Alexis RIGHETTI, Ambassadeur BRUBECK et GT, nous partage sa réflexion sur la sécurité en montagne.
Les 15 grands principes de sécurité en montagne
On lit trop souvent des articles traitant de la sécurité en montagne sous l’angle exclusif de l’équipement ou de considérations techniques : cette veste en titane renforcé laissant passer la transpiration vous protégera des morsures de bouquetins… Cette balise conçue par une start-up après un crowdfunding ayant totalisé 300 k€ de recettes appelle automatiquement les secours et vous servira un café le temps de l’attente… Etant donné qu’il a fait +8°C après un vent de sud-sud-est et du fait de l’apparition de gobelets à 12 cm de profondeur, la couche supérieure sera instable à partir du moment où elle glissera…
En mathématique, on apprend à raisonner dans les extrêmes pour en déduire un résultat global. Appliquons ceci à la sécurité en montagne : si vous ne partez pas en montagne, vous ne mourrez pas en montagne. On en déduit un corollaire simple : le problème, c’est vous. La montagne n’est pas dangereuse intrinsèquement. Mais ce que vous y ferez, si.
« Le problème, c’est vous »
Ce que je vais énoncer, ce sont simplement des principes de bon sens. Ils n’ont pas pour vocation à détailler telle ou telle manœuvre de sécurité. Quantité de manuels font ça bien mieux que je ne pourrais (saurais) le faire. Néanmoins, on trouve peu de développements sur la psychologie et les aspects comportementaux. Beaucoup de montagnards appliquent intuitivement ce que je vais détailler. Mais la plupart n’en sont même pas conscients. Je vais donc juste essayer de mettre des mots sur tout ça.
A la base, je pratique un sport qu’on appelle « de freeride ». Donc mes développements sont axés dans ce sens, autour de ma pratique VTT. Mais tout ce que je dis est transposable pour l’essentiel des activités outdoor.
Commençons par la question mère, celle qui engendre toutes les autres :
Que se passe-t-il si je me blesse ?
La gestion de la sécurité en montagne ça n’est rien d’autre que se poser cette question. Vous allez me dire qu’on peut aussi réfléchir à comment ne pas se blesser… Mais ça revient à se demander comment ne pas avoir d’accident, ce qui est stupide, vous en conviendrez, puisque les caractéristiques d’un accident incluent le fait qu’il soit non intentionnel et non prévu.
Donc que se passe-t-il si je me blesse en haute montagne ?
Cela m’amène au premier principe :
1) Ne jamais miser sur les secours en montagne
Si vous partez vraiment dans la montagne sauvage, en général le téléphone ne passe pas. Tout simplement. Quand je vois passer des vttistes ou des trailers au-dessus de 2000 m habillés comme pour un footing sans sac à dos, ça signifie qu’ils misent tout sur l’hélico. Quelle erreur !
Mais le plus simple est de prendre un exemple : tu te trouves à 3 heures du parking, au printemps, à 2500 m, avec un ami. Tu ne crains rien : vous êtes deux, il fait beau, quand vous êtes partis il faisait 10°C à la voiture. Que se passe-t-il si tu te blesses ? Admettons que tu te casses une cheville. En soi c’est une blessure bénigne… Mais tu te retrouves immobilisé et le téléphone ne passe pas. Ton ami doit donc descendre chercher les secours. Admettons qu’il est 17 h. Le temps qu’il descende, qu’il appelle, réussisse à donner les bonnes infos etc… la nuit est tombée. Tu peux oublier l’hélico !
Tu vas devoir passer une nuit en montagne. Ce n’est pas grave, il faisait chaud. Sauf qu’on perd en moyenne 1°C par 100 m. S’il faisait 10° à la voiture, 1000 m plus haut il fait donc… zéro ! La nuit arrive, tu tombes à -6 ou -7°C. Ajoutons un petit vent de 15 km/h par-dessus. Si l’on se réfère aux abaques officiels « windchill« , ça correspond à peu près du -12°C. Et soyons clairs : une nuit entière à -12°C, sans équipement adéquat, tu meures !
Peut on tout anticiper?
Certes, il convient de tempérer un petit peu (sans jeu de mot). Les secours de nuit existent, un hélico peut décoller par beau temps. Mais quid si la météo s’est dégradée ? Une équipe de secouristes peut monter à pied. Et si tu étais tout seul à la base ? Ou même, quid d’une blessure pas forcément grave mais nécessitant une prise en charge rapide, par exemple une hémorragie ou une lésion nerveuse ?
