mustagh Ata :
Mustagh Ata, littéralement « Père des montagnes de glace », est un sommet de 7546 mètres situé dans la province chinoise du Xinjiang. C’est une région désertique et peuplée par la minorité musulmane Ouighour. Les Chinois l’appellent le Far West Chinois.
Le Mustagh Ata devait probablement servir de repère géographique aux caravanes empruntant la route de la soie. En effet, le Mustagh Ata délimite la partie occidentale du grand désert du Taklamakan et constitue un jalon visible de loin pour rejoindre les routes passant par les cols du Khunjerab et d’Irkeshtam. Apercevoir la cime blanche du Mustagh Ata depuis l’Est signifiait la fin du désert et une probable halte à Kashgar, ville multimillénaire et halte importante sur la route de la soie.
Ce sommet majeur appartient à l’ensemble montagneux du Pamir, tout en étant détaché à l’Est de celui-ci. Il domine toute la région à l’exception du proche Kongur (7646 mètres).
La première ascension du Mustagh Ata victorieuse est l’œuvre d’une expédition russo-chinoise, le 6 avril 1956, durant la décennie glorieuse des ascensions des sommets de 8000m.
Sa face ouest est une longue pente d’inclinaison régulière et modérée (max 40°). Bien que ce sommet soit techniquement facile, le taux de réussite est assez faible (de l’ordre de 20%) du fait de la haute altitude et de la fausse impression de facilité. C’est un sommet très fréquenté par les Chinois qui voient dans l’ascension du Mustagh Ata un exploit personnel plus accessible que l’Everest.
Mais pour nous, le Mustagh Ata était avant tout un sommet très propice au ski de randonnée. C’est l’un des rares grands sommets du monde qui peut être gravi jusqu’à la cime à skis. Le projet était donc de gravir ce magnifique sommet à skis de randonnée avec une équipe amateur.
Quoi d’autre dans les environs :
Coté montagne, peu de choses à part le Kongur. L’endroit est assez désertique et n’est pas très favorable à l’alpinisme. Pour le tourisme, la visite de l’ancienne ville de Kashgar, à compléter par la nouvelle ville : le contraste est très intéressant à découvrir. La visite de Kashgar permet de comprendre pourquoi la région du Xinjiang bouillonne entre attentats Ouighours et répression chinoise.
Il est possible de se rendre dans le désert du Taklamakan. A noter qu’une route le traverse du nord au sud. Les distances sont importantes, et impliquent des trajets longs. Urumqi est la capitale du Xinjiang mais nous n’avons pas pu y aller faute de temps (et de courage). Nous avons préféré retraverser la frontière pour visiter le Kirghizstan qui offre de belles possibilités de trekking ou d’alpinisme.
Pour préparer le voyage :
Le Kirghizstan ne nécessite plus de visa pour les séjours touristiques. Il faut un visa chinois, plus compliqué à obtenir. Il faudra aller en personne (ou par une agence spécialisée de type action visa) à Paris (pour le nord de la France) ou Marseille (pour le sud) avec de nombreux documents (attestation d’assurance, de revenus entre autres). Le fonctionnaire chinois posera pas mal de questions pour accepter la demande. Puis cela ira assez vite. Voici le site de l’ambassade chinoise.
A savoir que la compagnie Turkish Airlines transporte gratuitement une paire de skis + bâtons par personne. Utile à savoir !
La frontière chinoise prend beaucoup de temps à traverser. Il y a 5 barrières pour passer le Torugart Pass :
- La première est celle de l’armée Kirghize, qui vérifie le droit d’entrer dans la zone frontalière et vérifie les visas (rapide).
- La seconde barrière est la douane Kirghize (rapide).
- La troisième est la frontière proprement dite, aucun véhicule ne peut la traverser. Il faudra donc transvaser tous les bagages du véhicule Kirghize au véhicule Chinois. Attention car la frontière n’est pas ouverte à l’heure du repas et n’ouvre pas samedi/dimanche.
- La quatrième barrière est celle de l’armée chinoise, il faudra décharger tous les bagages pour les rayons X, le bus est également passé aux rayons X (long).
- La dernière est la douane chinoise à laquelle il faut repasser tous les bagages aux rayons X (long).
En tout il nous aura fallu 5 heures pour en finir avec les contrôles. Le retour est plus rapide.
