Alexis Collette nous partage sa Grande Traversée du Mont Cook (Aoraki)
Informations pour préparer la grande traversée du Mont Cook
Dates
16/12/2015 – 24/12/2015
Lieu
Nouvelle Zélande, île sud, District of Canterbury, Massif du Mont Cook, Mount Cook Village
Participants
Alexis Collette : Passionné de montagne qu’il pratique dans les alpes dès qu’il peut s’échapper de son logis lyonnais, le mont Cook fut son premier sommet extra alpin. Tant qu’à changer de massif, aller jusqu’au bout du monde !
Vassily Vorobiev : Un habitué des grandes expéditions, il a l’ambition de compléter le Seven Summits Challenge. Il ne lui manque plus que l’Everest et le Vinson ! Bien que le Mont Cook ne soit pas inclus dans ce prestigieux défi, il en rêve depuis longtemps déjà.
Où Dormir ?
A Christchurch : la ville compte de nombreux hôtels et motels (très courants en Nouvelle Zélande) pour des rapports qualité/prix assez équivalents à ceux connus en France
A Mount Cook Village : Tout appartient à l’Hermitage Alpine Lodge (Immense complexe touristique luxueux descendant de l’ancien petit hôtel accueillant les explorateurs des premiers temps…). L’hôtel en lui-même est cher (compter au moins 150€ la nuit) et luxueux mais le petit déjeuner y fait envie… Sinon pour des budgets plus raisonnables il y a des motels (compter 25€ la nuit). Une autre solution est d’arriver en voiture le matin, se garer au parking de la Hooker Valley et s’éloigner un peu pour poser le premier bivouac (compter 0€ la nuit et un grand sentiment de liberté)!
Où se restaurer/se réapprovisionner pour la grande traversée du Mont Cook
Comme signalé plus haut, le petit déjeuner de l’hôtel est tentant : sucré et salé de qualité et à volonté !
Il n’y a pas de supermarché ni de supérette à Mount Cook Village qui pourrait faire de la concurrence au restaurant du tout puissant Hermitage Hôtel. Pour se restaurer au plus proche : Twizel, petit village à 40km de Mount Cook Village, tout ce qu’il faut : supérette, boulangerie avec superbe et abordable petit déjeuner continental !
Pour les grosses courses, je conseille de les faires à Christchurch si vous passez par-là, il y a plusieurs supermarchés ainsi que plusieurs magasins spécialisés dans l’outdoor à Tower Junction (zone commerciale proche du centre-ville au début de Blenheim Road) pour acheter du lyophilisé notamment.
Caractéristiques du Massif
C’est le plus haut Massif de Nouvelle Zélande et rien ne barre le chemin aux nuages et aux vents des milliers de kilomètres à la ronde ! Conséquence : temps instable et beaucoup de précipitation, la fenêtre météo dont nous avons profité était exceptionnelle. Il y a aussi énormément de glace, les glaciers de vallée descendent jusqu’à 400m d’altitude ! Le cumul hivernal des précipitations fait avancer les glaciers et la chaleur de l’été cause de nombreuses chutes de séracs, se méfier des glaciers suspendus !
Sans l’usage de l’hélicoptère les ascensions sont longues et engagées. Il existe quelque bivouacs aménagés (appelés Hut) pouvant accueillir généralement une dizaine de personnes, exception faite de la Plateau Hut sur la voie normale de Mont Cook qui est plus grande. Nous n’en avons utilisé aucun, nous voulions dormir à Gardiner Hut avant d’attaquer la West Ridge mais elle est à moitié occupée par un très gros caillou qui y a fait son nid… En conséquence nous avons bivouaqué au pied de la crête, ce qui s’avère plus judicieux au vu de la longueur de l’ascension du lendemain !
Office du tourisme
Pour la région du Mont Cook
Dans les environs
Randonnée jusqu’à Mueller Hut (1819m) au départ de Mount Cook Village (700m) : un bon échauffement et une vue à couper le souffle !
D’autres sommets du massif sont l’objectif de courses remarquables : Le Mount Tasman, le second sommet du pays (3498m) par l’arête sud-ouest et le Silberhorn, une course magnifique à faire en début de saison (décembre/janvier)
Plus loin au sud on peut visiter Queenstown, capitale autoproclamée de l’outdoor : ici même un simple bureau de tabac essaie de vous vendre un saut en parachute ! On aime ou on aime pas, le site a son charme mais est bondé de touristes.