Bref, tout miser sur une intervention rapide et efficace des secours constitue une approche au mieux, stupide, au pire, suicidaire. Ou l’inverse.
Ce que je viens de faire précédemment, on appelle ça une « analyse de risques » en langage ingénieur. Il faut se poser cette question en permanence : que se passe-t-il si je me blesse ? Pas pour se faire peur, mais de manière détachée, objective, de telle sorte à prendre les bonnes décisions. Il faut se la poser avant de partir, pendant la préparation de l’itinéraire et du matériel, pendant la sortie pour intégrer les nouveaux risques qu’on perçoit et se la poser enfin une fois de retour pour en tirer les conclusions.
2) Emporter le matériel adéquat
Attention, « matériel adéquat » ne signifie pas toute la panoplie des fans de survie ! Dans les manuels de survie, le Couteau par exemple, est la base de tout. Tu as l’impression que si tu casses ton couteau, tu vas mourir en 10 minutes. Et bien en montagne, en réalité un couteau ne sert à rien ! A part couper le saucisson, cet outil ne va pas augmenter tes chances de t’en tirer. Parce qu’il ne s’agit pas de survivre. Il s’agit de descendre, ou au pire d’attendre en luttant contre le froid. Quoi qu’il en soit, tu n’auras pas le temps de chasser le bouquetin à l’Opinel ou de construire une cabane.
Le matériel adéquat minimal c’est donc :
· Une trousse médicale de base comprenant des antidouleurs, de quoi stopper une hémorragie et de la crème solaire
· Des vêtements pour lutter contre le froid et une couverture de survie (je prends systématiquement une doudoune et une veste de montagne, même en plein été par 30°C)
· De l’eau et de la nourriture (et du Micropur® pour l’eau, mais on va y revenir)
· Un téléphone dont vous allez économiser les batteries. Ce serait dommage de s’en priver s’il capte.
· Une carte et une boussole (la boussole est utile très rarement en vérité, sauf en forêt dense ou par temps de brouillard. Néanmoins, quand on en a besoin, c’est un outil précieux).
3) Préparer son itinéraire
Et j’ajouterais : laisser l’info à une tierce personne (le mur Facebook n’étant pas une tierce personne fiable). Pour des sorties particulièrement dangereuses, on peut même laisser des consignes strictes, du genre : « si je n’ai pas donné de nouvelles à telle heure, envoie les secours à tel endroit. » Mais pas d’abus non plus sur le déclenchement des secours ! Car un hélico qui décolle vous chercher alors que vous ne courrez pas de risque immédiat, c’est un hélico qui n’ira pas sauver quelqu’un d’autre potentiellement en danger de mort. Certes, des hélicos peuvent être re-routés fonction de la gravité des situations, mais au final, ils existent néanmoins en nombre limité. Et cela s’applique aussi quand on appelle le 15, les pompiers, ou quand on va aux urgences.
Le but de préparer l’itinéraire est évidemment de ne pas se retrouver coincé dans un terrain dangereux et de faire une sortie adaptée à son niveau (adaptée sur la longueur comme sur la technique). Pour ça, il faut savoir utiliser une carte et éventuellement (je dis bien éventuellement) les nouveaux outils numériques et toutes les applis afférentes. Néanmoins, ne misez pas tout sur le GPS. Car quand on suit un itinéraire GPS, on ne se pose plus aucune question. Et se poser des questions, c’est la base de la gestion du risque donc de la sécurité en montagne. Sans compter qu’une carte ne tombe pas en panne de batterie.
4) Monter par là où on descend
C’est un principe à appliquer surtout quand on fait du freeride, tant en VTT qu’en ski. Ça permet de valider le terrain, de repérer les dangers cachés (par ex de la glace cachée sous la couche de neige pour un couloir de ski) et surtout, d’éviter de s’embarrer.
L’idéal est même de faire une reconnaissance à pied avant, en mode « rando légère ». Pour les itinéraires exposés et complexes, je fais systématiquement une telle reco à pied. Par exemple pour le Pic d’Aret, ce fut une reco de 1700 m de dénivelée et de plus de 7 heures de marche ! Oui, une vraie grosse randonnée en fait…
Maintenant, je fais également parfois des reco… en drone ! Ça m’a même permis une fois de me « désembarrer » alors que j’étais coincé au-dessus d’une longue falaise calcaire (je descendais sans être monté par ce versant et je ne disposais que d’une mauvaise carte espagnole en basse résolution). Le drone m’a alors permis de trouver le couloir qui permettait de passer la barre, un kilomètre sur ma droite.