Bibliographie et liens internet pour préparer l’ascension du Mustagh Ata :
- Pour le tourisme :
Petit Futé Tibet, Chine de l’Ouest
- Pour l’alpinisme :
- Pour rêver :
Aux confins de la Chine, de Jean Buathier
La rumeur des steppes : De la Russie à l’Afghanistan, de la Caspienne au Xinjiang , de René Cagnat
Le Livre des merveilles, de Marco Polo
L’art d’user ses babouches : Tribulations sur la Route de la Soie, Vincent Robin-Gazsity
Budget :
Euros et dollars sont acceptés dans les deux pays.
- Avion : 600€/personne
- Agence locale : 1800€/personne (sur la base de 10 pers)
- Fret aérien : 70€/personne (sur la base de 10 pers)
- Tel sat + communications : 100€/pers (sur la base de 10 pers)
En tout, 2800€ par personne environ en 2014
Expédition au Mustagh Ata (7546 mètres)
L’idée
Lorsqu’on aime à la fois les voyages et l’alpinisme, on peut être hésitant sur le choix à faire. Faut-il profiter des futures vacances pour partir sac au dos au Vietnam par exemple, et parcourir ce magnifique pays à pieds, ou migrer vers les Alpes ou Pyrénées dans la camionnette à l’affût des beaux créneaux météo pour faire de belles courses ? Avec une expé le choix n’est plus à faire, le pack est complet : ce sera voyage ET vacances !
La route de la soie invite au rêve
Le voyage de Marco Polo me laisse toujours aussi songeur. Samarkande, Kashgar, le Pamir, le désert du Taklamakan, la Chine, les épices et la soie… De quoi rêver ! Depuis ma belle expédition dans le Tian Shan, je me suis rendu compte qu’il y a beaucoup de beaux voyages à faire dans cette région. Je pensais partir au Pic du Communisme jusqu’à ce que j’apprenne qu’une expédition organisée par mon ami Claude se montait pour le Mustagh Ata. Un gros sommet (plus de 7500m), en bordure du Pamir et du Taklamakan… je me voyais déjà du haut de ce sommet contempler les étendues ocre du désert et les cimes à l’infini du Pamir. En plus de cela, le projet était de le gravir à skis, une nouvelle expérience ! Pas d’hésitation, c’est parti pour l’aventure !
Une équipe de dix personnes
C’est une grosse expédition. Cela présente des avantages : plus d’énergie pour monter les camps et tracer dans la neige, plus de sécurité en cas de problème, et cela réduit les coûts. Par contre l’aspect humain peut être plus difficile à gérer, il y a forcément de nombreux compromis dans les choix collectifs à faire. Je me suis greffé à une équipe de 7 Ariégeois, unis par le Club Alpin, avec le risque d’être un élément rattaché (en gros, la cinquième roue de la paire de skis !) et de ne pas trouver ma place. C’était une de mes craintes, l’autre étant de gérer le froid avec les chaussures de ski. On verra bien !
L’approche
Marco Polo n’en croirait pas ses oreilles s’il apprenait qu’en 4 jours, une équipe partie de Toulouse allait se retrouver au pied du Mustagh Ata, à 6200 kilomètres de distance, après avoir été en Turquie, au Kirghizstan et en Chine. La magie des transports !
Nous avions trois craintes logistiques pour cette approche du Mustagh Ata. La première était le sac perdu par la compagnie aérienne. Une crainte régulière en expédition… Pas facile à Kashgar, au bord du désert, de pouvoir retrouver rapidement du matériel de haute montagne à acheter ou louer pour pouvoir tenter le sommet !
Frontière chinoise
Notre deuxième crainte concernait le passage de la frontière chinoise, et particulièrement le téléphone satellite, que nous ne voulions pas déclarer sous peine de devoir payer un droit élevé à la frontière voire une confiscation ! Sueurs froides lors des passages aux rayons X…
La troisième et dernière crainte était de ne pas arriver à récupérer notre fret, envoyé une semaine avant à Bichkek et bloqué par les douanes sous prétexte de devoir payer des droits d’entrée astronomiques (2500€). La chance était avec nous, tout s’est bien passé. Bon il a fallu parlementer des heures et faire des faux documents aux douanes, et surtout verser un bakchich de 500€, mais on a fini par récupérer notre matériel !
