Jérémy Bigé nous partage son expérience sur la Trans’Alpes effectuée dans sa totalité au mois d’aout 2023 durant 21 jours avec un sac de 3,4kg.
Après avoir parcouru la Haute Route des Pyrénées (HRP) en 2020, je cherchais l’équivalent dans les Alpes. Au fil de mes lectures, je suis tombé sur la Trans’Alpes, itinéraire initié par Jérôme Bonneaux et inspiré par la philosophie de George Véron (à l’origine de la mythique HRP justement). Bingo ! Si la Trans’Alpes ne parle pas à tout le monde, la GTA, Grande Traversée des Alpes par le GR5, ou encore la Via Alpina, sont bien plus familières. Ainsi, faisons le point sur les itinéraires alpins qui relient le lac Léman à la mer Méditerranée :
Informations pour préparer la Trans’Alpes
Un itinéraire comme la Trans’Alpes demande un peu de préparation. Physique d’abord. Car on ne se jette pas sur 600km et 45 000m de dénivelé en ayant passé les mois précédents dans son canapé. Logistique ensuite. Et là intervient cet article ! Je n’ai aucun impact sur vos capacités musculaires et respiratoires, mais je peux vous partager mon expérience qui vous aidera à mener votre entreprise à bien.
Date
Cette marche a été réalisé entre le 8 août et le 29 août 2023.
Quand partir sur la Trans’Alpes ?
Les altitudes étant assez élevées, il vaut mieux attendre juillet pour passer certains hauts cols. Ce n’est pas une date à prendre à la lettre. Cela va dépendre de l’enneigement hivernal : certaines années le mois de juin peut être déjà favorable alors qu’il faudra attendre fin juillet pour d’autres.
Une Trans’Alpes en début de saison estivale serait complètement différente de la mienne car elle nécessiterait un équipement plus encombrant avec possiblement des crampons et un piolet. Suivant les années, le mois de septembre peut être envisagé sérieusement pour la randonnée avec moins de monde en montagne et un peu moins d’eau aux sources ! En 2023, j’ai échappé de justesse à un épisode neigeux fin aout. En effet, j’ai vu le refuge du col de la Vanoise en photo sous 30 cm de neige à 2600m d’altitude !
Lieu
Le massif des Alpes s’étend, en forme d’arc, depuis Vienne en Autriche jusqu’à la mer Ligure en Italie. La partie française n’en représente qu’une petite partie ! Vous connaissez le plus haut sommet bien évidemment, le Mont-Blanc et ses 4808m.
Les Alpes françaises, elles, s’étalent entre le lac Léman au nord et la mer Méditerranée au sud et sont divisées en différents sous-massifs tels que le Vercors, le Beaufortain ou encore le Mercantour. La Trans’Alpes traverse ces Alpes françaises (ou occidentales) en suivant au plus près la frontière franco-suisse et franco-italienne.
Comment se rendre au départ et à l’arrivée de la Trans’Alpes ?
Rien de plus facile (et de moins polluant !) car le départ et l’arrivée sont desservis en transports en commun.
Pour me rendre au point de départ, j’ai pris un train jusqu’à la gare d’Évian-les-Bains puis la ligne de bus n°10 de l’EVAD. Le ticket coute 1€20 et les horaires sont assez régulières.
Menton, la ville d’arrivée, dispose d’une gare SNCF qui permet de rejoindre Toulon, Nice ou Marseille avec des TER réguliers. Mais si comme moi, il vous reste un peu d’énergie à la fin de votre marche, des ferrys à destination de la Corse et son GR20 sont au départ de Nice et Toulon.
Participant
Je m’appelle Jérémy Bigé. Voici une présentation en vidéo, lorsque je me suis livré à l’exercice du TedX en novembre 2022 :
Pour résumer, je travaille la moitié du temps en tant que moniteur de ski et accompagnateur en moyenne montagne et le reste du temps je marche, parfois pendant longtemps. En 2018, j’ai traversé l’Himalaya népalais, et en 2022, le Kirghizistan et le Tadjikistan. À chaque fois durant 90 jours. J’aime voyager léger, alors mon sac ne dépasse que rarement les 5kg. D’ailleurs, j’ai écrit un article sur le blog où je regroupe des conseils afin d’alléger son sac en randonnée :
Le plus souvent, je rentre de mes pérégrinations avec des images. Alors je me transforme en réalisateur/monteur à mon retour et je crée ainsi des reportages vidéos qui retracent mes aventures et je viens les présenter dans les festivals de montagne ou les cinémas. Retrouvez ici le film narrant ma traversée des Balkans sur 1400km en 2021.
Où dormir sur la Trans’Alpes ?
Les possibilités sont multiples : sous tente, en refuge, à la belle étoile, etc. En effet, le topo officiel de la Trans’Alpes (référence plus bas dans l’article) découpe l’itinéraire en 41 étapes avec un refuge à la fin de chacune. Il y a donc toujours moyen de dormir au chaud ! J’étais bien content de tomber sur le refuge des Merveilles quand j’ai pris le mauvais temps dans le Mercantour !
