Tour de l’Ubaye par le GR 56 et variantes

par Julien DEFOIS
tour de l'Ubaye à pieds

Julien Defois partage son récit du tour de l’Ubaye à pied par le GR 56 et des variantes maison.

Informations pratiques pour préparer le tour de l’Ubaye

Dates :

17 au 21 août 2023

Lieu :

Alpes de Haute Provence, vallée de la Bléone, du Laverq, de l’Ubaye et de la Blanche

Comment s’y rendre

Le tour de l’Ubaye est, comme son nom l’indique, une boucle. Il croise souvent des routes, qui constituent autant de points de départ potentiels.

Si vous avez une voiture, vous n’aurez aucune difficulté à vous rendre à un point de départ. Ceci étant, vous arriverez comme la plupart des gens depuis le lac de Serre ponçon en vous dirigeant vers la vallée de l’Ubaye. Vous pourrez donc partir du même endroit que ceux qui arrivent en transport en commun : Méolans-Revel. Il s’agit en effet du premier village de la vallée traversé par le GR 56.

Pour rejoindre Méolans en bus, deux options sont possibles :

  • soit vous arrivez de Gap et prenez le bus pour Barcelonnette par la ligne 535, 3 bus par jour (2024)
  • soit vous arrivez de Marseille / Digne et prenez la LER 68, un bus le matin depuis Marseille passant par Digne, un de Digne à Barcelonnette l’après midi (2024)

Pour ceux qui veulent partir de plus haut, La condamine ou Larche sont de bonnes alternatives et sont desservies par bus l’été.

Si vous souhaitez faire exactement l’itinéraire que j’ai réalisé, un véhicule personnel ou du stop s’imposent. Une partie de l’itinéraire est desservie par la LER 68 (côté Seyne).

Meilleure période pour partir :

Le tour de l’Ubaye s’apparente à un trek de haute montagne avec des cols d’altitude à passer. L’enneigement peut être conséquent en début de saison d’été. Cela dépend de l’hiver mais aussi de la météo printanière qui impacte fortement la fonte du manteau neigeux.

Pour ceux qui souhaitent éviter de traverser des sections neigeuses, le sentier est généralement libéré de la neige début juillet (à vérifier selon les années). Juillet août et septembre sont donc les moins idéaux. Juin est un mois très agréable avec ses longues journées mais la neige fait parfois de la résistance et la météo présente davantage d’instabilité. Octobre peut être encore un bon mois mais parfois la neige fait un retour précoce et la plupart des hébergements ont clos leur porte.

J’ai réalisé ce trek en pleine canicule du mois d’août. L’eau n’est pas très abondante à cette période mais on en trouve suffisamment encore.

Participant au tour de l’Ubaye

Julien, accompagnateur en montagne des Alpes de Haute Provence. Skieur passionné et pratiquant de la contemplation dynamique pendant la marche en montagne.

Où dormir sur le tour de l’Ubaye

Ce tour peut s’effectuer aussi bien en bivouac qu’en refuge / gîte.

Pour le détail des étapes avec nuit en hébergement, reportez vous à la section « Caractéristiques du tour de l’Ubaye ».

Pour ceux qui choisissent le bivouac, il existe des restrictions dans les portions du GR 56 qui traversent le parc national du Mercantour. Celui-ci est autorisé de 19h à 9h à plus d’une heure de marche des limites du parc. Pour le reste du parcours, de mémoire, il n’existe pas de restriction particulière liée au bivouac.

Des campings existent sur le chemin. Vous en trouverez un à Larche, un à La Condamine, un à Saint Paul sur Ubaye et un autre non loin de Méolans. Il est parfois possible de dormir à proximité des hébergements, surtout si l’on prend le repas du soir, mais il vaut mieux s’en assurer avant.

J’ai effectué ce parcours en bivouac avec une nuit au camping de Larche. Je connais le gîte d’étape de Larche pour y avoir dormi plusieurs fois et c’est un lieu que je recommande. Une de mes variantes m’a fait passer par le refuge de l’Estrop, où j’ai dormi en une autre occasion. Voilà un refuge que j’ai beaucoup apprécié, avec sa cuisine maison, à base de produits locaux, bio, et ses gardiens très accueillants. Enfin, un autre hébergement que je recommande est le refuge du Laverq, un lieu atypique, éco-construit où l’on trouve une excellente cuisine maison faite de produits bio.