Kashgar est une ville à deux visages.
Les Chinois ont rasé plus de 80% de la ville historique pour la remplacer par une ville moderne : immeubles et grandes avenues. Les Chinois veulent faire de Kashgar une métropole d’Asie Centrale et y mettent donc les moyens : les immeubles, presque vides, poussent comme des champignons. Des autoroutes sont créées vers le Pakistan et le Kirghizstan pour permettre la circulation plus facile des produits chinois vers les pays voisins. Dans une dizaine d’année le Mustagh Ata sera en bordure d’autoroute, il y aura peut-être une aire à son nom !
Kashgar a un pied en Asie Centrale et un pied en Chine. On y trouve donc une multitude de produits exotiques, allant des fruits aux épices, mais aussi aux crapauds, salamandres, serpents et autres animaux séchés utilisés en médecine chinoise !
Le meilleur moment de l’expédition au Mustagh Ata
Le moment que j’attends le plus dans une expédition n’est pas le jour du sommet. Certes le jour du sommet est la concrétisation de tout un voyage, c’est un moment fort, imprégné de fatigue, d’incertitude et de plénitude lorsque le sommet est atteint. Mais le moment que j’attends le plus n’est pas celui-ci. Je suis beaucoup plus marqué par le premier contact visuel avec le sommet. Pendant de longs mois auparavant, il y a la préparation, la recherche d’informations, le projet se dessine petit à petit.
Et toujours, les mêmes photos du sommet trouvées sur internet, qu’on regarde dix mille fois afin d’en connaitre chaque détail. Il y a l’incertitude de ne pas pouvoir passer, de se perdre… Et il manque le contact direct avec la bête, les émotions qu’on ressent en voyant le sommet se dresser devant soi.
- Sera-t-il impressionnant ?
- Accueillant ?
- Hostile ?
- Intimidant ?
Il n’y a qu’en ayant le sommet devant soi qu’on peut se faire une idée de ce qu’il est réellement.
Mon premier regard vers le sommet du Mustagh Ata
Tout d’un coup, au détour d’un virage, il apparaît. Je suis d’abord surpris par la blancheur du sommet. Cette énorme masse immaculée contraste très fortement avec les jaunes et bruns, décor des 6 heures de bus en région désertique que nous venons de faire. On change d’univers : du désert nous passons au Pamir. Puis j’ai un sentiment d’apaisement, ce sommet n’est pas technique, il n’a pas l’air méchant et ne réserve pas de mauvaise surprise, tout devrait bien se passer.
Puis enfin je réalise que ce sommet est très haut tout de même, il se trouve dans cette zone de la mort décrite par Messner, une altitude ou l’oxygène est rare et la vie impossible. Je repense à ce que j’ai déjà vécu au-delà de 7000m auparavant et je me demande si j’ai bien envie de revivre cela…
Changement de transport
Nous arrivons au pied de la montagne peu de temps après, dans un village constitué de quelques maisons en terre cuite. Les chameliers nous attendent pour charger les animaux et monter vers le camp de base. Le chameau vit à l’état sauvage dans cette région, et c’est un animal bien adapté au climat sec de cette région. Je suis impressionné car chaque chameau peut porter 120 kg !
Le camp de base
Nous arrivons au camp de base en soirée, au pied du Mustagh Ata. Nous sommes quasiment les seuls occidentaux, à part une équipe autrichienne. Il y a un énorme camp chinois, avec un confort impressionnant. Notre interpètre local nous explique que les Chinois exigent beaucoup de confort, et paient le prix fort pour cela ! Selon lui, ils paient dix fois le prix que nous avons payé. L’ascension du Mustagh Ata serait donc une sorte de loisirs pour Chinois fortunés. Mais nous avons également rencontré une équipe de jeunes Chinois, probablement étudiants, équipés de camelotte, avec des lunettes de soleil bricolées afin de couper le soleil sur les cotés. Ils avaient l’air de ne rien connaitre à la montagne, nous ne saurons jamais le contexte de leur expédition au Mustagh Ata.
L’ascension du Mustagh Ata
Le sommet a été gravi en moins de dix jours. C’est un excellent timing, nous n’avions pas prévu de le réussir si vite ! Au contraire, étant donné le fait que plusieurs membres de l’expédition n’avaient jamais dépassé 5000m, nous avions prévu le temps de nous acclimater avant de tenter le sommet.