Je suis un adepte du bivouac pour le contact à la nature et pour la liberté que cette stratégie permet. Comme je n’ai pas du tout regardé le découpage du topo à l’avance, je marche jusqu’à être fatigué ou que la nuit arrive. J’installe alors mon abri au premier endroit potable. Ainsi, j’avance à un rythme qui me convient sans me préoccuper de la présence ou non d’un bâtiment.
France
Côté français, le long de la Trans’Alpes, il est interdit de bivouaquer au sein du parc National de la Vanoise et dans la vallée des Merveilles. Mais si, en France, il existe peu de restrictions concernant le bivouac, ce n’est pas le cas partout.
Suisse
En Suisse, le bivouac est autorisé uniquement au-dessus de la limite forestière et hors des zones protégées et des habitats vulnérables. Plus de précision sur la législation du bivouac en Suisse.
Italie
En Italie, seul le bivouac au-dessus de 2500m est autorisé. Ce sont les régions qui font la législation à ce sujet donc il faut se renseigner au cas par cas.
Que ce soit en Suisse ou en Italie, je n’ai jamais été embêté alors que je n’étais pas dans les règles. Je montais ma bâche à la nuit tombée et je partais dès le lever du jour. Que ce soit chez nos voisins ou en France, il existe une règle commune : leave no trace. Pour un respect optimal de la biodiversité, laissez l’emplacement tel que vous l’avez trouvé : pas de feu, pas de détritus (ni PQ ni trognons de pommes), pas de tranchées.
Comment se ravitailler sur la Trans’Alpes ?
Avant d’en venir à mes pratiques personnelles, il peut être pertinent de jeter un coup d’œil sur cet article du blog qui répond à la question : comment s’alimenter en randonnée ?
La logistique du ravitaillement est plus dure à gérer que sur un GR, mais plus facile que sur la HRP. En effet, la plus longue section sans épicerie est de seulement 100km entre Isola 2000 et Sospel contre 150km à plusieurs reprises sur la HRP. Sur la Trans’Alpes, je marchais en moyenne deux jours en autonomie, ce qui me permettait de rester léger. Les commerces sont souvent en station donc plutôt adaptés pour les activités de montagne avec des fruits secs, des barres énergétiques, de la semoule, etc.
J’ai testé un nouveau plat pour le diner car j’étais motivé par le gain de poids et l’apport énergétique. J’avais un réchaud en ma possession, ce qui m’a permis de faire chauffer de l’eau et donc de cuisiner de la semoule. Mélangée à de la soupe déshydratée, à un peu d’huile d’olive et à quelques graines, ce fut mon dîner chaque soir pendant 20 jours !
Sur la carte ci-dessous, j’ai placé les points de ravitaillement que j’ai rencontré durant la marche. Certains commerces ferment jusqu’au milieu d’après-midi donc il faut être prévoyant. C’est le cas par exemple du Proxy de la Chapelle-d’Abondance qui n’ouvre qu’à 15h30 après fermeture à 13h.
Caractéristiques de la Trans’Alpes
Évidemment, le terrain est montagneux voir escarpé. Si par moment l’itinéraire emprunte des GR ou des pelouses alpines faciles, il se fraie également un passage dans des zones plus piégeuses de haute montagne.
Tout reste accessible en randonnée et sans matériel particulier (hormis en cas de neige en début d’été). Le sentier disparait souvent dans les pierriers et il faut rester concentré sur la présence des cairns pour se guider. La progression est alors plus lente et le randonneur est plus vulnérable en cas de mauvais temps.
Le climat va dépendre de la saison. J’ai eu un climat assez sec en août avec des périodes d’orages de chaleur en fin de journée. Les températures la nuit peuvent descendre assez bas, d’autant plus que certaines sections restent hautes en altitude. J’ai enregistré les températures nocturnes à chaque bivouac de la traversée grâce à un petit thermomètre à mémoire. Au plus froid, il est descendu à 4,3°C du côté du lac Longet à 2800m d’altitude alors que la France était en pleine période de canicule. Les températures peuvent donc descendre en dessous de 0°C en plein été.
Un topo de la Trans’Alpes est édité aux éditions du Mont Rouch :
Bibliographie
Les traversées des Alpes existantes
Grande Traversée des Alpes (GTA) par le GR5
C’est le tracé le plus connu qui traverse l’intégralité des Alpes françaises. Balisé en rouge et blanc, il s’étire sur 600km et 30 000m de dénivelé à une altitude moyenne d’environ 1800m. Les redescentes dans les villages et les stations sont régulières de façon à faciliter le ravitaillement et le terrain ne présente pas de difficultés particulières. C’est un itinéraire « officiel » dans la mesure où il est géré par la Fédération Française de la Randonnée Pédestre.