Où manger et se ravitailler

Vous trouverez de quoi vous sustenter dans les refuges et gîtes situés sur le parcours. Ceci étant, le tour de l’Ubaye s’avère assez sauvage et, généralement, vous n’aurez pas plus d’une possibilité par jour de trouver de quoi manger (ce qui est déjà bien appréciable). A noter qu’au tout début de la saison ou à la fin (après le 15 septembre), certains hébergements sont fermés.

Pour les ravitaillements, plusieurs options s’offrent à vous mais restent globalement très limitées :

  • Larche : petite épicerie et pain au camping (la veille sur commande)
  • Saint Paul sur Ubaye : petite épicerie et boulangerie bio (se renseigner sur les heures d’ouverture)
  • La condamine : boulangerie

Il est parfois possible d’acheter des produits dans les différents hébergements mais ne comptez pas dessus car cela dépend de chaque lieu et de leur stock.

Caractéristiques du tour de l’Ubaye

Il s’agit d’un itinéraire de montagne qui s’aventure plusieurs fois au dessus de 2500m d’altitude. Le GR 56 n’est pas technique mais comme tout trek de montagne, le tour de l’Ubaye demande à évoluer sur des terrains variés, traverse des zones abruptes et exige un équipement adapté au itinérance en montagne, notamment en ce qui concerne les chaussures. Il faut aussi savoir s’orienter même si l’itinéraire est bien balisé.

Les étapes classiques du tour de l’Ubaye

Le GR 56 se réalise en 9 étapes totalisant près de 160km de marche et 8400m de dénivelé.

Première étape : Méolans – refuge du Laverq / 11km 1250m D+

Deuxième étape : Refuge du Laverq – Refuge du col d’Allos / 16km 1100m D+

Troisième étape : Refuge du col d’Allos – Bayasse / 25km 1000m D+

Quatrième étape : Bayasse – Bousiéyas / 20km 900m D+

Cinquième étape : Bousiéyas – Larche / 20km 1000m D+

Sixième étape : Larche – Fouillouse / 14km 1050m D+

Septième étape : Fouillouse – La condamine / 19km 825m D+

Huitième étape : La condamine – refuge de la Pare / 17km 950m D+

Neuvième étape : Refuge de la Pare – Méolans / 17km 400m D+

Mes étapes du tour de l’Ubaye avec variantes maison

Il s’agit d’un itinéraire un peu particulier, puisque j’ai tronqué une partie du GR 56 que j’avais déjà faite et rajouté d’autres sections dans la vallée de la Blanche et dans la Bléone. Je suis en effet parti du parking des eaux chaudes, à Prads Haute Bléone pour finir à Seyne, là où j’habite.

Premier jour : Parking des eaux chaudes – Refuge de l’Estrop

Deuxième jour : Refuge de l’Estrop – La Grande Cayolle

Troisième jour : La Grande Cayolle – Larche

Quatrième jour : Larche/La condamine (en stop) – Pré Jaumarde

Cinquième jour : Pré Jaumarde – Maure

Quoi d’autre dans les environs

La vallée de l’Ubaye accueille de nombreux itinéraires de randonnée. En effet, le GR 56 fait sentier commun avec le GR 5 (Grande Traversée des Alpes). Un autre tour que je recommande particulièrement partage une partie de son tracé avec le tour de l’Ubaye : il s’agit du tour du Chambeyron. Un itinéraire magnifique sur 3, 4 ou 5 jours entre France et Italie.

Pour les amateurs d’une version plus sauvage, jetez un oeil à l’itinéraire Trans’Alpes qui traverse la partie française du massif en version haute route.

L’Ubaye se prête parfaitement au ski de randonnée. De nombreux itinéraires offrent une belle palette de possibilité, notamment du côté de Larche.

Les Alpinistes ne seront pas en reste car de nombreuses voies d’escalade en libre existent dans la vallée.

Office du tourisme

Deux office du tourisme pourront vous donner des informations concernant le tour de l’Ubaye. Le premier est celui de la vallée de l’Ubaye, situé à Barcelonnette. Le second se situe au niveau départemental puisqu’il s’agit de l’office du tourisme des Alpes de Haute Provence.

Bibliographie

Un topo guide décrit le tour de l’Ubaye par le GR 56, publié par la FFRP. Le GR 56 partageant effectivement une section du GR 5, vous trouverez la description du tour de l’Ubaye dans le topo de la traversée des Alpes dédié à cette vallée.

Liens internet pour préparer le tour de l’Ubaye

Il faut reconnaitre que je m’appuie assez peu sur les sites internet pour préparer mes treks car je suis assez autonome. Néanmoins, voici quelques sources d’information très utiles :

Récit du tour de l’Ubaye par le GR 56 et variantes

La canicule sévit en France lorsque je débute mon itinéraire. Elle va m’accompagner pendant toute la durée de mon trek. Ceci étant, en cette fin d’après midi, le soleil a perdu de son mordant et je débute mon parcours sous une chaleur modérée. Je laisse ma voiture au parking des eaux chaudes car j’y serai amené en bus dans quelques jours dans le cadre de mes activités d’accompagnateur en montagne.

