Yoann FOULON, Ambassadeur Trangoworld , nous partage son expérience de la Face sud de la Barre Noire dans le Massif des Écrins.
Informations pour préparer l’ascension de la Face sud de la Barre Noire
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Date
Terreur à la barre noire (26/06/12–28/06/12)
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Lieu
France/Haute Alpes/Pelvoux (05 340) Vallée du glacier noir : « face sud de la barre noire ». 4 heures de voiture depuis Montpellier.
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Participants à cette sortie alpinisme à la Face sud de la Barre Noire
Olivier & Foulon Yoann
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Course principale
La face sud de la barre noire : 3751m
Difficulté : TD – 6a max
Dénivelé de l’escalade : 650m
Engagement : IV
Qualité de l’équipement en place : P3 (peu équipé)
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Où dormir à Ailefroide
Pour passer plusieurs jours dans le massif : le camping d’Ailefroide est très pratique et bien agréable.
Pour dormir prés de la face : Bivouac à la Balme de François blanc au dessus du glacier noir (2H d’approche du pré de madame Carle, et à 1H de la face).
Refuge des Ecrins : côté glacier blanc (sur le chemin de la décente)
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Où se restaurer / Où s’approvisionner ?
Restaurants, et deux supérettes à Ailefroide, à noter un sympathique petit bar « le pas de la rose » ouvert toute l’année.
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Caractéristiques du Massif des Écrins
Possibilité de tout faire : bloc, couenne, grande voie, TA, randonnée, course en neige…
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Quoi d’autre dans le coin
La maison du parc à Valouise : intéressant pour apprendre sur la flore, la faune et la culture locale. En hiver la station de ski de Pelvoux offre un domaine freeride très intéressant.
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Bibliographie
Les voies en montagnes/grandes voies/Couennes : Jean Michel Cambon 2004
« Oisans Nouveau, Oisans sauvage, livre Est ».
Le bloc : Anthony Lamiche 2003, « Topo bloc Ailefroide ».
Course en neige : Sébastien Constant, 2009 « Ascensions en neige et mixte ».
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Lien internet
Camp To Camp
Pays des Ecrins
Ecrins-Parc National
Sortie alpinisme près de la barre des Ecrins : Terreur à la barre noire
En route vers le Glacier Noir
Le massif des Ecrins recèle de mille et un bijoux alpinistiques. Cette fois-ci, c’est du côté du glacier noir que nous décidons d’aller traîner nos chaussures. Cette vallée située dans la partie Est de l’Oisans, impressionne par la grandeur et la raideur des montagnes qui l’entourent. Si le glacier reste en grande partie discrètement caché sous une multitude de cailloux, les parois elles, se mettent bien en valeur. Leur grandeur attirent le regard et elles ont le pouvoir de nous hypnotiser durant des heures et des heures.
Deux mois avant j’étais venu dans le secteur avec Florian afin de réaliser quelques couloirs de neige
Alpinisme dans les Ecrins : le glacier noir des Hautes-Alpes
La face sud de la Barre des Ecrins avait attiré mon regard. Au vu de la raideur et de la difficulté de l’escalade qu’elle représente, Flo m’avait conseillé d’aller dans un premier temps grimper la face sud de la Barre noire située juste à côté (EST) de la Barre des Écrins.
Le projet bien défini dans un coin de ma tête, il ne restait plus qu’à trouver le temps et l’ami avec qui tenter l’aventure… Fin juin je disposais d’une semaine de vacances, tout comme Olivier qui souhaitait s’initier à la montagne… Nous partîmes donc tous les deux pour cette aventure.
Arrivée à Ailefroide
Une fois arrivés au camping d’Ailefroide le mardi en début d’après midi, la météo était maussade. Mais un passage au bureau des guides nous appris que la météo s’améliorait le lendemain pour un créneau de beau temps d’une semaine avec seulement quelques risques d’orages en fin d’après midi. Alors nous décidons ainsi d’attendre le lendemain pour partir. Nous en avons profité pour faire une grande voie au dessus du camping, « Là ou vie Merlin » (ED+).