Aurélien Chantrenne a écrit un article sur sa grande traversée des Alpes par le GR5 :
Haute Randonnée Alpine (HRA)
Cette traversée haute-perchée à plus de 2500m d’altitude en moyenne, initiée par le Club Alpin Français (CAF), est la plus technique de toutes car elle fait appel aux techniques de l’alpinisme et demande l’équipement adéquat pour s’y frotter.
Via Alpina
C’est la traversée intégrale de l’arc Alpin depuis Trieste sur 3000km et, une fois en France, elle suit globalement le tracé du GR5. Durant l’été 2020, Julien Defois a parcouru la Via Alpina.
Trans’Alpes
Le tracé reste entre le GR5 et la HRA, empruntant parfois l’un ou l’autre et en occupant souvent l’espace vide entre les deux. Ce n’est pas un itinéraire officiel, il n’est donc pas balisé ! Suivant la saison, des crampons/piolets peuvent être nécessaires. Inspiré par la HRP, il se destine à des randonneurs expérimentés, qui n’ont pas peur de passer du temps seul en montagne sur des crêtes escarpées ou des cheminées encaissées ! Il oscille entre 0 et 3300m à une altitude moyenne d’un peu plus de 2000m et, comme la GTA, il s’étire sur 600 km mais pour un dénivelé plus conséquent de 45 000 m. Sa devise est : « au-dessus des GR, en dessous des glaciers »!
Le topo est disponible à la vente pour 27€.
Liens internet en vue d’une Trans’Alpes
Pour préparer cette traversée, je me suis inspiré de retours d’expériences existants :
- Site des éditions du Mont Rouch.
- Blog de la Trans’Alpes du Yéti en 21 jours.
- Trace GPX de la Trans’Alpes et de ses variantes.
Trace GPS de ma Trans’Alpes
Je n’avais pas de montre GPS pour des soucis de batterie et d’économie d’énergie. J’ai tout de même reconstitué mon itinéraire tel qu’il a été réalisé. J’ai également placé les points de ravitaillement sur le parcours ainsi que les distances qui les séparent.
En bleu, il s’agit de ma trace reconstituée. En rouge ce sont les passages que je n’ai pas pu emprunter pour raisons personnelles ou météorologiques. Enfin, j’ai placé les points de ravitaillement en jaune.
La Trans’Alpes en 21 jours
Massif du Chablais : jours 1 à 2
Départ du lac Léman
Mon aventure commence avant le début de la marche. En effet, un des trains me menant à Évian est supprimé. Je dois faire un détour par Annecy via un bus. Ça ne me fait ni chaud ni froid, car, à partir d’aujourd’hui, j’ai pris possession du temps ! Qu’importe les détours et les rebroussements de chemin, les jours qui arrivent sont vides et il ne tient qu’à moi de les remplir comme il me sied.
Le départ officiel de la Trans’Alpes se situe au niveau de l’embarcadère de Meillerie que je rejoins grâce à la ligne urbaine n°10 pour la somme de 1€20. Il est déjà 18h lorsque j’approche, à pied, le premier panneau de randonnée sur la rive du lac Léman, à 383m d’altitude. Des jeunes sautent à l’eau, des moins jeunes pêchent. Je regarde vers le sud. Des pentes envahies par la forêt se dressent devant moi. Le programme des premiers kilomètres est simple : il va falloir grimper ! Effectivement, après 2h de marche et 1000m de dénivelé, je monte le premier bivouac d’une longue série près du départ d’un télésiège de la station de Thollon les Mémises.
Dent d’Oche
Il a fait 7°C au plus froid de la nuit. Étonnant pour 1300m d’altitude. Avec seulement 3,5kg dans le dos, j’ai quelques doutes quant à l’équipement que j’emporte. J’espère des températures plus clémentes pour le futur.
La station est vite derrière moi et sur les coups de 10h, je croise la première personne de la journée dans la cheminée de la Dent d’Oche. Je découvre ce sommet caractéristique et son refuge éponyme perché entre les falaises. Le parcours de crête permettant de redescendre sur le col de Planchamp est assez aérien et donne le ton à ma marche. Les chamois matinaux ont laissé place à des bouquetins peu farouches. Je rejoins le GR5 au niveau du col de Bise après avoir longé les crêtes depuis le col de Pavis.
Les Cornettes de Bise attendront, j’opte pour l’itinéraire classique du GR5, car je suis attendu à Châtel le soir même. Depuis la Chapelle-D’abondance, je suis la Dranse d’Abondance, à l’écart de tout itinéraire, pour être à l’heure à mon rendez-vous. Je fais un court arrêt à l’Intermarché afin de me ravitailler. Je suis accueilli le soir au 1861 Chalet Hostel où il était convenu que je projette mon film « Fils du Vent » retraçant ma traversée à pied de l’Asie Centrale l’été passé ! Le récit de cette aventure est d’ailleurs disponible ici sur le blog : traversée de l’Asie Centrale à pied.