Je monte vers le refuge de l’Estrop et j’improviserai une fois arrivé : soit je poursuis (hypothèse la plus probable) soit je m’arrête là. La première partie, en fond de vallon, pousse le randonneur à se réfugier autant que possible à l’ombre. Les roches, bien présentes sur le chemin, s’emploient vigoureusement à se débarrasser de la chaleur accumulée dans la journée. Le soleil tente encore de mettre le feu à l’air et le vent se cache quelque part très loin d’ici. Seule l’ombre offre un répit temporaire. Heureusement, je commence ma marche à 17h, je n’imagine pas ce qu’aurait pu être mon expérience dans ce vallon desséché quelques heures plus tôt.

Malgré les puissants efforts des températures pour ralentir mon rythme, je progresse assez rapidement et vers 19h j’atteins le refuge de l’Estrop. Alors que je pose mon sac pour faire une pause, j’en profite pour pratiquer l’écoute intérieure. Si j’avais envisagé dans un premier temps de poursuivre avant le coucher du soleil au delà du refuge, je suis touché par la grande beauté de ce replat glaciaire entouré de falaises en grès. Alors que je sonde mes ressentis, la fatigue se présente à mes yeux intérieurs. Il faut reconnaitre que les derniers mois ont été intenses et que mon été tout particulièrement s’avère chargé. En effet, j’effectue ce trek entre 2 engagements pour guider des groupes, sans jour de repos.

Ravito impromptu

La fatigue s’allie donc à la beauté du lieu pour me convaincre de ne pas aller plus loin et de poser ma tente ici pour la nuit. J’accepte volontiers. L’alliance de circonstance des paysages et de mon besoin de repos offre un avantage inattendu. En effet, je réalise en déballant mes affaires que j’ai oublié mes céréales pour le matin. Certes, ce n’est pas la fin du monde car demain je peux faire un détour à Allos pour me ravitailler et faire avec les moyens du bord en attendant. Mais c’est une perte de temps dont j’aimerais me passer.

Alors me vient une idée intéressante : voir avec le refuge pour un dépannage en muesli contre de l’argent ou bien une restitution. Car je dois m’y rendre très prochainement avec un groupe de jeunes : je pourrais donc rendre ce que j’ai emprunté. Me voilà donc rapidement auprès des gardiens qui acceptent très gentiment de me dépanner. Je leur revaudrai bien ça dans quelques jours.

Seul au monde sur le tour de l’Ubaye

Lorsque je me réveille, je suis plein de gratitude envers moi même pour avoir modéré mes ardeurs et bivouaqué assez tôt. J’ai pu récupérer et je me sens prêt à honorer mon rendez vous avec le soleil toute la journée.

Une relative fraicheur baigne encore les flancs sud de l’Estrop, sur le chemin de la Petite Barre. D’abord bien tracé, celui-ci se fait plus erratique à mesure que je progresse en altitude. Je finis par prendre une variante plus directe pour arriver au col, où se révèlent des paysages magnifiques et la géologie très riche de la vallée. Quelques bouquetins parsèment les parois calcaires des Trois Evéchés. Je dois m’arrêter pour les contempler car l’érosion a parfois sérieusement rongé le chemin. Rencontre rapide d’un couple monté du refuge du Laverq et puis je rejoins le GR 56.

Le sentier est désert. Un patou finit par perturber ma tranquillité alors que je monte vers la tête de la Sestrière. Il aboie, me suit, continue d’aboyer et de me suivre. Bref, il fait son travail de patou et je le considère avec une sérénité bienveillante. Arrivé au sommet, je retrouve les humains montés par tout proche col d’Allos, accompagnés par les ronflements désagréables des motos.

Un repas bien mérité sur les crêtes, une tarte aux myrtilles au refuge du col d’Allos, où je recharge avec soulagement mes bouteilles d’eau vidées par les 1500m de dénivelé déjà accumulés. Devant moi, le Parc National du Mercantour : je n’y croiserai pas beaucoup d’humains. Décidément, il est facile de se sentir seul au monde sur le tour de l’Ubaye.