Si on préfère la solitude on peut aller au nord dans la région de Arthur’s Pass pour une longue randonnée dans des paysages solitaires.
Bibliographie
Aoraki Mount Cook : a guide for mountaineers, Alex Palman
Une bonne base de données à compléter par un topo et les conseils des connaisseurs ! (je pense notamment aux rangers du parc à Mount Cook Village, que l’on peut rencontrer dans la maison du parc) : http://climbnz.org.nz/
Récit vidéo
//www.youtube.com/embed/R_AGlEnU5Xw
La plus belle façon d’atteindre le sommet de la Nouvelle Zélande ?
Au début ….
Tout commence par une journée pluvieuse d’octobre. Je suis assis sur ma chaise, devant mon bureau d’étudiant encombré et je m’ennuie. Non que je n’aie rien à faire, je pourrais par exemple terminer ce rapport d’expérience de mécanique des fluides ou boire un coup au bar de l’école, mais je n’en ai bizarrement pas envie. J’ai plutôt envie d’évasion, d’aventure, d’ailleurs. Cela me ronge déjà depuis quelque temps mais je ne sais ni vraiment que faire, ni avec qui. J’étais loin de me douter que les minutes suivant allaient me précipiter dans une sacrée aventure.
« Ding ». Un message sur Facebook. C’est Vassily : « Salut, tu vas bien ? Est-ce que tu aurais envie de partir faire le Mont Cook à Noël ? »
Le Mont Cook. Point culminant de la Nouvelle Zélande, 3752m d’altitude, un rêve d’enfant pour moi. Vassily me propose l’arête ouest et la Grande Traversée des sommets du Mont Cook. Une course longue et engagée qui se termine en apothéose par la chevauchée de l’arête reliant le Low Peak au High Peak, une arête de près de 2 kilomètres avec de nombreux passages en glace très effilée ! Je me renseigne un peu : les topos nomment cette arête la « Long Mile Ridge » (crête d’un mile de long) et la qualifie du plus beau et plus exposé Mile de Nouvelle Zélande. Le pour : un voyage d’exception avec à la clé un sommet de rêve: Le Mont Cook. Le contre : je cherche encore.
Vol pour la Nouvelle-Zélande
C’est donc ainsi que je me retrouve quelque mois plus tard dans un Boeing d’Emirates, filant à plus de 800km/h vers la Nouvelle Zélande. De Genève à Christchurch il y a 26h de vol, c’est long malgré les escales. Cela me laisse le temps de penser à mon voisin de siège et désormais compagnon d’aventure. Vassily, comme son nom l’indique, est d’origine Russe. C’est une force de la nature, avec un mental en béton et une volonté de fer, tout en restant une personne sympathique et modeste, et je l’admire beaucoup pour cela.
Je l’ai rencontré à Chamonix deux ou trois années auparavant, un peu par hasard. Nous avions sympathisé au détour d’un bar et sommes restés en contact en ligne, grace à Facebook notamment (comme qui ce site peut servir à quelque chose de temps en temps !) où nous échangions nos photos et récits de Montagne. C’est comme cela que j’ai appris qu’il était en train de compléter le Sevent Summits Challenge. Aconcagua, Pyramide Carstrenz, Elbrouz, Mont Blanc et Mc Kingley étaient déjà accrochés à son palmarès. Pourquoi ce détour par le Mont Cook, qui ne figure pas parmi les Seven Summits ? « Un rêve d’enfant » me dit-il. Nous serons donc deux enfants à rêver dans une dizaine de jours au sommet du Mont Cook, en tout cas nous l’espérons.
Premiers pas en Nouvelle- Zélande
L’avion se pose désormais à Christchurch, plus grande ville de l’île sud. Nous sommes le 15 décembre 2014, c’est le début de l’été. Après avoir passé les formalités (incluant une inspection minutieuse des semelles de nos chaussures de montagne !) nous filons vers le centre de Christchurch au volant de la petite voiture de location. Elle est quasi neuve, 20km seulement au compteur, c’est agréable !