Massif du Haut Giffre : jours 3 à 4
Vers le Cirque du Fer à Cheval
Au matin du 10 août, je retrouve l’itinéraire de la Trans’Alpes au niveau du col des Bassachaux. Les quelques kilomètres qui suivent se déroulent sur les hauteurs de la station d’Avoriaz où les remontées mécaniques s’entrecroisent. Les choses plus sérieuses commencent au col de Coux au passage en Suisse. Pour retourner en France, il faut emprunter l’impressionnant Pas du Taureau perché à 2555m. La sente est bien visible dans les éboulis et vient se heurter à la grosse barre rocheuse sommitale. Un long câble permet de passer l’obstacle et de se sustenter au sommet des vues sur le massif du Mont-Blanc.
Je viens m’échouer en fin de journée au fond du Cirque du Fer à Cheval que les promeneurs ont déserté. Je m’allonge sous le couvert des arbres et me jette dans les bras de Morphée !
Mont Buet
Si j’ai poussé jusqu’au fond du cirque, c’est que l’étape qui suit n’est pas à prendre à la légère. Au menu, le mont Buet et ses 3096m ! J’ai dormi à 1040m. Le calcul est simple. Ce sont 2000m de dénivelé positif à avaler d’une traite en guise de petit-déjeuner. Je passe le camping de Pelly alors que les premières têtes sortent des tentes, puis le refuge de Grenairon à l’heure du pique-nique. Il fait très chaud et pas un seul brin d’ombre à l’horizon. Seuls des cailloux s’amoncèlent de toute part. L’ambiance est minérale, il n’y a pas à dire. Quelques chaines sécurisent des passages sur crêtes.
Je tire un peu sur les bras, je pousse un peu sur les jambes et me voici en haut du premier 3000m de cette traversée.
Je retrouve d’autres randonneurs au sommet. Pour la plupart ils viennent de l’itinéraire classique après avoir passé la nuit au refuge de la Pierre à Bérard. J’emboite le pas de ceux qui font l’aller-retour et j’arrive en fond de vallée au village du Buet avant la tombée de la nuit. Je tombe sur un camion pizza. Elle n’est pas belle la vie ?
Massif du Mont-Blanc : jours 5 à 6
Derniers pas en France
À Vallorcine j’ai prévu de ravitailler mais tout est fermé quand j’arrive. La petite épicerie ouvre à 8h15 et la boulangerie à 8h45. Mon ami haut savoyard François me rejoint pour m’accompagner toute la matinée. Il est équipé en mode « trail » alors je m’accroche dans la montée vers le col de Balme que nous avalons en très peu de temps. Nous y retrouvons la foule du Tour du Mont-Blanc. Remplissage des gourdes effectué, nous prenons la poudre d’escampette en direction du refuge très calme des Grands Dessus où les vues sur le glacier des Grands sont magiques. François s’en retourne dans ses contrées au niveau du Chalet du Glacier et je m’en vais seul en direction de la Fenêtre d’Arpette (2665m).
Passage en Suisse
Je file dans les baskets d’un traileur qui prépare la CCC et j’arrive très vite au col. En me retournant, je me rends compte que l’orage est en train de s’abattre sur la vallée de Chamonix. Impossible pourtant de presser le pas. Le terrain est très caillouteux et ne permet aucune progression efficace. Je reçois les premières gouttes sur les pistes de ski de Champex. Je suis pris de doutes, car il est encore tôt (16h) mais la météo est instable et je dois passer un nouveau col à 2300m.
La pluie ne dure pas, les orages paraissent lointains. Ni une, ni deux, je me lance à l’assaut du col de la Breva. Une fois sorti de la forêt, un immense tas de cailloux apparait. Je suis concentré sur le balisage et je monte aussi vite que je peux. Les bâtons dans une main, je saute de caillou en caillou. Je croise un couple qui redescend.
« Il y a du monde à la cabane d’Orny ?
Oui, 70 personnes. Tu n’as pas réservé ?
Ah mais la cabane est gardée ?
Oui, c’est plein d’alpinistes là-dedans. Ça va être compliqué de te trouver une place. »
Dans mon esprit, il s’agissait d’un abri non gardé et ouvert à tous sur lequel je comptais pour passer la nuit. J’hésite à poser mon abri sur de timides étendues d’herbe à 2500 m d’altitude mais étant donné le climat assez frais, j’ai peur d’avoir froid durant la nuit. Sur les coups de 18h30, je m’élance dans la descente vertigineuse sous le glacier d’Orny. En cette fin de journée, les vues sont incroyables. Je savoure, je marche doucement, la tête en l’air. De toute façon, je suis incapable d’aller plus vite, je suis cuit après 3100m de dénivelé positif.
Un peu de Tour du Mont-Blanc
Je me réveille sur les abords de vieux baraquements à 1400m. En pleine forêt, je crois que le bivouac est interdit en Suisse. Je file par une petite route sinueuse pour retrouver le Tour du Mont-Blanc jusqu’au village de La Fouly. Le café est à 4€. Je suis bien arrivé en Suisse ! Je ravitaille dans une grande supérette et je repars en direction, non pas du Grand Col Ferret sur lequel tout le monde se jette, mais du Petit Col Ferret à 2490m un peu plus à l’ouest. La descente est à pic mais ne dure que quelques instants. À son pied, je croise mon premier « Trans’Alpiste » qui remonte dans l’autre sens. Il est tout bronzé. Soleil du sud, j’arrive !