Un autre regard sur le Mercantour

Quand on entend Mercantour, on pense souvent à sa partie sud : Madone de Fenestre, Vallée des Merveilles, lacs innombrables. Mis à part le lac d’Allos, je crois que la partie nord du parc appartient aux terres oubliées, à en croire le peu de monde que j’y ai rencontré. Il faut dire que, quelques jours plus tôt, je guidais un groupe dans la partie sud du parc. La solitude avait fui très loin de cet endroit, fréquenté par de nombreux randonneurs. Une expérience pour le moins contrastée m’attendait donc ici.

Je marchais en direction du petit col de Talon. De toute évidence, ce passage confidentiel demandait trop d’énergie au commun des randonneurs car personne, en tout cas quand j’y étais, ne souhaitait s’acquitter des presque 1000m de dénivelé requis pour visiter ce lieu grandiose. Seuls deux bergers croiseront mon chemin.

Les mélèzes m’accueillent d’abord avec leur douceur coutumière. Ces arbres aiment partager : ils ne réclament pas l’exclusivité de la terre. Bien au contraire, ils offrent espace et lumière pour qu’une végétation parfois très fleurie puisse voir le jour. Puis, je parcours des flancs de montagne arides autant qu’abrupts. Je rejoins bientôt la cascade du Cimet et renoue avec une eau abondante. Le verrou glaciaire impressionne de loin. Mon mental se déplace plus vite que mon corps. Il s’aventure déjà dans les parois qui me barrent la route et scrute l’avenir avec curiosité. Mes questions initiales se dissipent aussi vite que la tarte aux myrtilles du col d’Allos. Un bon chemin conduit sereinement le randonneur vers un plateau recouvert de pelouses alpines.

Non loin, des chamois plus nombreux que l’ensemble des randonneurs que je verrai sur le chemin me signifient leur tranquillité par leur totale indifférence à ma présence.

Questions de cols

Le col s’approche, la nuit aussi. Sous une lumière tamisée, j’achève la montée, surveillé par des parois verticales au regard sévère. Je compte bivouaquer de l’autre côté du col, pour bénéficier d’un beau lever de soleil. Plus bas, le plateau de la Grande Cayolle m’invite à passer une nuit confortable sur l’herbe verte. La proposition est alléchante, aussi je dévale le sentier enivré par la promesse d’un bon repas en toute intimité, dans le cadre somptueux du cirque nord du Mont Pelat.

Après un salutaire mais glacial lavage au torrent, je remplis mon estomac puis m’enfonce dans le duvet. Je n’ai aucun programme prédéfini pour la journée de demain mais les idées qui me traversent l’esprit laissent penser que je vais avoir besoin d’énergie.

La journée commence par une belle rencontre sur le chemin. Des edelweiss se dressent discrètement face aux lumières du soleil. Je les salue comme de vieilles connaissances qui m’offrent généreusement une nourriture invisible mais pleine de confort et de soutien.

Plus bas, la route du col de la Cayolle marque de fugitives retrouvailles avec le bitume et l’entame d’une succession de cols d’altitude : Boucharde, Braïssa, Cime Plate, Restefond, Raspaillon, Pelouse et d’autres encore. J’hésite à passer au col de la Boucharde et à enchaîner sur Sanguinière ou à descendre vers Bayasse puis monter vers Restefond. Sans surprise l’appel de l’altitude balaie toute velléité d’un itinéraire facile suivant le Tour de l’Ubaye.

Variante sauvage du tour de l’Ubaye

Entre la Boucharde et la Braïssa, je m’aventure dans une section hors sentier. Espérant rallier Sanguinière en retrouvant un sentier probablement peu parcouru, je traverse avec beaucoup d’attention des pentes peu stables. L’attention n’excluant pas le fun, je prends plaisir à jouer au chamois. Plus bas, une belle vallée me fait des signes insistants pour que je lui rende visite. « Une autre fois » lui répondrai-je. Alors que je rejoins enfin un chemin accueillant, il vient l’idée de déjà le quitter. En effet une alternative peut être plus économique existe. Le sentier faire un beau mais long détour pour rejoindre le col de Sanguinière mais il semble possible de couper par un petit col sans nom au dessus de moi pour rejoindre la vallée de Sanguinerette.

Me revoilà donc très rapidement hors sentier. Je suis saisi par l’ampleur des vallées dans ce secteur. La nature n’a pas été avare et a donné à chaque crête beaucoup d’espace de sorte qu’elle ne vienne pas piétiner ses congénères.

Je ne sais pas si l’aridité assèche mon émerveillement mais, ce matin, les paysages me ravissent moins. Exception faite des lacs de la Braïssette dont le bleu puissant jaillit des sols jaunis, cri de résistance d’une eau invaincue par la canicule. Canicule qui me semble plus agressive aujourd’hui. Les arbres, restés plus bas, m’ont abandonné à la fureur de la fournaise. Je plie sous les coups de matraques du soleil.