5) Adopter une attitude interrogative
Une fois sur le terrain, les conditions sont rarement telles qu’on les a imaginées. Il faut savoir tout intégrer froidement.
Quand on parle de changements, il ne faut pas oublier que la réaction première de l’esprit humain par rapport à tout changement brutal, c’est le déni. En psychologie, on appelle ça la « courbe du deuil ». C’est une succession d’états psychiques (déni, colère ou peur, tristesse, acceptation) qui s’applique lorsque survient un événement grave, comme un deuil, mais aussi pour n’importe quelle contrariété quotidienne. Sauf que ça se passe plus vite dans ce cas-là. Prenez un exemple simple : vous perdez votre portefeuille.
D’abord vous allez vous dire « non, il n’est pas perdu ». Vous allez le chercher, et vous allez alors vous énerver. Puis les démarches administratives à faire vont vous démotiver, vous allez être abattu… Et enfin vous allez finir par accepter la situation et faire tranquillement ce qu’il faut. Certaines personnes vont parcourir cette courbe très rapidement, en une fraction de secondes. D’autres en bien plus longtemps. Certaines enfin, dans le cas d’événements très graves, peuvent rester coincées à une étape jusqu’à la fin de leur vie ! Mais en général, c’est peu probable pour le portefeuille.
« La première réaction à tout évènement brutal : le déni »
Dans tout ça, ce qui est important, c’est d’avoir conscience que la première réaction est forcément le déni. C’est important en cas d’accident, car même si vous vos blessez gravement, vous allez vous relever en vous disant « c’est rien ! ». Et ça peut conduire à un sur-accident qui ferait empirer la situation. Ce schéma mental est valable pour tout : si la météo change, vous allez commencer par nier cet état de fait et vous dire que ce n’est pas si grave. Si votre coéquipière vous met un vent (cf l’abaque windchill) quand vous la draguez, vous allez penser qu’elle est timide…
6) Toujours considérer qu’on va dormir une nuit en haut
Passer une nuit non prévue en montagne peut vite arriver. On a déjà parlé des blessures, mais on peut aussi simplement se perdre, ou encore subir un aléa météo comme du brouillard… Et une nuit en montagne peut vite être fatale. Du coup, je considère toujours que je dois pouvoir passer une nuit en haut. Cela ne signifie pas que j’emporte du matériel de bivouac à chaque fois. Simplement, la température de référence que je prends pour les vêtements à emporter n’est pas celle de la journée mais celle de la nuit, souvent bien plus fraîche, surtout en mi-saison. De même, il faut intégrer de la marge en barres énergétiques et en eau.
Le mieux est néanmoins de faire un bivouac volontaire !
7) Etre prêt à abandonner son équipement
Quand on se retrouve pris dans une situation difficile on a souvent de mauvais réflexes. Je l’ai dit, la première réaction de l’esprit humain, c’est le déni. Donc on a tendance à sous-estimer la gravité d’une situation. Ce qui peut notamment nous mettre dedans, c’est de vouloir sauver à tout prix son équipement. Par exemple si vous êtes blessé, vous allez chercher à descendre aussi votre vélo ou votre lourd sac à dos, vous mettant encore plus en danger. Alors que tout ce dont vous avez besoin, c’est vos vêtements, votre téléphone, la trousse de médocs, de l’eau et de la nourriture. Tout le reste, vous pouvez l’abandonner.
Avant de partir en montagne, il faut donc que vous soyez psychologiquement prêt à sacrifier votre vélo neuf à 6000 €, votre appareil photo à 2000 € ou éventuellement votre amour propre ! Cet effort psychologique doit être fait avant, pas une fois que vous êtes au pied du mur.
8) Toujours avoir des réserves d’eau potable
Je vais vous épargner le truisme (non, ce n’est pas une insulte) : « l’eau, c’est vital ». Mais c’est encore plus vrai en montagne car l’altitude accélère la déshydratation. Si vous tombez à court d’eau en altitude et que vous êtes en plein effort, vous pouvez vous retrouver à l’agonie en quelques heures à peine.