De nouveau, j’effectue quelques kilomètres sur le Tour du Mont-Blanc. Il y a foule et je vais à contrecourant. Je prends la tangente au niveau du refuge Bonatti où les randonneurs s’agglomèrent. Direction l’impressionnant col du Bataillon d’Aoste (Colle Battaglione Aosta) qui culmine à 2882m. Depuis le bas, il est difficile d’imaginer un passage dans la falaise. Pourtant, le sentier se fraie un chemin en zigzag et le tout passe sans aucun pas technique. Je suis tout seul, la météo est de mon côté et je vis ce moment esthétique très intensément.
Massif des Alpes Grées : jours 7 à 8
Je trouve difficilement un endroit où bivouaquer au-dessus de Morgex en squattant le jardin d’une petite baraque inhabitée. Promis, je n’ai laissé aucune trace de mon passage ! Protégé de la pluie, je savoure délicieusement le calme de mon abri alors que dehors les éclairs zèbrent le ciel.
Col sans nom
Les 15 km autour de Morgex ne sont pas les plus agréables. Seule la boulangerie vient apporter un peu de douceur sur cette section goudronnée. Il fait chaud, les voitures et les motos sifflent en passant. Je presse le pas dans la montée vers le très touristique lac d’Arpy. Un peu plus haut, au lac de la Pierre Rouge, je rattrape mon deuxième « trans’alpiste » ! Il effectue cette année la partie nord de l’itinéraire. Nous sommes d’accord sur la suite du tracé. Il emprunte un col à plus de 2800m qui n’a pas de nom sur les cartes.
Je reste concentré sur les cairns, plus ou moins visibles, qui me guident vers l’étroiture rocheuse. La descente est à l’image de la montée : minérale. Je perds vite le suivi du tracé et je descends au plus logique jusqu’à rejoindre une sente balisée en jaune qui me mène au refuge Albert Deffeyes. Les glaciers sont juste au-dessus et l’eau, pleine de limons, qui s’en écoule, se jette dans le grand lac inférieur du Ruitor.
Il reste encore quelques heures avant la tombée de la nuit alors je poursuis mon effort le long des lacs de Bellecombe et je retourne en France par le col du Tachuy à 2673 m. J’ai beau marcher vite, l’orage me rattrape sur les coups de 19h alors que je passe le refuge du Ruitor. Alors que, après quelques hésitations, je décide de poursuivre vers le col de Montséti, la foudre s’abat à seulement quelques centaines de mètres. Ce sera tout pour aujourd’hui. J’apprends à écouter la montagne.
Aux portes de la Vanoise
La difficulté du lendemain est le col de l’Argentière (2875m) annoncé à 3h depuis le refuge de l’Archeboc. J’ai de bonnes jambes, j’en mets 1h30 avec quelques pauses myrtilles ! Ce passage en hors sentier est splendide. J’avance au flair, d’abord sur la rive du lac Blanc avec vues sur le glacier des Balmes puis je descends à vue en direction des ruines et du barrage du Clou. Tignes n’est plus très loin. J’espère y passer dans l’après-midi afin de dormir aux portes du parc National de la Vanoise (bivouac interdit en son sein).
Des sentiers faciles me mènent à la station de Tignes où je me sens écrasé par le monde. Des enfants filent en trottinette de toute part, une voix tonitruante sort d’une enceinte. Où est-ce que j’ai atterri ? Je profite de ce lieu civilisé pour m’offrir une crêpe au Nutella bien méritée ! Ravitaillement express dans la partie haute de la station et me mets en quête d’un bivouac aux limites du parc national. Je laisse la foule en bas et retrouve, plus haut, le silence de la montagne.
Massifs de la Vanoise et du Mont Cenis : jours 9 à 11
Parc national de la Vanoise
J’entre dans le parc National sur les coups de 6h30 du matin. Le glacier de la Grande Motte s’embrase peu à peu des rayons du soleil. Je bifurque un peu avant le col de la Leisse en direction de ce que je pense être la Pointe du Grand Pré (3059m). Je monte droit dans la pente sur un sol caillouteux, mais très meuble. Sous le sommet je fais un point sur la cartographie. Je me trouve en fait trop au sud, sous la Pointe Boussac (3118m). Je longe la crête vers le nord et quand je le sens, je plonge plein Est dans les éboulis. Le regard porte très loin sur un espace vierge. Seule la petite cabane des gardes du parc est le signe d’une présence humaine. Je fais fuir quelques chamois.
Après une heure de hors sentier, je rejoins une sente balisée PR qui m’emmène tranquillement vers le col de la Rocheure (2911m). Les pentes sont douces et ça me rend la vie assez facile ! Pour une fois la descente n’est pas brutale alors je vais sans aucune retenue jusqu’au refuge de la Femma. Je croise quelques randonneurs, mais c’est assez tranquille. Les marmottes sont en surnombre !