En fait, la première semaine d’acclimatation s’est déroulée avec un beau soleil et peu de vent. J’ai fini par croire que la météo allait être aussi belle pendant les 3 semaines prévues au camp de base. Le Mustagh Ata, une expédition snow, sun and soup !
Mais tout d’un coup
Le routeur météo nous a ramené à la réalité : le temps allait se dégrader avec des vents forts, pour une durée assez longue. Il ne nous restait plus que 3 jours de beau temps avant que le vent ne devienne très fort. Or nous n’avions pas encore posé le camp 3, et il nous fallait donc au moins 4 jours pour le sommet, plus la descente au camp de base. Il fallait s’adapter et trouver une solution, sinon l’attente allait être longue, et qui sait si un nouveau créneau météo allait s’ouvrir plus tard ?
Il y avait plusieurs possibilité pour rattraper ce jour manquant. Partir directement du camp de base au camp 2, sans halte au camp 1, ce qui allait nous user pour le jour du sommet.
Une seconde possibilité était de ne pas faire de camp 3 et de tenter le sommet directement du camp 2. Grosse journée, mais qui nous éviterait la fatigue du portage au camp 3 et la nuit à 7000 mètres. Nous avons décidé de partir sur ce dernier scénario, la descente à skis nous permettant de redescendre rapidement. De plus, la descente serait plus agréable sans le poids du camp 3 !
Parfois la réussite d’un sommet dépend d’une seule décision.
Dans le cas présent, je pense que nous avons pris une excellente décision. Nous étions acclimatés au camp 2 et tout le monde a plutôt bien dormi. Le lendemain, la journée a été longue … très longue mais les sacs étaient légers. A midi, nous nous sommes retrouvés au sommet du Mustagh Ata, avec une étrange impression de facilité.
Malheureusement des cumulus bourgeonnaient partout et la vue n’était pas si belle que je l’espérais. Mais j’ai pu voir les sommets principaux du Pamir :
- Le Pic du Communisme
- Pic de la Révolution
- Le Pic Korzenevskaïa
- Pic Lénine.
Je n’ai rien vu du Karakoram (K2, Broad Peak, Gasherbrum, Hidden Peak) pourtant situé à la même distance (300 km).
Avec le recul
Je pense que la stratégie habituelle qui est de monter le dernier camp et d’enchaîner avec le sommet est une stratégie très fatigante. Cette autre stratégie que nous avons testée réduit la fatigue, la déshydratation due au cumul des efforts sur plusieurs jours et me semble très intéressante (quand elle est jouable). J’avais déjà remarqué que faire le Mont Blanc à partir du Goûter est fatiguant car on arrive fatigué au refuge, on a peu de temps pour récupérer et on enchaîne avec l’effort du sommet.
En partant directement de la vallée, et si on gère bien l’hydratation et l’alimentation comme en trail, le sommet m’avait paru moins épuisant. A adapter à chaque situation, car évidemment la journée en devient très longue. En tous cas pour le Mustagh Ata à skis elle fonctionne très bien !
Seul Jean Pierre n’a pas pu aller au sommet et a dû renoncer car il avait trop froid aux pieds. Ce point est développé dans la partie matériel. Pour Jean Pierre, comme il le dit avec humour :
Et le Mustagh Rata !
Pouvions nous descendre en ski de randonnée ?
Une fois arrivés au sommet, il restait une grosse incertitude. Allions-nous pouvoir skier à cette altitude ? La fatigue et l’hypoxie ne me laissaient pas très optimiste sur ce point. Au sommet, dans un froid glacial, nous avons donc enlevé les peaux et serré les chaussures. Puis je me suis laissé glisser doucement vers la pente, sur une neige dure mais assez régulière.
La descente a été un vrai régal !
1500 mètres de neige soit poudreuse, soit transformée, régulière, assez facilement skiable. Nous avions des sacs légers, un vrai bonheur. Sans les skis, nous aurions eu une longue descente épuisante. Bon choix, je valide les skis en expédition au Mustagh Ata ! La descente du camp 2 a été plus sportive, les sacs devenus lourds pesaient énormément et il fallait skier en souplesse. Heureusement la régularité de la pente permettait d’enchaîner les virages sans problème jusqu’au camp 1. De beaux virages dans une bonne neige, face à nous l’immensité du Pamir.