Les morsures du soleil

Col de Restefond. Je suis encore infidèle au tour de l’Ubaye. Le GR 56 file vers la haute Tinée mais je n’y vois pas d’intérêt. D’autant que j’ai déjà parcouru une partie importante de cette section lors de ma traversée des Alpes. Les moteurs des nombreux véhicules venus sur la plus haute route de France me chassent vers des espaces moins abimés pour prendre mon repas. Décidément, l’hospitalité se fait rare aujourd’hui, entre chaleur et pollution sonore.

Col de Pelouse : la route du col de la Bonnette qui semblait me coller aux chaussures comme un morceau d’elastoplast finit par s’éloigner. Soulagement. Je descends dans le vallon de pelouse, alourdit salutairement mon sac de deux litres d’eau plus que bienvenus et envoie mes jambes en direction du pas de la petite cavale. Les tours du Bonnet Carré ou du Castel restent stoïques face aux assauts du soleil, imperturbable dans leur majesté minérale. On ne peut pas en dire autant du lac de Pelouse. Malmené par l’été et abandonné par les sommets alentour qui ne lui envoient plus d’eau, il s’étouffe et s’atrophie.

Peut être par solidarité avec le lac, mon énergie s’est atrophiée alors que je gravissais les impitoyables éboulis du pas de la petite cavale. Il faisait vraiment chaud, peut être 400 ou 500 degrés tellement je brûlais dans cette montée exigeante qui n’avait que faire de mes souhaits de facilité. Mes pas sont couteux et je prête aux cailloux de mauvaises intentions. Alors que je constate que mes chaussures sont aspirées vers le bas, Je soupçonne les roches avides de vouloir les avaler. J’achève la montée vidé : la canicule et les cailloux se sont partagés les restes de mon énergie dans cette ascension.

Larche, village étape sur le tour de l’Ubaye

Arrivé à près de 2700m d’altitude finalement assez tôt dans l’après midi (16h), j’ai le choix du reste de ma journée. D’un côté mes jambes semblent avoir le voyant « réserve » allumé. D’un autre, j’ai prévu de manger un soir dans une ville ou un refuge car je n’ai pas assez de nourriture dans mon sac pour une autonomie complète. Je pourrais donc m’arrêter là mais l’étape suivante ne me parait pas propice pour trouver un lieu où manger le soir. Je pourrais me ravitailler à l’épicerie de Larche mais je ne suis pas sûr que mon heure de passage coïncide avec ses heures d’ouverture. Et je n’ai pas envie de cette contrainte non plus. Alors je négocie avec moi même sur la base de ces arguments et obtient l’assentiment de mes jambes pour qu’elles m’amènent à Larche.

J’évite le lac du Lauzanier, déjà bien connu, pour découvrir les lacs des Hommes, dans une ambiance de désert d’altitude. La présence d’eau ici semble presque saugrenue.

Arrivé au sud de la tête de Parassac, je fais une rencontre bouleversante avec un dilemme. Si, à l’origine, je pensais filer vers Larche assez rapidement pour ne pas davantage vivre à crédit d’énergie, l’installation providentielle d’une magnifique crête par la géologie naturelle vient aiguiser mon appétit de découverte. Le détour ne me semble pas long mais je dois quand même rejoindre le col du quartier d’août puis la tête de Parassac par des hors sentiers exigeants.

L’enthousiasme me guide et me voilà bientôt sur les crêtes aériennes, puis au sommet. Je suis satisfait : le détour valait le détour. Le long (euphémisme) vallon de Parassac me conduit au camping de Larche où j’arrive vers 20h. Réconfort auprès d’une douche chaude et d’une pizza.

Au plus près de très loin

Le tour de l’Ubaye offre des paysages qui font voyager et qui rappellent qu’il n’est pas nécessaire d’aller au bout du monde pour avoir l’impression d’y être. Je ne sais pas encore ce que la montagne en cette matinée du quatrième jour. Par contre, je ne me réveille pas seul : la fatigue partage avec moi mon petit déjeuner et mon début de journée. Ce que je ne sais pas encore, c’est qu’elle a très envie de passer toute la journée en ma compagnie.

Après un ravitaillement sommaire à l’épicerie du village, je me réserve un début de journée assez doux puisque je descends en stop vers la Condamine. En effet, j’ai déjà effectué la majeure partie du GR 56 entre Larche et ce village. Et je dois dire que ce qui reste ne suscite pas vraiment d’intérêt.