Maurienne me voilà !
Au niveau du chalet de la Rocheure, cap au sud en hors sentier avec quelques cairns de temps en temps. Direction la Pointe du Grand Vallon (3136 m). C’était sans compter sur l’orage qui s’abat sans prévenir sur les coups de 13h. C’est assez violent. La température chute d’une dizaine de degrés en quelques minutes. Le vent souffle par rafale. La pluie fouette. L’orage gronde au-dessus de ma tête alors que je suis à 2700m d’altitude. Je croise un jeune homme qui court en teeshirt dans l’autre sens. Il me dit qu’il a oublié sa veste de pluie et repart aussitôt en sprint. De mon côté, j’ai sauté dans ma tenue imperméable. Je décide de contourner la Pointe du Grand Vallon par le col de Lanserlia (2790m). L’orage passe, mais le ciel est toujours très sombre.
Une interminable descente s’en suit jusqu’à Lanslebourg où deux jours de pause auprès de ma copine m’attendent !
À l’assaut du Mont Cenis.
Je reprends la marche au soir du 18 aout vers 18h. Deux heures me suffisent pour atteindre le pied du Pas de la Beccia où je passe la nuit. Au lever du soleil, je suis au col, avec une vue superbe sur le lac du Mont-Cenis.
Massif des Alpes Cotiennes : jours 11 et 12
Passage en Italie
Le col du Petit Mont Cenis derrière moi, je bascule dans la vallée d’Ambin. Il faut monter haut (2899m) pour passer en Italie. Un bivouac (cabane non gardée) rouge pétant, comme savent si bien le faire les Italiens, trône au niveau du col d’Ambin.
La partie qui suit n’est pas la plus intéressante de la Trans’Alpes. À deux reprises, il faut descendre en fond de vallée urbaine (Salbertrand puis Pragelato) avant de remonter pour passer une crête. Au moins, il n’est pas nécessaire de porter beaucoup de nourriture et je ne sens plus mon sac sur mon dos. Après le refuge Levi Molinari, je laisse la trace de la Trans’Alpes pour suivre l’itinéraire balisé dans la forêt. Finalement, j’atterris dans le hameau abandonné des Combes. Ici toutes les bâtisses sont à vendre ! Un fantôme occupe les lieux ?
De vallée en vallée
Après Pragelato, je n’ai pas d’autre choix que de prendre mon mal en patience. Sous une chaleur accablante, j’essaie d’abattre les kilomètres de pistes le plus vite possible en adoptant le mode automatique alors que je croise des ribambelles de vélo électrique et des chiens qui promènent leurs maitres. C’est par où la sortie ?
Elle se trouve à hauteur de l’estive Alpe Mey quand la piste devient sentier. Je prends une petite variante, sûrement plus facile que l’itinéraire initial, par le col de Clapis. L’endroit est désert. La vue de l’autre côté est à couper le souffle. Les couleurs sont très contrastées. Je suis les cairns qui m’emmènent au refuge Alpe Plane où je bois un coca en discutant avec les Italiens (avec les mains !).
Allez, Jérémy, tu peux repasser en France dès ce soir. Il ne reste plus qu’un col ! L’ascension du col de la Mayt (2705m) est assez courte. 150 m dessous, se trouve une vieille casemate militaire. À son extrémité, un bivouac tout confort et en libre accès a été aménagé ! Seul bémol, la pièce est en cours de dératisation. Tant pis, je passe le col et je monte le tarp en contrebas avec vue sur le Queyras qui me tend les bras !
Massifs du Queyras et de l’Ubaye : jours 13 à 15
Cette partie est ma préférée de toute cette marche et n’a rien à envier à la Haute Route Pyrénéenne. Il existe d’autres articles sur le blog pour randonner dans le Queyras de façon plus accessible. Julien Defois a partagé notamment son Tour du Queyras à pied :
Les crêtes du Queyras
À Abriès, l’heure est au ravitaillement et à la recharge des batteries. Je me pose quelque temps en terrasse afin que mes appareils fassent le plein. L’itinéraire menant aux lacs d’Égorgéou et Foréant est très emprunté (Tour du Queyras). Pour autant, les paysages me font vite oublier la foule ! Au loin apparait le Pain de Sucre (3208m). J’entends clairement un appel et je me lance à son assaut ! 45 min depuis le col Vieux suffisent pour en venir à bout. Le chemin est bien balisé par des cairns et quelques peintures. La dalle finale peut impressionner, mais elle est contournable par la gauche. Le sommet baigne dans les nuages et je devine le vide sous mes pieds.