D’autant plus que la montagne est trompeuse : on a en général l’impression qu’il y a de l’eau partout mais non seulement des fois il n’y en a absolument pas (c’est le cas des plateaux calcaires comme le Vercors) mais en plus quand on en voit elle est parfois inaccessible, séparées de vous par une falaise ou coulant dans un canyon. Et même de l’eau qui semble parfaitement disponible peut ne pas l’être. La neige par exemple : il est quasi impossible de s’hydrater en ingérant directement des poignées de neige. Il faut un réchaud et du gaz pour en produire des quantités suffisante sans se créer d’autres problèmes par ailleurs. Donc il faut des réserves. Et il faut les faire à l’avance, pas une fois que votre gourde est vide.
« vous avez bu dans cette gourde ? »
Enfin, quand vous accédez à un beau petit torrent et que vous remplissez la gourde, attention ! Vous risquez de tomber malades comme des chiens à cause de la présence de bestiaux. Et même si vous êtes au-dessus de l’altitude des troupeaux, la présence d’animaux sauvages suffit. Ou ça peut être un oiseau mort plus haut que vous ne voyez pas… Bref, en cas d’intoxication, vous vous tordez les boyaux en moins de 3 ou 4 heures. Et ça peut être très violent. Je me souviens encore de la tête de notre guide au Maroc : « vous avez bu dans cette gourde ?… »
C’est pour ça que lorsque vous n’êtes pas certains que c’est une vraie source qui sort de la roche (c’est-à-dire quasiment tout le temps), il faut désinfecter l’eau avec des pastilles de chlore, en général du Micropur®. Certes, ça donne mauvais gout, on a l’impression de boire la tasse à la piscine, mais depuis que je désinfecte systématiquement l’eau, je n’ai jamais été malade. Et quand on a soif, même l’eau d’une piscine, c’est délicieux.
9) Suivre son instinct
L’instinct dérive de l’intuition. Et l’intuition, ça n’est pas un truc magique sorti de nulle part comme les voix de Jeanne d’Arc. Au contraire, c’est quelque chose de bien réel : c’est l’addition de signaux imperceptibles et de ton expérience.
Ton corps perçoit une infinité de choses que tu n’analyses pas de façon consciente : variations de température, d’humidité, de luminosité, couleurs, vibrations, mouvements d’air… Ton cerveau recoupe ces stimulis, établit des corrélations et te présente ses conclusions sans que tu comprennes d’où ça vient : d’un coup, tu as un pressentiment de danger, ou bien la volonté de faire quelque chose qui te semble illogique sur le moment. Il faut en tenir compte. Il faut apprendre à l’écouter. Et a minima, se poser systématiquement la question « pourquoi ? ». Pourquoi ai-je peur à cet instant ? Comprendre pourquoi ai-je envie de changer d’itinéraire de descente ? Pourquoi ai-je envie de changer de coéquipier ?…
10) Prendre en compte la météo
Analyser la météo, c’est essentiel en montagne. Elle est vecteur de nombreux dangers. D’abord les dangers directs évidents : orages, brouillard, froid, vent… A ce propos, il faut avoir conscience que froid et vent sont complètement liés. Il existe l’abaque windchill qui donne la température ressentie fonction de ces 2 facteurs. Et la température ressentie n’est pas une vue de l’esprit ! Ça n’est pas une température « psychologique ». Vos calories partent vraiment plus vite en présence de vent.
Mais il y a aussi les dangers indirects. Car la météo ne concerne pas que le ciel. Par exemple, la météo influe énormément sur la neige, le risque d’avalanche et de votre sécurité en montagne. Le soleil peut donc aussi devenir un danger. Mais je ne m’étendrai pas sur la nivologie car il y a matière à en faire un article entier.
La pluie est également un danger indirect qui peut être redoutable : elle rend glissante la roche et peut rendre impraticable un passage exposé que vous avez pourtant franchi sans problème à la montée. Elle rend aussi très dangereuses les pentes herbeuses raides.
Evidemment, il faut consulter la météo avant de partir, mais aussi être vigilant quant aux changements en cours de sortie. Personnellement, j’utilise Météoblue, un site gratuit très fiable qui en plus donne une donnée très précieuse : l’altitude des nuages. Cela permet ainsi de programmer une sortie au-dessus d’une mer de nuages, avec une petite pensée pour ceux qui sont restés au fond de la vallée en se contentant de regarder le ciel le matin.
11) Ne pas partir avec n’importe qui… ni trop nombreux
En montagne, votre principal atout sécurité, c’est votre coéquipier. C’est avec lui que vous discutez des décisions à prendre, c’est lui qui s’occupera de vous en cas de blessure, c’est lui qui peut aller chercher les secours si le téléphone ne passe pas… Donc il faut bien le choisir ce coéquipier : il doit avoir le même niveau et les mêmes connaissances que vous et surtout, il doit être fiable ! Si vous partez avec quelqu’un de plus faible, il faut avoir conscience que vous devenez un guide et donc que vous doublez votre responsabilité.