Alors, après deux voyages en stop, me voilà de nouveau sur mes deux jambes, profitant bien trop momentanément de la fraicheur matinale. Bientôt, le soleil, qui ne semblait absolument pas lassé de chauffer ma peau, s’emploie à rendre l’air difficilement respirable. Je trouve refuge dans les bois du Parpaillon, protégé avec une infinie bienveillance par les mélèzes qui acceptent de prendre l’essentiel de la fureur solaire.

Au sortir de la forêt, j’arrive au plan de Parpaillon et voyage immédiatement vers l’Asie Centrale ou la Mongolie, sans aggraver mon bilan carbone. Une vallée immense, large et interminable, s’étend devant mes pieds. Je dois me convaincre que je suis bien en France, même si je suis tout près de chez moi. Le voyage, c’est avant tout un regard neuf que l’on porte sur ce qui nous entoure et la confrontation avec l’inconnu. Le dépaysement ne se mesure pas en kilomètres mais dans la profondeur avec laquelle ce que nous voyons nous transporte.

A l’ombre

L’émerveillement est de courte durée. Je mène un duel inégal avec le soleil, qui trouve dans la fatigue une alliée inattendue. Les efforts de la veille pèsent lourd dans mes jambes et il semblerait qu’une partie de mon énergie m’ait été prise pour rembourser les excès de la veille. Je poursuis avec difficulté la montée vers le col de la Pare et trouve refuge dans la cabane abandonnée du petit Parpaillon pour manger à l’ombre. Je ne suis pas seul : des dizaines de mouches s’agitent dans le petit espace de la cabane et s’emploient à perturber mon déjeuner. Les regarder faire m’apporte une maigre consolation. Elles se sautent dessus et semblent également consacrer beaucoup d’énergie à rendre la vie de leur congénère moins agréable. Les mouches persécutent donc d’autres êtres que moi.

Le ciel a peut être eu vent de mes difficultés du jour. Car il a dessiné dans son bleu puissant un beau nuage qui vient s’interposer entre le soleil et le vallon, semblant dire au premier que ses outrages à la terre n’ont que trop duré. Je profite de l’aubaine et l’ombre me vivifie. Je n’en savoure que mieux les paysages grandioses qui m’entourent.

Col de la Pare. Je renonce une nouvelle fois au GR 56 pour poursuivre mon tour de l’Ubaye à ma sauce, souvent caillouteuse et improvisée. Ma vitalité retrouvée me donne des ailes et l’élan de découvrir une belle section d’altitude. Une fois de plus, j’évolue hors sentier en direction de la Grande Epervière par une somptueuse crête. L’itinéraire me sort de ma torpeur : je dois parfois utiliser mes mains et faire attention à mes pieds pour éviter une descente précoce et fracassante.

Bivouac en mauvaise compagnie

Au col des Orres, je choisis de mettre un terme à mon escapade hors sentier. J’envisageais de poursuivre vers les lacs de l’Aupet mais je crains que l’été n’ait eu raison de ces petites étendues d’eau. Aussi je préfère rester plus bas, tout en évitant le GR 56 qui, à mon sens, perd trop d’altitude.

Me voilà donc dans des Alpages, à la recherche d’un point d’eau qui commence à manquer. La Grande Source, non loin du col, promettait à mes jambes une fin rapide de cette journée de cuisson itinérante. Mais les éleveurs ont eu la très mauvaise idée de l’inclure dans un enclos à vache. Si bien que les innombrables bouses condamnaient le randonneur tenté de boire l’eau sans filtre à une intoxication certaine. La suite n’est guère réjouissante : les sources sont toutes taries. Je me fraie un chemin parfois hors sentier ou sur de vieilles sentes à l’abandon et trouve une source improbable là où je n’en attendais pas.

Il ne me reste qu’à trouver un point de bivouac. Outre le terrain plat, un autre critère essentiel s’impose : pas de mouches. Il y en a au moins une cinquantaine autour de moi. Je pense aux vaches et au harcèlement qu’elles subissent tout au long de l’été. Cela ne fait que 10 minutes que je suis poursuivi mais c’est déjà beaucoup trop long. Elles s’emploient toujours à attiser l’irritation chez moi lorsque j’installe le bivouac. Mais, heureusement, les mouches semblent fonctionner à l’énergie solaire. A peine celui-ci passé sous l’horizon, les mouches se volatilisent comme un cauchemar après le réveil.

L’empire du soleil

Ultime journée de ce tour de l’Ubaye. Comme à l’accoutumée, programme à ajuster selon l’envie, avec la seule contrainte d’arriver chez moi pas trop dans l’après midi pour que je puisse refaire mon sac car demain je repars guider en itinérance.