Je suis tout à coup pris d’une forte motivation pour fouler les cimes d’autres 3000m. J’ai noté une variante par le pic de Caramantran (3021m) alors j’étudie la possibilité d’un itinéraire de crête par les sommets qui suivent au sud. Le temps est beau, le ciel est bleu. Je passe vite le col Agnel puis celui de Chamoussière et je quitte la Trans’Alpes à cet endroit. En fin de journée, j’effectue un magnifique enchainement du pic de Caramantran sud puis du Rocca Bianca (3059m), complètement seul au monde. Je pose le bivouac du côté du lac de Longet.
Ascension du Bric de Rubren
Réveil vers 6h avec en ligne de mire le sommet du Bric de Rubren (3340m). Des cairns m’envoient plein sud vers le lac du Loup et les sources de l’Ubaye. Je tombe sur un balisage net, rouge et blanc qui rend assez facile l’orientation malgré l’absence de sentier digne de ce nom. Je louvoie dans la moraine, toujours seul, et je passe le Pas de Salsa (3175m) assez tôt. En contrebas, je tombe sur une superbe cabane non gardée en forme de yourte. Aucune source n’existe dans les parages alors je remplis mes gourdes dans le lac adjacent, en prenant le soin de tout purifier avec des pastilles.
L’ascension du Bric de Rubren est cairnée et semble régulièrement empruntée. C’est le plus haut sommet de toute cette marche avec une vue splendide sur le mont Viso (3841m) et sur de belles crêtes plein sud qui me tendent les bras. Aucun nuage à l’horizon, je saisis ma chance et je m’engage sur les crêtes. Cette journée est un hold-up : Monte Guiep (3103m), Tête de Malacoste (3216m), Tête de Gandin (3155m), Pelvat de Chabrière (3157m) et Tête de l’Autaret (3012m) où je finis complètement desséché.
Cette traversée très sauvage, esthétique et peu technique rivalise clairement avec la HRP. Une mince sente relie le Monte Guiep à la Tête de Malacoste puis je la perds sous la Tête de Gandin. Je traverse les éboulis au flair en prenant garde aux bouquetins qui me surplombent et qui risquent de décrocher des pierres. La crête est non cairnée et je poursuis jusqu’à trouver une petite brèche qui me permet de passer en versant Sud où je retrouve des traces qui me mènent jusqu’au sommet du Pelvat de Chabrière.
Passage en Ubaye
Je descends en direction de la Brèche de l’Autaret, mais je dois désescalader une barre rocheuse. L’itinéraire classique doit contourner la difficulté par l’ouest. Je croise deux jeunes dans l’autre sens qui m’ont repéré et partent sur mon itinéraire, mais ils font demi-tour dans les barres rocheuses.
Je passe vite le col de l’Autaret côté italien, car j’ai très soif. Une source apparaît à l’embranchement entre le GRP et le chemin menant au Bassa di Terrarossa. Je bois par litres ! J’accuse le coup dans la montée qui suit et je perds les cairns avant le col de Roure. Ici, ni panneau, ni balisage, mais des traces de troupeaux au sol qui me donnent la direction. La zone est très sauvage et très belle. Il semblerait que les éboulis se soient écartés pour laisser un étroit passage, agréable à suivre, qui m’emmène jusqu’aux lacs du Roure où je retrouve un GRP au col de Mary (et sa plus haute boite aux lettres des Alpes !).
Le ciel s’assombrit et laisse présager un orage dans les heures à venir. Je retrouve la Trans’Alpes au col de Marinet qui fait face au très impressionnant colle di Ciaslaras. Les zigzags s’enchainent vite. La descente est semblable à la montée. Le tonnerre gronde au loin. J’hésite quelques minutes à enchainer avec le colle dell Infernetto. Un groupe descend. Je leur demande s’il y a un endroit où monter le tarp de l’autre côté. Ils me disent que ce n’est pas vraiment le cas, mais qu’il y a une cabane non gardée (bivouac Barenghi) à un kilomètre de là. J’en fais mon objectif et je passe le col au pas de course.
L’orage est sur moi
Ça y est l’orage est sur moi. La montagne gronde tout autour, c’est assez impressionnant. Je me précipite pour monter le tarp sur les berges du lago della Finestra. Je plante la dernière sardine et la grêle s’abat violemment. Ce sera sans interruption durant 2h ! 15cm se sont déposés côté vent, l’eau ruissèle à mes pieds, je suis assis sur mon sac à dos, attendant que la tempête passe. 2h c’est sacrément long pour un orage. J’en profite pour manger. Vers 20h, le temps s’est calmé et une lumière rouge inonde la montagne. Je plie tout à la va-vite et repars en direction de la cabane. Ambiance Mordor !
Quelle n’est pas ma surprise quand je retrouve au bivouac une quinzaine de personnes qui se sont regroupées le temps de l’orage ! Ils hallucinent en me voyant arriver seul. Faut dire que c’était sacrément violent ! Les couchages dans l’abri sont bondés. Je dors avec deux collègues accompagnateurs sous le tarp, en croisant les doigts pour que la pluie ne revienne pas ! La température descend à 4.5°C au plus froid de la nuit.