Pire, si vous partez avec la mauvaise personne, elle peut directement vous mettre en danger. Il faut particulièrement faire attention aux gens qui se surestiment tout en sous estimant la montagne. C’est la meilleure combinaison pour se retrouver dans une situation catastrophique.
« En montagne, le bon nombre, c’est 2 »
Concernant le nombre de personnes dans le groupe… je suis assez radical ! J’ai pour habitude de dire que le bon nombre en montagne, c’est deux. Parce qu’à deux, on fait les choses ensemble. Dès qu’on passe à trois ou plus, il y a un premier et un dernier, un leader émerge et une relation de compétition s’instaure. Même si vous êtes les meilleurs amis du monde, on n’y peut rien, c’est comme ça, c’est humain. Il existe des cas extrêmes, par exemple quand on est un groupe de célibataires avec une fille au milieu : bonjour la logique des décisions en montagne !
On peut aussi partir tout seul. C’est une expérience particulière et je dois l’avouer, assez puissante, de se retrouver seul en montagne. Mais dans ce cas, il faut partir en toute connaissance de cause. Car vous l’avez compris, vos chances de survie en cas d’accident, même bénin, se réduisent drastiquement. Une petite blessure peut alors vous tuer, c’est aussi simple que ça.
12) Savoir renoncer
Quand on réalise de grandes ascensions, on met beaucoup de choses dans la balance : on s’est préparé, on a attendu la fenêtre météo, on a fait de longs trajets en voiture, voire on a pris l’avion et changé de continent, on a acheté du matos, on a mis notre motivation à l’épreuve, on a enduré beaucoup pour en arriver là… C’est dur d’abandonner, surtout quand on est prêt du but. La majorité des accidents en montagne se produisent à la descente, parce qu’une équipe n’a pas su arrêter et a poursuivi coûte que coute.
Il faut avoir une grosse force mentale pour abandonner. Paradoxalement elle doit être plus grosse que la force mentale nécessaire pour réussir. Mais comme dit l’adage : mieux vaut regretter une course qu’on n’a pas faite qu’une course qu’on a faite.
13) Toujours rider 20% sous ses capacités
Beaucoup de riders expliquent que pour progresser, il faut se mettre en difficulté, voire tomber. Combien de fois j’ai entendu « si tu tombes pas, c’est que tu progresses pas ! » Il n’y a rien de plus stupide. Déjà, de façon très pragmatique, si tu tombes, tu vas te faire peur et tu vas cesser de progresser. Mais surtout, il faut se demander : qu’est-ce qui est important ? Prendre du plaisir ? ou pouvoir dire qu’on passe du T5 ou qu’on envoie un saut de 4 m ?
La prudence n’empêche pas la progression. Ma règle, c’est de toujours rider au moins 20% en dessous de ce que je pourrais faire, que ce soit en termes de difficulté technique ou de vitesse. Si je ne suis pas sûr de franchir une section, pas absolument sûr, je ne le fais pas. Après, cette certitude n’est pas forcément immédiate. Parfois, je vais parcourir plusieurs fois la section à pied, positionner le vélo dedans, prendre du temps pour me concentrer… Et quand je suis sûr, je me lance ! Mais jamais j’y vais en me disant « on verra bien ce que ça va donner ! »
Ce qui est sûr, c’est que si on ne se blesse pas pendant des années, on progressera constamment et on prendra de l’assurance sur laquelle on construira. Cercle vertueux. En revanche, je ne connais pas de cercle vertueux incluant de grosses vautres.
14) Ecouter sa peur
Ce principe est très simple, et pourtant on n’en parle jamais. Il n’y a aucune honte à avoir peur ! La peur, c’est une fonction biologique qui sert à éviter de se mettre en danger. C’est une alliée. Donc en général, quand le cerveau envoie ce message, c’est qu’il a une bonne raison de le faire. Certes pas pour celui qui a une peur panique des Fiat Multiplat. Mais en général, ça a une utilité.