Nous décidons de prendre deux jours à Christchurch avant de partir pour le Mont Cook. Je suis d’emblée surpris par la quantité inhabituelle de terrains vagues et de bâtiments inoccupés. La ville semble n’être qu’un immense chantier. Un panneau informatif situé devant la cathédrale – ou devrais-je dire la demi cathédrale – met fin à mes interrogations : la ville se reconstruit difficilement depuis le violent séisme de 2007. Il est saisissant de voir la difficulté à effacer les stigmates du séisme dans un pays tel que la nouvelle Zélande, je n’ose penser à ce que cela doit être dans un pays plus en difficulté… Sur cette réflexion, nous achevons la journée par une baignade dans les eaux fraiches du pacifique, sur la plage de Brighton Beach.
Préparatif avant le départ
Le lendemain est consacré aux préparatifs et aux courses de dernière minute : gaz, lyophilisé, vivres de course, tapis de sol pour moi qui l’ai oublié en Europe, et achat d’une batterie portative pour recharger ma caméra et réaliser le film de l’expédition.
C’est assez fébrile que je me réveille le 17 décembre au matin. On va enfin le voir, ce Mont Cook ! Nous avons environs quatre heures de route depuis Christchurch. Nous traversons d’abord les plaines de Canterbury, de paisibles pâturages entrecoupés de torrents d’apparence débonnaire mais dont la taille du lit asséché laisse craindre la fureur des crues. Le paysage se fait alors plus montagneux et à la plaine succède la lande et les grands lacs. La région du Mont Cook en est parsemée, des immenses lacs de plusieurs dizaines kilomètres de long alimentés par les eaux de fonte des glaciers. C’est en arrivant au Lake Tekapo que nous le voyons enfin, pic blanc émergeant de la brume 50 km plus loin, le Mont Cook.
Mount Cook Village
Nous avalons les derniers 40km de route et arrivons à Mount Cook Village, dernier village (le terme complexe touristique serait plus approprié) avant la montagne. Puis nous passons à la maison du parc, où les rangers nous donnent les dernières informations météo et conditions montagnes. Nous devrions profiter d’une fenêtre de beau temps assez exceptionnelle. En revanche nous avons peu d’informations à propos des conditions de neige et glace. Nous donnons une date butoir aux rangers à partir de laquelle lancer les recherches, et partons garer la voiture au point le plus avancé. Nous nous donnons 10 jours maximum. Sur le Parking de la Hooker Valley, où nos pas nous conduirons en premier, nous bouclons les sacs. Tout y rentre sauf le bateau, lourd de 20 kg. Le bateau ? Quel bateau ?
Bateau gonflable
C’est une idée de Vassily, excellente je dois dire au final, d’emporter un bateau gonflable pour l’approche : une heure et demie de marche sur bon sentier mène au Hooker Lake (850m) que l’on doit contourner par des flancs morainiques instables et désagréables pour atteindre la langue du Hooker Glacier. Cependant si l’on a un bateau il suffit de traverser le lac et d’accoster à gauche des falaises de glaces. C’est ainsi que sous les yeux ébahis des touristes nous gonflons notre bateau. Après avoir échangé quelques mots avec des compatriotes lillois qui passaient par là, nous mettons le bateau à l’eau et entamons la traversée du lac.
Je n’ai jamais été très serein sur un bateau. Ce frêle esquif gonflable rempli de nos deux personnes et de nos sacs à dos ne m’inspirait donc pas une confiance infinie, et je laissai volontiers Vassily s’occuper des rames. La traversée des eaux grises du Hooker Lake fut le véritable basculement vers l’aventure : les touristes et le bon sentier de la rive sud s’éloignaient peu à peu tandis que les falaises de glaces de la rive nord, hautes de plusieurs mètres, se rapprochaient de nous. Après une heure et demie de rame (aux grands frais de mon compagnon je l’avoue) nous avions atteint le glacier, et quitté la civilisation.
Premier Bivouac
Nous ne devions plus voir personne de ce côté-ci du Cook. L’après-midi avançant, nous décidâmes de bivouaquer non loin sur un replat caillouteux de la langue du glacier. Ce premier camp a été pour moi l’occasion de nombreuses découvertes : j’y ai découvert la nourriture lyophilisée mais aussi le fait qu’un tapis de sol bas de gamme est définitivement une mauvaise option si l’on veut dormir sur des cailloux pointus, surtout plusieurs jours de suite.