L’expédition au Mustagh Ata s’est donc terminée par une belle réussite
De beaux virages à skis et une ambiance très sympathique. Même si Jean Pierre n’a pas pu faire le sommet, il a pu récupérer ses orteils devenus insensibles. Tout le monde est sain et sauf, ce qui est le plus important. Bel exploit pour les débutants, qui peuvent mettre une croix à 7 500 mètres pour une première expédition ! Je pense que le virus a dû contaminer certains d’entre eux et cela ne m’étonnerait pas de les recroiser d’ici quelques années….
Epilogue
Mes deux craintes ne se sont pas réalisées. Je n’ai pas eu (trop) froid aux pieds, et j’ai passé d’excellents moments avec l’équipe. L’état d’esprit a été formidable, une belle aventure humaine de partage et de soutien mutuel. J’ai découvert des personnes formidables et j’espère qu’on pourra repartir ensemble… pour le Shishapangma ?
Ayant réussi le sommet deux semaines en avance, il a fallu prévoir de quoi s’occuper. Nous n’avions rien prévu, pas de carte, pas d’itinéraire touristique. Je me demandais comment le groupe allait gérer cela. Jusqu’à maintenant, nous étions tous venus pour un objectif clair, discuté et préparé à l’avance. Les décisions étaient prises facilement et il n’y a quasiment pas eu de tension ou de désaccord dans le groupe. Mais quand il s’agit de tourisme, fédérer dix personnes sur un même programme est nettement plus difficile ! Les envies personnelles, les réalités logistiques et les contraintes budgétaires compliquent nettement les choses. Mais là encore, tout s’est bien déroulé.
Tourisme après le sommet
Le groupe a fait preuve d’un esprit de souplesse et d’ouverture d’esprit qui a permis d’occuper intelligemment les deux semaines de tourisme qui ont suivi. Nous avons pu voir le désert du Taklamakan, dormir dans des yourtes de nomades, visiter Bichkek et faire de la randonnée dans le parc Ala Archa au sud de Bichkek. Je recommande de s’intéresser à ce parc. Il y a de belles randonnées à faire, et les montagnes sont belles et promettent de belles courses d’alpinisme. Tout cela à une heure maximum de Bichkek.
Seule ombre à ce beau tableau
Nos relations avec l’agence Kirghize, Dostuck trekking. Nous avons été fortement déçus par l’agence qui s’est avérée être peu portée sur la qualité des prestations mais beaucoup sur leur profit. En clair, nous avons eu droit à des tapis de sol misérables, des tentes fragiles (2 se sont déchirées au camp de base), une cuisine médiocre au camp de base (avis de quelqu’un qui a de nombreuses expéditions à son actif et donc un certain recul).
Au jour d’aujourd’hui, l’agence nous fait un chantage par rapport à un appareil photo qui a été oublié dans le bus. Si nous voulons le récupérer, il faut payer pour les réparations des tentes qui se sont déchirées sous l’effet du vent et dont nous ne sommes donc pas responsables. Si elles n’ont pas résisté au vent c’est qu’elles n’auraient jamais dû être louées pour un camp de base. Je ne recommande donc pas du tout cette agence.
Le matériel utilisé durant l’expédition au Mustagh Ata (7 546 mètres)
Du matériel classique d’expédition, mais avec une spécificité propre au matériel de ski. La grande question qu’on s’est posée est de tenir au froid avec des chaussures de ski de rando. Car même si elles sont faites pour l’hiver, elle peuvent s’avérer trop peu chaudes pour les températures à 7 500m qui peuvent atteindre -30°C, comme malheureusement Jean-Pierre l’a constaté.
Le choix des chaussures ski de randonnée pour le Mustagh Ata
Il y a deux points essentiels à considérer. Le premier point est de prendre au moins une pointure au dessus de sa pointure habituelle. Cela permet de prendre des grosses chaussettes d’altitude (du style Lorpen). Mais même avec les grosses chaussettes, il faut garder de la place car les pieds vont gonfler avec l’altitude (œdème général). Le choix des chaussures est donc délicat, il faut rester large tout en maintenant le pied pour le ski.