Je fuis rapidement mon bivouac car les mouches semblent de nouveau en quête d’une âme à persécuter. Aucune vache ne se trouve dans le secteur pour partager mon sort. Je descends vers Méolans-Revel en retrouvant le GR 56. Les paysages, pourtant agréables, ont une saveur un peu fade ce matin, je ne saurais l’expliquer. Cette fadeur m’accompagne dans la montée vers le col de la Séolane, vraiment très boisée. Il me faudrait cependant beaucoup d’ingratitude pour me plaindre de ces arbres qui facilitent ma montée. Les températures du jour fracassent encore avec facilité les entrains les plus déterminés. J’ai très peu d’eau à disposition sur cette section et je me rationne un peu : il m’a fallu aller frapper à la porte de locaux pour me ravitailler.

Au col de la Séolane, je constate les ravages de l’été. La verte pelouse qui, il y a peu, occupait les lieux semble avoir eu la jaunisse. Sous un soleil écrasant, seuls les rocs résistent : je ne peux que brièvement rester au col pour manger avant de descendre vers le Laverq.

Retour à la maison

Une délicieuse limonade me rassérène au refuge du Laverq. Mon timing est serré mais je n’ai pas besoin de faire du stop pour redescendre dans l’Ubaye et prendre le bus pour Seyne. Il me reste 1000m de dénivelé pour rejoindre le col La Pierre et redescendre dans mon village et la montre a eu la générosité de me laisser le temps de les grimper.

Je n’ai jamais eu l’occasion de monter le col La Pierre par ce côté, aussi je suis vraiment ravi de le découvrir. L’approche forestière est un peu longue mais elle a le mérite de m’abriter du soleil alors qu’il arrive au sommet de sa forme. Pour le reste, une vallée grandiose se déroule sous mes pieds. Des murs hauts de plusieurs centaines de mètres, érigés par les glaciers, bordent mon chemin. Glaciers improbables et vraiment regrettés en ces journées si chaudes.

Col La Pierre : devant moi, Seyne. Les lumières magnifient mon arrivée et, après 17h30, le soleil commence à manquer d’énergie. La montagne devient plus agréable. Je célèbre ce moment de joie avant de redescendre à toute vitesse vers Maure. Le col La Pierre, sur ce versant là, offre le terrain parfait pour couper dans les éboulis et les alpages, pour mon plus grand plaisir. Maure : mon pouce tendu vers le ciel et mes jambes sur le bitume, j’attends brièvement qu’une voiture me prenne en stop pour me ramener au village. Je viens de finir le tour de l’Ubaye.

Conclusion du tour de l’Ubaye

Un itinéraire évidemment magnifique. Même si je ne l’ai pas parcouru cette fois-ci, la section entre Larche et Fouillouse constitue un grand moment du parcours. Mais ma partie préférée reste le nord Mercantour, une vraie découverte, un espace très préservé à la géologie vraiment originale. La vallée du Parpaillon me laisse aussi un grand souvenir et, pour moi, elle offre les paysages les plus saisissants du tour de l’Ubaye. Enfin, hors GR 56, le versant oriental du col La pierre, très confidentiel, fut une autre très bonne surprise. Surtout que je connais parfaitement bien son versant occidental, que je parcours très souvent.

J’ai aimé la solitude trouvée sur le chemin. Le GR 56 n’attire pas les foules et cela me plait bien. On y trouvera pas la vie sociale plus florissante du tour du Queyras ou du tour des Ecrins. Mais des moments privilégiés en intimité avec le vivant vous attendent.

Matériel utilisé

J’ai eu l’occasion de tester pour mon plus grand plaisir la tente Big Agnes Copper Spur HV UL 1 pendant ce trek.

Pour une liste exhaustive et testée sur une randonnée longue distance, cet article vous dira tout!