Nous nous levons avec le jour. Le temps est maussade, il pleut légèrement. Nous plions la tente et nous mettons en route sans plus tarder. Aujourd’hui nous attend le premier obstacle : le passage de la chute du Hooker Glacier. Si le glacier est en condition cela passe rive gauche (donc à droite en montant) dans un champ de crevasses. Sinon il faut passer par une escalade rébarbative du Pudding Rock, sorte de verrou glaciaire rive gauche du glacier aussi, dont nous ne sommes pas certains de l’accès. Les chutes de séracs nous tiennent compagnie pendant notre remontée du glacier.
Début d’ascension sur le glacier
Le glacier suspendu nous dominant se décharge toute les 10 minutes d’une quantité impressionnante de glace qui file vers nous sans toutefois nous inquiéter, car vite stoppée par le mur formé des éboulements plus anciens. Arrivés au pied de la chute du glacier, nous mettons nos crampons. Cela semble passer sur la glace, le glacier est relativement bien bouché excepté une zone de crevasse à mi-hauteur. Vassily prend de l’avance et franchit la zone de crevasses sans trop hésiter. Je suis ses traces et arrive devant un chaos de trous et ponts de neiges assez peu engageants.
« Tu es passé par là ?? »
« Oui oui tu verras ça passe »
Ok… Je m’avance le long d’’une crevasse profonde. Mince je dois passer de l’autre côté ! Mais comment a-t-il fait ? On aurait dû s’encorder !
Je finis tant bien que mal par me jeter à califourchon de l’autre côté de la crevasse et suit l’étroite bande de glace sur laquelle je me trouve désormais. Elle me conduit assez bien entre les crevasses et s’achève sur un pont de neige étroit et douteux, au-dessus d’un trou profond.
A nouveau :
« Tu es passé par là ?? »
« Oui oui tu verras ça passe »
Rebelote, je m’engage dessus et… passe. C’est le soulagement lorsque je rejoins la partie supérieure du glacier, que nous quittons pour monter des pentes de glace rive gauche, en direction de l’arrête Ouest. Nous sommes désormais à 1800m d’altitudes environs, et nous dominons le sommet du Pudding Rock, sur lequel se situe la Gardiner Hut, petit bivouac perdu dans un univers minéral. Nous avons décidé de bivouaquer plus haut au pied de l’arête ouest, mais nous n’aurions de toute manière pas pu utiliser la Hut qu’un éboulement a partiellement détruite. Son seul occupant à plein temps est d’ailleurs un énorme rocher que l’on n’oserait pas trop déranger dans sa quiétude.
Deuxième campement
Nous plantons notre tente sur un petit replat rocheux, non loin du départ de l’arête ouest. Du mauvais temps est annoncé pour les deux jours suivants, nous renforçons donc bien les amarrages et construisons un petit mur de pierre pour nous isoler du vent (trop peu élevé au final). Disposant encore de quelques heures de soleil, nous en profitons pour faire du repérage. Le topo conseille d’atteindre l’arête par le milieu du triangle formé à sa base par ses ramifications nord et sud.
Cependant nous nous rendons vite compte qu’une énorme et infranchissable crevasse barre cet accès ainsi que celui du couloir nord-ouest, alternative plus rapide permettant de rejoindre l’arête vers 3000m d’altitude. Il semble cependant y avoir des goulottes accessibles et en conditions dans la face sud de l’arête, la rejoignant vers 2900m d’altitude. Nous passerons donc par les goulottes. Cela tombe bien, j’adore ça !
Matinée de repos
19 décembre, nous nous accordons une grasse matinée. Le mauvais temps doit arriver dans l’après-midi pour 24h au moins, nous n’en savons pas plus. On discute, parcours le topo. Le ciel s’assombrit peu à peu, le vent se lève. Puis c’est la pluie, le temps devient long dans la tente. Il faut s’occuper, passer le temps. Quel dommage que le jeu de cartes soit resté dans la voiture ! Le vent forcit encore dans la soirée et les bourrasques plaquent la toile de la tente sur nous. Nous devons tenir la tente pour ne pas qu’elle s’abîme, alors que l’étanchéité de la tente commence à faire défaut juste au-dessus de ma tête. Le matin n’apporte aucune amélioration, et j’essaie de faire passer le temps du mieux que je peux.