Pour ma part j’ai géré cela avec des sous-chaussettes fines et des chaussettes d’épaisseur variable. Je tournais avec des chaussettes fines + Lorpen teta. Je mettais un sachet de fruits/légumes du supermarché entre les deux pour conserver l’humidité à l’intérieur et ne pas mouiller les chaussettes extérieures + le chausson. Le jour du sommet, je suis passé aux chaussettes Monnet et je me suis rendu compte que mes pieds avaient gonflé. Donc j’ai dû retirer les sous-chaussettes. A la descente, en serrant bien les chaussures j’étais à peu près maintenu et j’ai pu skier.
Deuxième point essentiel, ne pas partir avec des chaussures âgées, ou dont la fragilité est connue. Par grand froid, le plastique devient cassant et si cela arrive là-haut, cela peut être dramatique. Donc pas d’occase bon marché. Quand on débourse 3 000€ pour une expédition au Mustagh Ata, il ne faut pas la planter pour avoir voulu économiser sur les chaussures. Le reste du matériel est commenté ci-dessous.
Check-list pour l’ascension et la descente en ski de randonnée du Mustagh Ata
Vêtement pour l’ascension du Mustagh Ata
Catégorie | Nom du model | Marque | Pourquoi avoir fait le choix de ce model au départ | Est-ce que ce choix a répondu à cette expérience raconté dans ce roadbook | Si c’était à refaire |
DOUDOUNE | Bering | VALANDRÉ | Oui | Un peu fragile mais chaud Oui | Oui, j’adore les produits Valandré. Elle ne sent pas mauvais malgré 10 expés |
DOUDOUNE | Kiruna | VALANDRÉ | Chaude | Parfaite pour le camp de base | Oui, je m’en sers aussi dans les Alpes |
MOUFFLES | Extrem Moufle | MILLET | Imperméables chaudes, confortables | Oui, elles sont chaudes mais assez précises | Oui |
CHAUSSETTES SOMMET | Froid extrême | MONNET | Très chaudes | Oui, parfait | Je les reprendrais sans hésiter |
CHAUSSETTES SOMMET | Tepap | LORPEN | Très chaudes | Non, je déconseille avec des chaussures de ski. Le bout doublé créée des frottements | Non pas pour le ski |
CHAUSSETTES ACCLIMATION | Teta | LORPEN | Bien chaudes | Oui, avec des sous chaussettes fines | Oui |
CHAUFFERETTES | Mains | HEAT FACTORY | Par hasard | Oui, elles chauffent 4H | Oui, elles ont plutôt bien fonctionné |
Matériel de ski de randonnée pour le Mustagh Ata
Catégorie | Nom du model | Marque | Pourquoi avoir fait le choix de ce model au départ | Est-ce que ce choix a répondu à cette expérience raconté dans ce roadbook | Si c’était à refaire |
CHAUSSURES DE SKI | Thrill Chaussures | SCARPA | Pas chères, hé oui comme elles sont beaucoup trop grandes je ne voulais pas trop investir | On va dire oui, sauf qu’elles sont vraiment difficiles à mettre malgré la grande pointure. Une galère en expé. | Non, autant éviter ce problème |
SKIS | Freedom 84 | TRAB | Polyvalents et solides, assez légers. Prix rmodéré | Oui, parfaits | Oui sans hésiter, à moins d’investir dans un modèle plus léger. Le rêve des.. Mustagh Ata ! |
FIXATIONS | TLT speed Turn | DYNAFIT | Stables, réglage de pointure de 25 mm | Oui, pas de problème de gel ou autre | Oui, Dynafit est une référence |
ARVA | Pulse Barryvox | MAMMUT | Une valeur sûre | Oui | Oui |
PELLE | Beast | ORTOVOX | Solide | Oui, je préfère les pelles métal | Oui |
BÂTONS | Diamond trail trekking pole | BLACK DIAMOND | Ils sont solides | Aucun problème | Oui |
Matos d’alpinisme pour le Mustagh Ata
Catégorie | Nom du model | Marque | Pourquoi avoir fait le choix de ce model au départ | Est-ce que ce choix a répondu à cette expérience raconté dans ce roadbook | Si c’était à refaire |