Sans compter que quand on a peur, on est moins efficace, nos gestes sont moins francs et c’est là qu’on faire des erreurs. C’est d’autant plus vrai pour le vélo : le fait d’avoir peur fait tomber, et tu te dis ensuite que tu as eu raison d’avoir peur. Ce qu’on appelle une prophétie auto-réalisatrice. Mais c’est vrai pour tous les sports : en escalade quand tu as peur tu te colles au rocher et tu te flingues les bras… En ski tu as les jambes molles et tu fais une erreur de carres…
Pour ma part, si j’ai peur, je mets mon amour-propre de côté et je passe à pied. C’est la notion du « absolument sûr » dont je parle avant, qu’on pondère avec ses émotions. Parce qu’on peut se savoir capable de passer une section tout en ayant peur quand même. Et dans ce cas, il ne faut pas le tenter.
15) Ne pas se filmer !
Je sais que ce point peut sembler paradoxal de la part de quelqu’un qui produit des vidéos de VTT engagé en haute montagne… Je ne veux pas dire qu’il ne faut rien essayer de filmer, ce serait hypocrite de ma part. Mais pour être plus précis, je dirais qu’il ne faut rien faire pour la caméra. Ou pour une fille, ce qui est un peu la même chose.
La Gopro incite clairement à prendre des risques. Si tu es sur une belle pente tout seul, tu vas automatiquement prendre la ligne la plus facile. En revanche, si tu as une caméra qui tourne, tu vas directement choisir une ligne qui va te mettre à la limite de ce que tu sais faire et ne plus respecter les règles de sécurité en montagne. Idem pour la vitesse. Bref, une Gopro, une caméra ou un appareil photo constitue un réel danger. Comme la fille.
Si vous voulez filmer donc, il faut être conscient de cela. La question que tu dois te poser c’est : sans caméra, est-ce que je le ferais ? Si la réponse est clairement non, alors tu sais ce qu’il reste à faire.
Cela rejoint le message final que je souhaite faire passer : avant tout, il faut faire les choses pour soi ! Il faut partir en montagne pour soi. Ne jamais griller les étapes, faire des sorties à son niveau et se laisser porter par ses envies tout en se laissant brider par ses limites.
Je n’ai plus qu’à vous souhaiter de belles sorties en montagne !
2 commentaires
Salut à l’équipe
J’arrive au VTT « atomique » par défaut et obligation.
Je me suis fait amputer d’un pied, fauché par une voiture alors que j’étais en moto.
Et c’est en cherchant des itinéraires dans la forêt du Risoux dans le Jura que je » tombe » sur l’ensemble de vidéos de ski freeride et VTT..
C’est par le paragraphe 5 « la courbe du deuil » que je viens de cibler mon propre problème.
J’arrive à la date « anniversaire » du 20 aout .
Je ne marche pas ou très peu tous mes projets sont en berne où dans l’attente, et je ne vois pas le bout du tunnel.
Pour que vous compreniez il faut que vous sachiez que j’ai été pisteur mon fils est entraineur de ski et que mon sport ,ma retraite j’ai 67ans.tournait autour du ski des voyages et des photos.
Quand je vois vos vidéos, de ski de VTT je me sens totalement en harmonie.Peu de personne sans doute se rende bien compte de ce que vous faites.L’engagement nécessaire.
Réaliser des vidéos ajoutent à la difficulté de la rando elle même.
Mais quel bonheur de pouvoir partager je n’ai pas peur de l’écrire votre passion et vos réalisation.
Ma tête voyage je me sens moins immobile.
Et si par moment je me pose la question de savoir si je vais y arriver à me sortir de cette panade , votre authenticité m’en enlève le doute.
Pour l’instant mon aide « atomique » me permet quelques sorties que je choisis pas trop chaotiques.
Votre aide n’est pas aussi statique qu’on pourrait le penser..
Je l’inhale à plein poumons, avec dans ce moment précis la certitude que je vais y arriver.
Merci pour ces moments partagés.
Alors continuez à vous faire plaisir et me faire rêver.
Salut.
Bonjour
Merci beaucoup pour ce commentaire à la fois lucide et plein d’humanité. Si je peux refaire vivre l’étincelle, le frisson de l’engagement en montagne à des personnes comme vous, ça donne un sens incroyable à mon travail de videaste (et un peu de sportif). Je vous comprends bien puisque je suis blessé assez gravement depuis plusieurs mois, même si c’est à un degré bien moindre que vous… Mais même avec un pied en moins, si la volonté suit, on est capable de choses incroyables. Aron Ralston a repris l’alpinisme après avoir perdu son bras… Je suis heureux si je peux vous redonner une petite part de cette volonté à travers mes films. Courage !