Vingt minutes de sommeil par ci, un quart d’heure d’ennui par-là, ponctués par les gouttes d’eau qui tombent sur mon visage. Le sol rocheux ressenti à travers mon tapis de sol débonnaire me fait mal au dos. Pourtant il faut patienter, rester allongé là pendant que les éléments se déchaînent autour de nous. La nuit du 20 au 21 fut la pire. Les températures ont chuté et je suis trempé, j’essaie tant bien que mal de dormir. Vers 2h du matin je me réveille, trempé et tremblant de froid. Heureusement Vassily avait des habits secs et chauds en réserve qu’il me donne. Je peux me rendormir et trouver un peu de repos après ces 24h éprouvantes. La tempête se calme peu à peu.
Départ après une journée off
Vers 8h du matin nous décidons de partir. Il neige légèrement mais nous pouvons sentir le soleil non loin au-dessus des derniers nuages. Pas fâchés de se remettre en mouvement ! Nous arrivons très vite dans les goulottes. La couche de neige tombée pendant le mauvais temps adhère bien sur la glace, les rampons accrochent bien et nous progressons rapidement en corde tendue. Nous émergeons de la couche de nuage sur une plateforme peu avant de rejoindre le fil de l’arête. Enfin la vue se dégage ! Le Hooker Lake est déjà si petit là en bas… Nous ne nous attardons pas trop, juste le temps de faire du thé. Le topo prévenait de la longueur de l’arête et notre départ tardif me fait douter de notre capacité à atteindre le Low Peak aujourd’hui.
Objectif Low Peak
Il faut ensuite passer un bastion rocheux. Je suggère de remonter tout droit dans la fissure mais Vassily préfère contourner par le fil. Il passe en premier, je le suis. Nous arrivons à l’endroit où le couloir Nord-Ouest rejoint l’arête, nous n’avons fait qu’à peine la moitié du parcours prévu aujourd’hui ! Il faut avancer, nous progressons corde tendue à dix mètres, en plaçant des protections où nous pouvons. Le soleil de l’après-midi chauffe les goulottes, il ne faut pas oublier que nous ne sommes même pas à 3000m d’altitude… Je m’arrête sur un replat pour assurer Vassily.
La goulotte dans laquelle il monte s’effondre …
… et je le vois disparaître par-dessus une barre rocheuse. Il restait cinq mètres de mou à mes pieds, quelle négligence ! Je ne peux rien faire, je regarde la corde filer avec la boule au ventre… Je me mets face au vide pour que la corde ne me fasse pas tourner. Elle se tend et je m’envole. C’est le seul mot décrivant correctement la manière dont je me suis fait arracher de la vire. En douceur, pas de chocs, juste le sol qui disparaît, et puis c’est la chute.
Je repense à un guide qui me disais « En montagne, si tu tombes, c’est la chute. Et si tu chutes c’est la Tombe ». On verra. Combien de temps a duré la chute ? Peu sans aucun doute, mais c’est impossible à dire, tant il y avait de choses qui se bousculaient dans ma tête. Atterrissage sans douleur tête la première sur une pente de neige. Se retourner. Planter le piolet. Freiner. Trop tard, deuxième barre rocheuse. Encore tomber. Ma jambe heurte un rocher en atterrissant, mais je réussis à m’arrêter de justesse au-dessus d’une troisième barre rocheuse, bien plus haute que les deux premières. Vassily a aussi réussi à s’arrêter un peu plus haut et je le rejoins tant bien que mal. Il a l’épaule déboîtée. Déterminé à atteindre le sommet, il m’explique comment la lui remettre. Le moment est peu opportun pour apprendre mais bon, pas le choix !
Epaule déboitée
Epaule remboitée, je suggère qu’il serait judicieux de trouver un emplacement pour dormir. La nuit porte conseil, on verra demain si nous sommes prêts à continuer ! Ma jambe me fait mal mais je ne pense pas que ce soit grave. On trouve une étroite terrasse que l’on ne peut vraiment convenablement qualifier de plate, mais qui semble pouvoir être arrangée. Avec nos piolets nous creusons dans la caillasse (j’eu un instant une pensée attristée pour ma lame toute neuve) et arrivons à arranger deux trous en forme de V dans lesquels nous glissons nos sacs de couchage. La toile de tente ira recouvrir tout ça ! Après cette chute, dans ce trou creusé au milieu de nulle part, je me sens étrangement bien.