SAC À DOS | Expedition | MILLET | Léger et très grand | On m’avait dit que ce n’était pas solide… après des centaines de kilogrammes transportés toujours aucun problème | Oui très clairement |
CASQUE | Meteor 3 | PETZL | Light | Pas mal de chocs et toujours beau | Oui |
PIOLET | Corsa Nanotech | CAMP | Light | Pas convaincu au début mais satisfait maintenant | Oui, mais vaut mieux ne pas avoir à franchir de la glace |
CRAMPONS | XLC Nanotech | CAMP | Léger | Pas eu besoin au cours de lexpé | Oui, même si j’ai encore un doute sur leur résistance |
BAUDRIER | Couloir | BLACK DIAMOND | Light | Oui | Oui |
LUNETTES | Evil Eye Explorer | ADIDAS | Confortable | Géniales mais chères | Oui, très confortables |
Matériel de Bivouac pour les camps de base au Mustagh ata
Catégorie | Nom du model | Marque | Pourquoi avoir fait le choix de ce model au départ | Est-ce que ce choix a répondu à cette expérience raconté dans ce roadbook | Si c’était à refaire |
TENTE | VE23 | THE NORTH FACE | Une valeur sûre, très spacieuse et résistante | Oui, malgré le poids conséquent. C’est ma tente de camp 1 et 2 | Oui |
TENTE | Monster | FERRINO | Ultralight | Oui. Il vaut mieux espérer ne pas être dans une tempête de neige | Oui |
TENTE | West Wind | THE NORTH FACE | Light | On aurait aimé une deuxième ouverture côté inférieur de la tente | |
TENTE | Tenshi | NEMO | Light | Oui | Oui |
TENTE | Jannu | HILLEBERG | Un must de tente | Assez difficile à monter en expé | Non |
TENTE | Power Odyssée | VAUDE | Pas très chère et assez light | Il manque terriblement une deuxième ouverture, on meurt de chaud avec le soleil | Non |
SAC DE COUCHAGE | Down 400 | MOUNTAIN HARD WEAR | J’avais une grosse réduction dessus | Oui, sac chaud et solide. Un peu lourd. | Du duvet, chez Valandré par exemple |
SAC DE COUCHAGE | Swing 900 | VALANDRÉ | Léger et solide | Oui | Oui |
DRAP DE SAC | Thermolite Drap | SEA TO SUMMIT | Light | Oui, bien confortable | Oui |
TAPIS DE SOL | Prolite plus | THERMAREST | Light | J’ai eu du mal à m’y faire mais maintenant le l’adore | Oui, sans hésiter |
Autres équipements indispensables pour le Mustagh Ata
Catégorie | Nom du model | Marque | Pourquoi avoir fait le choix de ce model au départ | Est-ce que ce choix a répondu à cette expérience raconté dans ce roadbook | Si c’était à refaire |
FRONTALE | Ultrabelt | PETZL | Light et puissante | Oui | Oui |
RÉCHAUD | Réactor 1.7L | MSR | Efficace | Un must. Imbattable pour faire fondre beaucoup de neige. | Oui sans hésiter |
ALTIMÈTRE | AMBIT cardio | SUUNTO | Gagnée par le Concours Yéti 2012 | Il faut faire très attention à la batterie qui se vide vite | Plutôt un modèle plus simple, la montre AMBIT est davantage orientée trail qu’expé je pense |
PANNEAU SOLAIRE | 26W | BRUTON | Recommandé par un ami | Un peu lourd | Les nouveaux panneaux sont plus efficaces |
BATTERIE | MP3450 | TEKKEON | Indispensable pour charger | Oui, tjrs pas de pbme de charge après 8 ans d’utilisation | Oui |
2 commentaires
bonjour,
Merci pour votre liste de matériel qui est très pratique.
J’avais une question sur le choix de pantalon : basse altitude ? camps de base ? ascension sommet ? quid si il neige ou il pleut ? Merci pour votre retour
Sylvain
Il me semble que j’avais
– 1 pantalon convertible en short pour l’approche, qui sera vite sale
– 1 pantalon typé montagne (gore-tex) pour les camps inférieurs ou s’il pleut
– 1 collant pour renforcer l’aspect thermique du pantalon de montagne
– 1 pantalon en duvet de chez Valandré pour le sommet ou plus bas s’il fait très froid
– j’ai aussi un pantalon très confortable et qui reste propre pour dormir dans le duvet