Voie plutôt dalleuse en première partie, pour finir par un mur raide et athlétique, l’ambiance est garantie. Avec au loin le Glacier Blanc et le Pelvoux qui dominent, on se sent déjà en montagne. Mercredi au réveil le baromètre semble effectivement optimiste et nous pousse aux préparatifs de la course. Olivier part pour une location de crampons dans la zone commerciale d’Ailefroide et revient avec une paire toute neuve qu’il avait finalement achetée (ils sont bons ces vendeurs).
Le départ de la course
Le départ de la course se fait au pré de Madame Carle (le bout du bout de la route après Ailefroide et aussi le départ de nombreuses courses s’effectuant autour du Glacier Noir et du Glacier Blanc). Ainsi chargés comme des mules nous empruntons l’esthétique sentier menant au milieu du vallon du Glacier Noir. L’objectif du jour est de poser le camp à 2400m d’altitude. Presque en aval de la paroi convoitée, il s’agit du bivouac de la Balme de François Blanc. Ce coin est idéal pour passer la nuit. Il y a une vue incroyable sur les gigantesques faces nord du massif du Pelvoux. Des abris sous des rochers en cas de pluies, des points d’eau partout, protégé des chutes de pierres…
Au court de la journée le ciel change nettement, les étoiles scintillent lorsque nous nous glissons dans nos duvets. La nuit est courte, et le réveil à 3h quelque peu difficile. Un thé et du muesli nous aide à sortir du duvet et prendre conscience qu’une belle course nous attend.
Nous quittons le bivouac vers 4h et rejoignons le névé menant au pied de la paroi. Une heure de montée fut nécessaire pour nous retrouver au pied du mur. Nous arrivons en même temps que le jour, le timing est bon. J’aime ces marches d’approche nocturne, il y a quelque chose d’apaisant, le spectacle du lever du soleil offre des couleurs flamboyantes sur les montagnes, cela donne de l’énergie pour la journée entière.
La voie commence
Un petit coup de thé chaud et en avant pour la longue ascension. Je ressens une légère tension quand je réalise que pour cette course je devrais grimper en tête du bas en haut (Olivier n’ayant aucune expérience en montagne ne se sentait pas d’évoluer en tête dans ce terrain).La voie commence sur une sorte de proue dalleuse où l’escalade peu difficile permet une grimpe rapide. La seule difficulté réside dans la recherche de l’itinéraire. A chaque fois c’est pareil : on ne se rend compte de l’immensité des parois qu’une fois dedans.
Dans la première partie l’escalade se déroule bien (on alterne progression en corde tendue et tirage de longueur), jusqu’à ce qu’on arrive dans une zone plus raide. En suivant les passages les plus faciles, nous arrivons dans une goulotte remplie de neige et de glace, il faut que je sorte le piolet. Je fais un relais dans la neige pour faire venir Olivier et nous avons deux possibilités : soit passer dans une goulotte gelée sur la gauche obligeant à sortir les crampons, soit par un léger surplomb humide mais qui semblait protégeable.
Je prends l’option rocher, après quelques acrobaties et encouragements d’Olivier je réussis à sortir de cette difficulté. A partir de là le rocher redevient sec et un relais m’indique que nous sommes dans la bonne direction. Olivier me rejoins et je lui dis : « Pff, j’espère qu’il n’y aura plus de neige et de glace dans la suite ».
La suite offre une escalade dans un très beau rocher, un dièdre nous ramène sur la proue de la paroi nous offrant ainsi les premiers rayons de soleil.
Avancée par le Col des Avalanches et météo changeante
Quelques nuages commencent à faire leur apparition en passant par le Col des Avalanches. Je me rappelle de la météo : « orage en fin de journée », mais cela ne m’inquiète pas trop car le topo indiquait 6H pour la voie et étant partis à 5h on serait au sommet vers 11h, 12h au plus tard.