Peut-être est-ce l’adrénaline, ou alors la vue à couper le souffle sur les sommets aux alentours du Mont cook que nous commençons à dominer, teintés de violet par le soleil couchant. Cette nuit-là, j’ai très bien dormi.
Nouvelle journée autour du Mont cook
Au matin, le mental est de retour et nous décidons de continuer l’ascension ! Ce sera cependant avec un bras en écharpe dans la bretelle du sac pour Vassily. Suite à notre mésaventure nous sommes plus prudents et mettons plus de protections. L’arête se redresse d’un coup à cet endroit, et nous dévions quelque peu dans la face sud, en remontant en diagonale vers le fil de l’arête. Toujours des goulottes, qui se redressent au fur et à mesure que l’on se rapproche du fil. Le passage clé se présente sous la forme d’un bastion raide en mixte dont nous sortirons en quatre longueurs difficiles.
Les goulottes sont très tortueuses et se terminent souvent par un mur rocheux quasi vertical. Quelque pas de grimpe technique en crampons, une dernière goulotte de quelque mètres à 85° (que Vassily s’est permis d’ouvrir avec son seul bras gauche) et le crux est tombé ! Encore quelques pentes mixtes et, 10 heures après avoir quitté notre bivouac, nous atteignons le fil désormais neigeux de l’arête vers 3200m d’altitude ! Soulagement, je me dis que la suite est facile.
Low Peak. 3598m
Ce n’est pas tout à fait faux, mais cela reste très physique. Il faut franchir un ressaut en neige dure par les pentes dominant la face sud, l’ambiance est au rendez-vous et les mollets chauffent ! Et c’est enfin le Low Peak. 3598m, promontoire dominant toute la partie sud du massif, avec une vue spectaculaire sur les lacs et glaciers sud. Au nord on observe le déroulé de la Long Mile Ridge, notre programme du lendemain.
Nouveau bivouac
Le lieu de bivouac se trouve au-dessus du Porter Col, là où la crête d’abord mixte choisit de se consacrer uniquement à la neige et la glace. Nous plantons donc la tente à cet endroit-là, dans un creux neigeux balayé par le vent. Mais il faut creuser un peu, sinon nous serions trop exposés. Vassily ne peut pas le faire à cause de son épaule. Enfer et damnation ! C’est épuisant, j’ai l’impression que le trou se remplit au fur et à mesure que je le creuse.
Il me fallut bien deux heures pour aboutir à un terrassement correct, heures qui m’ont coûté mes dernières forces et la panne de mon piolet, vaincue par la glace bleue sur laquelle nous allions finalement dormir. Planter la tente ne fut pas non plus une mince affaire. Après avoir contemplé impuissants une des armatures de la tente s’initier au base jump dans la face est, nous bataillons avec le vent et prenons encore bien une heure pour arriver à monter notre abri. Au soleil couchant, transis par le vent, nous profitons enfin d’un peu de repos.
Jour de sommet
23 décembre, jour du sommet, noël en avance. Quel plus beau cadeau que cette arête effilée et aérienne filant tout droit vers le sommet de la Nouvelle Zélande ? Elle ne se dévoile pas tout de suite, plate et plutôt large aux alentours du Middle Peak (3717m), piégeant l’alpiniste trop prompt à imaginer une chevauchée rapide… Car elle se redresse et se glace rapidement, jouant avec son ami le vide. Il faut passer des murs de glace plein gaz au-dessus de la face ouest, se méfier des corniches et tenir le rythme, car l’arête est longue.
Puis c’est l’arête sommitale, des dentelles de glaces à l’assaut du ciel. Si l’on veut s’arrête profiter du panorama, il faut passer légèrement en contrebas de ces fragiles édifices pour atteindre une bosse neigeuse plus solide. Une cordée venue par la voie normale est sur le départ lorsque nous arrivons, ce sont les premiers humains que nous croisons depuis que nous avons embarqué sur le Hooker Lake.
Le sommet, enfin. J’ai du mal à réaliser que ce bout de glace perdu dans le ciel est ce pour quoi nous nous battons depuis plusieurs jours déjà ! Le panorama à couper le souffle embrasse toute la région, depuis les lacs du sud en passant par le Tasman Glacier jusqu’à la mer. Bizarrement je ne ressens pas grand-chose, la fatigue m’empêche de penser.