Vêtements utilisés pendant le tour de l’Ubaye

CatégorieMarqueModèlePourquoi avoir fait ce choix?Ce choix a-t-il répondu à mes besoins?Et si c’était à refaire?
ShortDynafitTransalper HybridShort long, léger, sans ceintureTout à faitJe ne changerais rien
PolaireHaglöfsLIM Mid Comp HoodUne polaire ultralègère, zippée, avec une capuche pour gagner en thermicitéAbsolument ravi de mon choix, pour 270g c’est parfait!Je ne changerais rien
Veste imperméableRad’ysR1 X light techUne veste très légère (300g), super respirante et très imperméable.Parfaite à tous les points de vue.Je ne changerais rien
Pantalon de pluieKalenjiTrail RunningUne couche imperméable légère pour les moments froids et pluvieux. Très bon marché pour un vêtement respirant.Un vêtement étonnant par sa polyvalence. Aussi bon pour tenir chaud que protéger du vent ou de la pluie.Je ne changerais rien
T-shirtAttiqVento TitaniumA la fois solide et épais donc protégant bien du vent mais également très respirant.Impeccable. Séchage très rapide.Je ne changerais rien
DoudouneCumulusIncredilite EnduranceLégère (350g) et construite avec un duvet 850cuin qui apporte beaucoup de chaleur. Tissu imperméable.Ma meilleure amie dans le froid, que ce soit le matin ou le soir au bivouac.Je ne changerais rien
GantsCampG airGants légers et thermiquesVraiment très solides et très adaptés à la randonnée estivale. Pas imperméables mais cela ne me dérange pas en été.Je ne changerais rien
ChaussuresHokaSky ToaConfort, légèreté, stabilité.Un modèle mid que j’ai racheté plusieurs fois. Grand confort et les terrains de rando sur sentier. Vraiment plus durable que les autres modèles Hoka mais parfois des soucis avec le pare-pierres avant qui se décolle.Je ne changerais rien

Matériel de bivouac

J’ai utilisé le sac de couchage Rab Neutrino 400, déjà testé avec satisfaction sur ce site.

CatégorieMarqueModèlePourquoi avoir fait ce choix?Ce choix a-t-il répondu à mes besoins?Et si c’était à refaire?
TenteBig AgnesCopper Spur HV UL 1Tente autoportante la plus légère du marché, grande abside et volumes généreux.Dans cette nouvelle version, la tente me satisfait toujours autant, mis à part les sardines beaucoup moins efficaces.Je ne changerais rien
DuvetRabNeutrino 400Un sac léger, avec un duvet de qualité et une température confort entre 0 et -5.Un sac polyvalent et agréable, une très bonne résistance à l’humiditéJe ne changerais rien
Matelas 1ForclazMatelas mousse pliable MT 500Un surplus de confort et d’isolation et la possibilité de l’utiliser facilement pour une sieste confort en milieu de journée.ParfaitementJe ne changerais rien
Matelas 2NemoAstroConfort et solidité.Matelas vendu comme faisant 9cm mais une fois sur le terrain je me suis rendu compte qu’il n’en faisait que 6 ou 7. Les 9cm valent pour la partie supérieure qui accueille la tête. Un peu déçu sur ce point mais le matelas reste confortable et agréable à utiliser.Je lorgne chez Big Agnes depuis un moment et je prendrais un modèle léger comme le Zoom UL ou le Rapide.
RéchaudJetboilMinimoRéchaud intégré, assez léger, très efficace pour bouillir de l’eau6 ans que je l’utilise et j’en suis totalement ravi. Je ne changerais rien

Equipement pour le GR 56

CatégorieMarqueModèlePourquoi avoir fait ce choix?Ce choix a-t-il répondu à mes besoins?Et si c’était à refaire?
CouteauOpinelN°6Made in France et léger. Un produit solide et durable qui m’accompagne partout en montagne.Je ne changerais rien
BâtonsMcKinleyMigra 4Pliables sur 3 brins avec une poignée en mousse très confortBâtons grand confort, surtout pour moi qui m’appuie beaucoup avec la paume de la main sur le haut de la poignée.Je ne changerais rien
FrontalePetzlActik CoreUne frontale légère avec une batterie rechargeable et une très bonne autonomie.Autonomie incroyable, une charge suffit pour un très long trek.Je ne changerais rien
Sac à dosOspreyAtmos 50Son confort remarquable.C’est mon deuxième Atmos 50 et j’en suis toujours ravi. Il convient parfaitement pour 7 jours d’autonomie car son volume est très généreux. Confort impeccable et grande praticité: accès aux bouteilles d’eau, poches, accroches de bâtons sans poser le sac, etc. Cependant il est fragile au niveau du filet dorsal qui finit immanquablement par se trouer.Je ne changerais rien
CuillerLight My FireSpork TitaniumTrès léger et polyvalent.Parfaitement.Je ne changerais rien
Balise de détresseGarminGPS Map 66iBalise Inreach qui peut aussi servir de gps de secours si le téléphone est HS.Utilisé en situation réelle de secours et cela fonctionne très bien même au fond d’une gorge. Par contre la version avec écran de navigation est vraiment lourde et encombrante.Je prendrais un modèle plus léger.

Vous pourriez aussi aimer

Laisser un commentaire