Jusque là nous sommes dans les temps. La suite de la face est beaucoup plus humide, quelques plaques de neiges offrent à la paroi une bien belle hydratation. Tant que le rocher est sculpté de prises, cela ne pose pas de problèmes, mais lorsqu’il faut traverser des dalles on perd du temps. L’escalade toutefois plus longue, reste majoritairement agréable.
A 13H de l’après midi nous sortons sur une grande vire diagonale de laquelle nous pouvons observer la suite de la paroi, là nous constatons qu’il nous reste un peu moins de deux cents mètres avant le sommet. En voyant les nuages qui se font de plus en plus nombreux au dessus de nos têtes je sens une petite angoisse m’envahir. Olivier reste assez serein et motivé, cela m’aide vraiment à rester zen et à croire en la réussite de l’ascension.
Au fils de l’après midi des nappes de brouillard nous ont enveloppé, il est parfois impossible de distinguer Olivier à l’assurage, la corde semble se perde dans le ciel. La sensation de solitude est assez présente, et comme si l’austérité n’est pas assez forte, du grésil commence à nous tomber dessus. Olivier avance bien en second, et cela me permet au moins de ne pas trop me refroidir, mais lui se plain de plus en plus d’avoir les mains gelés.
Une ambiance particulière sur les lieux
Malgré l’ambiance rude qui règne, on ressent une certaine magie à être sur cette montagne. Le brouillard donne une autre dimension d’autant plus qu’il file à mille à l’heure. Par moment des troués permettent de voir le paysage et laisse entrevoir l’arrêt Est de la barre des Ecrins. Nous devons plus être très loin du sommet.
Des bruits sourds résonnent dans le ciel, les premiers coups de tonnerres se font entendre. La fatigue commence à se faire ressentir et nous commençons à attendre le sommet avec impatience. Il est 18h lorsque nous arrivons sur l’arrête sommitale. Olivier râle un peu dans sa barbe, je distingue quelques phrases « j’entends des bruits glauques, des bruits bizarres… » « Des bruits glauques »je me suis dis qu’il commençait à divaguer. Certes j’entendais des bruits de tonnerres au loin mais rien d’étrange…
C’est avec soulagement que j’arrive au sommet et que je repère le rappel de descente pour rejoindre les pentes nord de la barre des écrins. Je fais venir Olivier au sommet et il continue à me dire qu’il entend des bruits bizarres. Lorsqu’il s’approche un peu plus de moi je comprends se qui veut dire et j’entends également des grésillements (comme un vol d’abeille), et là c’est le déclic dans ma tête : « Olivier ! C’est l’électricité statique dans l’air, c’est ton piolet qui est accroché à ton sac qui attire la foudre, vite enlève ton sac et le piolet ! ».
La panique s’installe dans un moment risqué
Je crois qu’on est entré tout les deux en paniques, lui était emmêlé dans ces cordelettes et avait du mal à enlever son sac, qu’en à moi j’essayais tant bien que mal d’installer les rappels pour descendre le plus vite possible de cet enfer. Le grésillement se fait de plus en plus présent. Des arcs électriques bleu apparaissent sur le rocher ou est installé le rappel, la corde fume.
Je pensais qu’on allait se prendre la foudre d’un moment à l’autre.
Le rappel est installé, Olivier a réussit à enlever son piolet du sac et l’a enterré dans la neige. Mais le ciel gronde de plus en plus et les grésillements ne diminuent pas. Avant de descendre le premier rappel je ressens une détonation électrique sur mon flanc gauche (maintenant j’imagine que c’était de l’électricité statique mais sur le coup je pensais que c’était la foudre qui m’avait frappé).
Le premier rappel passé, les crépitements électrique se calme, le tonnerre frappe un grand coup sur la Barre des écrins, nous sursautons. Olivier ne se sent pas bien du tout et est complètement gelé.