Après le sommet la redescente
Mais ce n’est pas fini, il faut descendre. C’est en me mettant en route que l’euphorie commence à monter, et j’effectue la première partie de la descente dans un état second, comme dans un rêve. La première partie se fait sur l’arête, d’abord neigeuse et peu pentue, puis il faut descendre le bastion rocheux de la voie normale. Le bastion se descend en rappel. Il faut installer les rappels, faire des manips de corde. Cela me force à revenir sur terre et je retrouve un peu de ma lucidité. Puis c’est le labyrinthe de crevasse de Linda Glacier.
Heureusement que la trace est là ! Nous slalomons entre les trous sans trop nous presser, sous un soleil de fin d’après-midi. A quoi bon courir ? Nous pouvons planter la tente n’importe où sur ce plateau glaciaire, alors autant profiter de ces instants magiques. Lorsque le soleil commence à descendre, nous décidons de bivouaquer. Nous sommes alors seuls au milieu du Grand Plateau, sur un glacier de plusieurs centaines de mètres d’épaisseur, à 2200m d’altitude. C’est notre cinquième campement.
Veille de Noël
Mercredi 24 décembre, 4h du matin. Nous partons peu avant le lever de soleil afin de profiter du regel lors de la traversée du Grand Plateau, que nous traversons plein sud direction Cinerama Col. La descente du Grand Plateau se fait usuellement par hélicoptère depuis la Plateau Hut. J’étais initialement assez enclin à décrier ces « tricheurs », mais j’ai très rapidement ravalé mon ego et compris pourquoi c’était loin d’être idiot.
De Cinerama Col une traversée dans des pentes raides et crevassées permet de prendre pied sur Boys Glacier, que nous suivons jusqu’à une moraine raide et instable. Comme nous nous sommes permis d’égarer le topo, nous n’avons qu’une vague idée de l’itinéraire. Après quelque traversées exposées dans les dalles laissées par le retrait du glacier nous atteignons la moraine permettant de descendre jusqu’au Tasman Glacier.
C’est traitre une moraine. J’ai appris à mes dépends que ça peut être bien plus long que cela en a l’air. C’est ainsi que nous nous retrouvons à glisser tant bien que mal pendant près d’une heure et demie dans un immense champ d’éboulis incliné à 35°, sans eau et sous un soleil de plomb. J’ai l’impression de faire du sur place. Lorsqu’enfin nous atteignons le Tasman Glacier nous nous jetons sur le premier mince filet d’eau que nous trouvons.
Fatigue sur la morraine
C’est là que nous fîmes la dernière erreur de notre expédition. Au lieu de remonter tout de suite la moraine rive droite du glacier pour trouver le Ball Shelter (abri) et le sentier menant au parking de retour, nous poursuivons sur la langue glaciaire. Après déjà 12h d’effort depuis le matin, la fatigue se fait sentir. La langue glaciaire est en fait une succession de creux et de bosses recouvertes d’un pierrier infâme, et les quatre heures que nous passons à la suivre me sont parues comme un cauchemar. Je crie, je peste, je râle. Je veux arriver, m’asseoir, dormir.
Doute ….
L’aventure m’est sortie de l’esprit et je me sens comme un enfant perdu qui voudrait rentrer chez lui. D’autant plus que le doute s’insinue peu à peu en moi : N’aurait-t-on pas du tout de suite remonter la moraine rive droite ? Nous n’avons à nouveau plus d’eau. Un mélange de gravier et de liquide coule vaguement le long de la moraine. Tant pis cela fera l’affaire. Puis c’est la consternation : nous sommes arrivés au bout de la langue glaciaire qui plonge droit dans le lac par des falaises de 20 m. Pas moyen de contourner, nous sommes coincés. A moins que nous ne remontions la moraine rive droite, une pente à 45° s’élevant sur près de 200 m de dénivelé, absolument instable et se terminant par une corniche de terre.
….. épuisé
Pas envie de faire demi-tour, nous attaquons donc cette pente abominable. Pas la peine de s’encorder, en cas de chute nous ne pourrions pas nous retenir. Sans surprise, cette pente est abominablement instable, et nous peinons à le remonter. Nous faisons des pauses sur les gros rochers qui nous semblent un peu moins enclins à dévaler la pente. Les cailloux chutent autour de nous mais semblent nous éviter, comme par miracle.
« Ça a l’air de sortir tout droit non ?
– Tu es fou c’est complètement instable !
– On fait quoi alors ?
– On traverse à gauche, on cherche un autre couloir !
Nous finissons par nous engager dans une sorte de couloir-cheminée dans le haut de la moraine. Cette zone à découvert depuis plus longtemps est plus compacte, quelque pas d’escalade nous permettent de nous approcher du haut. Encore quelque mètres à s’accrocher à ces pierres instables et soudain… De l’herbe.
Au coucher du soleil, ce 24 décembre 2014, après une journée de 17h d’efforts, c’est fini. L’émotion me submerge, et je réalise seulement ce que nous venons de vivre. Rien ne compte plus alors, on se félicite, on crie, on se serre dans nos bras, on pleure.
Quelle image retenir de ce voyage au bout de soi ? Peut-être celle de deux types improbables débarquant au bar de l’hôtel quatre étoiles, le soir de Noël, ni lavés ni changés depuis huit jours, assis devant une bière sans dire un mot, des étoiles dans les yeux ( du Mont Cook )et le sourire aux lèvres.
Conclusion sur notre grande traversée du Mont cook
La Nouvelle Zélande est un pays extraordinaire. La variété des paysages, de la solitude de la lande au grouillement de la forêt tropicale en fait un cadre exceptionnel pour partir à l’aventure. La beauté époustouflante des montagnes que l’on a parcourues et la découverte de ce coin de terre isolé qu’est l’île sud ont fait de ce voyage une aventure riche et complète. L’envie m’a pris de connaître mieux ce pays et d’y retourner à la première occasion. D’autant plus que la Mont Tasman me fait de l’œil !
Malheureusement en ce qui concerne l’alpinisme, il est difficile d’allier accessibilité et petit budget. En effet (et vous avez sans doute compris pourquoi), l’usage de l’hélicoptère est courant pour esquiver des approches souvent longues et chaotiques, et les itinéraires faciles sont rares sur les principaux sommets (AD+ pour la voie normale du Mont Cook). Cependant il existe énormément d’autres moyens de parcourir le pays, et de vivre une aventure : à pied, à vélo, en parachute ou même en road trip !
Matériel pour la traversée du Mont cook
Catégorie | Modèle | Marque | Pourquoi avoir fait ce choix au départ ? | Ce choix a-t-il répondu à mes attentes ? | Et si c’était à refaire ? |
Piolet | Matrix Light | Grivel | Cela me semblait un bon compromis Polyvalence/prix | Piolet très polyvalent, mais j’ai cassé la panne en creusant la glace pour la tente -> un peu fragile la lame ? | Piolet technique assez polyvalent (bien sûr peu adapté à une course en neige facile) peut être un peu lourd pour sa catégorie mais très satisfaisant sinon |
Crampons | Sarken automatiques | Petzl | Pour la polyvalence : pointes avant de type cascade | Totalement, rien à redire | L’excellence des crampons tout terrains ! |
Sac de couchage | Nightec 600 lite pro | Ferrino | Rapport chaleur/prix satisfaisant | Confort -4°C ce qui est suffisant en été en NZ | Peut-être pas le plus compact mais loin d’être encombrant, je n’ai eu froid que lorsque j’étais mouillé mais à cela le sac ne peut rien faire. |
Lunettes de soleil | ? | Adidas | Catégorie 4 avec verres de vue | Adapté à la vue donc top ! | Une chute de pierre a malheureusement causé le décès de cette paire… |
Sous-vêtements Techniques | Crew neck Cubic | ODLO | La réputation de la marque | Chaud et agréable à porter | Si c’était à refaire j’opterai à 100% pour des manche longues, bien plus efficace ! |
Baudrier | Adjama | Petzl | Rapport qualité/prix | Rien à redire ! | Fidèle à la marque depuis mes débuts en ce qui concerne les baudriers, un excellent choix ! |
Broches à glace | Laser speed | Petzl | La manivelle ! | Une bonne broche, manivelle indispensable ! | Cher par rapport au modèle de base pour l’ajout de la manivelle… Mais bon c’est partout pareil.. |
Casque | Elios | Petzl | Un casque simple et abordable | Ça protège la tête évidemment mais au bout de quelque jours d’affilé il devient inconfortable | Choisir un casque plus confortable quitte à le payer plus cher ! |
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