Lorsque nous arrivons sur le glacier nous buvons une tasse de thé encore bien chaud. Nous arrivons ainsi à nous réchauffer et à nous calmer, nous ne sommes pas encore en totale sécurité. Il reste à descendre dans le brouillard les pentes de neige de la face nord de la Barre des écrins.
La neige est toute molle en cette fin de journée et il n’est pas rare de s’enfoncer jusqu’aux cuisses. Avec un encordement très long nous prenons la direction de la descente. J’essai de me souvenir du mieux possible de la topologie de ce versant pour contourner les séracs et crevasses.
Descente en rappel de la barre des Ecrins et retour au bivouac
Je me sens rassurer lorsque j’aperçois les traces de la monté normale du Dôme de neige des écrins. Plus nous descendons plus le brouillard se dissipe.
L’arrivée sur la partie plus plate du glacier blanc me rassure. Je me dis donc que nous sommes enfin en sécurité. Mais le bivouac est encore de l’autre côté de la montagne, il faudrait quasiment redescendre au pré de madame Carle pour remonter ensuite dans la vallée du glacier noire.
Dans notre état de fatigue pour ne pas dire d’épuisement, cela n’est que difficilement envisageable (ou très dangereux). Je propose donc à Olivier de passer la nuit au refuge des écrins. Nous sommes très bien accueilli, les gardiens du refuge nous ont vu arrivé quasi en rampant sur le glacier et sont donc venu à notre rencontre. Il nous ont aidé à porter nos sacs jusqu’au refuge ou nous avons eu droit à une bonne soupe chaude et une bonne nuit de sommeil.
Conclusion sur notre sortie d’alpinisme à la Face sud de la Barre Noire
Je crois pouvoir tirer plusieurs leçons de cette course : ma première erreur fut de partir dans une course assez conséquente avec une personne totalement débutante dans ce milieu. La deuxième a été de partir dans une course engagé avec un risque d’orage en fin d’après midi. J’espère ne plus jamais avoir à vivre une telle expérience.
Cette aventure restera à jamais inoubliable. La course en elle-même est vraiment intéressante. Elle donne la sensation de survoler le bassin du Glacier noir tout d’abord puis celui du Glacier blanc.
Le rocher quant à lui est loin d’être irréprochable et demande la plus grande vigilance lors de la progression.
Matériel utilisé pour cette sortie alpinisme à la Face sud de la Barre Noire
CATÉGORIE | NOM DU MODÈLE | MARQUE | POURQUOI AVOIR FAIT LE CHOIX DE CE MODÈLE AU DÉPART | EST CE QUE CE CHOIX A RÉPONDU À CETTE EXPÉRIENCE RACONTÉ DANS CE ROADBOOK | SI C’ÉTAIT À REFAIRE |
DOUDOUNE | M Vega Jkt | MOUNTAIN EQUIPMENT | Très bon compromis entre légèreté, compacité et chaleur | Oui | Je la reprends mais j’ajouterai dans le sac une veste imperméable |
DUVET | 8OO fill down | MOUNTAIN HARD WEAR | Chaud et léger | Oui | A refaire sans hésitation |
PIOLET | Snow walker | PETZL | Piolet assez long pour faire une canne | Finalement trop long, encombrant et joue le paratonnerre | Je prendrais un piolet plus court: l’Air tech de Grivel |
CRAMPONS | Lynx | PETZL | Tehnique et précis pour les parties en neiges raide, glace ou dry | Pas besoins d’autant de technicité pour une telle course. | Je prendrais plutôt une paire plus légére: les Ivris de PETZL |
HARNAIS | Ophir | MAMMUT | Réglage simple et renfort du pontet | Oui | A refaire |
CORDE | Cobra II | BÉAL | Corde fluide et légère | Oui | A refaire |
COINCEURS | Flit flex | KONG | Bon rapport qualité prix | Oui, suffisant pour ce type d’escalade, pour des voies typé plus sportive je favoriserai plutôt les Camalots de Black diamond | A refaire |