Le jour d’après
Toutes mes affaires sont trempées. Le lendemain, vers 9h et dès la première apparition du soleil, je mets le tout à sécher du côté du lac Noir. Je pensais être très proche de Larche, mais ce n’est pas vraiment le cas et j’arrive au village vers 12h après avoir curieusement passé le vieux baraquement militaire de Viraysse. Un croque-monsieur au chaleureux snack de la Bonne Fourchette me ravi. Je trouve même des fruits dans la petite épicerie à l’intérieur ! Le soir, bivouac sur les rives du lac de Derrière la Croix, aux portes du Mercantour.
Massif du Mercantour : jours 16 à 20
Parc national du Mercantour
Ah le Mercantour ! Depuis le temps que j’en entends parler ! J’y entre par le Pas de la Cavale à 2671m. En hors sentier dans les alpages, je rejoins l’itinéraire du Pas de Morgon (2714m) qui est le deuxième d’une longue série. S’en suit le Pas de Vens (2796m) et la Brèche Borgonio (2904m) dans les cailloux.
Très vite, les nuages s’agglomèrent sur les sommets. Après une pause repas aux lacs de Ténibre, je décide donc de contourner le sommet éponyme qui culmine à plus de 3000m. C’est le jeu car je n’ai pas envie de me reprendre le même orage que dans le Queyras. J’opte donc pour les lacs Fer et Pétrus puis le chemin de l’électricité qui me mène au refuge de Rabuons. Je demande au gardien :
« Que penses-tu de Pas du Corborant avec ce temps ?
Tu as un abri ?
Oui.
Tu as le pas montagnard ?
Ça peut aller.
Si tu pars maintenant, ça peut passer avant l’orage. Tu en as pour 1h de montée en allant vite. »
Il ne m’en faut pas plus. 35 min plus tard, je passe le pas de Corborant… et l’orage éclate ! Les rochers sont glissants, je fais attention à ne pas tomber tout en pressant le pas. Je suis trempé. Une fois aux lacs de Lausfer, je me calme un peu. Il pleut toujours alors je monte le tarp vers 2300m. Je mange un bout, j’entends l’orage qui s’éloigne et vers 19h je reprends ma route. Je découvre, sous le pas de Barbacane, une vieille casemate militaire qui aurait pu m’abriter. Les nuages ont disparu du ciel alors je vais sur les crêtes et j’assiste à un magnifique coucher de soleil depuis le la Cime de Colle Longue !
Derniers jours de beau temps
La suite est une succession de casemates, reliques des conflits qui ont opposé France et Italie, et de cols plus escarpés les uns que les autres (pour mon plus grand plaisir). Les chemins zèbrent les pans de montagne de façon impressionnante. Finalement, j’arrive à Isola 2000 sur les coups de midi, juste avant la fermeture de l’épicerie. Je craque sur une pizza 4 fromages base crème qui rend mon après-midi très laborieuse. Par conséquent, je somnole, je suis tout mou, j’ai soif et mal au ventre. Note à moi-même, plus de pizza le midi !
Je décide de pousser aussi loin que possible car le point météo ne prévoit rien de bon. D’ici deux jours, une vague de froid associée à une dépression s’abat sur les Alpes. La neige est annoncée à 2000m. Sauve qui peut ! À la nuit tombée, je m’échoue dans des fourrés au pied de la montée vers le refuge Franco Remondino.
Je rattrape Yoann !
Dans la même optique que la veille, je pars très tôt, vers 5h40. La frontale bien serrée, je me prends pour un ultra-traileur qui attend impatiemment le lever du soleil. Au refuge, les gens en sont à leur petit-déjeuner. Je fais le plein d’eau avant de repartir dans la caillasse. 1000m de dénivelé plus tard, je passe le col de Brocan et je tombe sur Yoann avec qui je suis en contact sur Instagram depuis quelques jours ! Il me devance sur cette Trans’Alpes depuis les premières étapes et je le rattrape enfin ! Il faut dire que le gaillard cavale également, il est parti de Vienne en Autriche en juin dernier ! Menton sera pour lui le terme de plus de 2000km ! Nous décidons de faire route ensemble, avec l’objectif de se serrer les coudes dans le mauvais temps.
Les discussions vont bon train, la progression est rapide et facile. Les mètres de dénivelé s’enchainent sans qu’on les compte. Un coca nous revigore au refuge de Pagari alors que le vent souffle très fort à l’extérieur. L’avantage, c’est que les nuages ne s’agglomèrent pas sur les sommets et la pluie attendue n’arrive pas. Un dernier col, le collet de Charnassère (2727m) nous permet de revenir en France.
Mauvais temps
La nuit sous tarp est terrible. Il pleut et vente affreusement. Je me réveille sans cesse pour vérifier que la toile est toujours au-dessus de ma tête. Le sol n’est pas plat donc de l’eau s’accumule à mes pieds. Je somnole dans une flaque en attendant que le jour pointe le bout de son nez. Nous attendons une accalmie et plions bagage vers 8h30. Le temps est mauvais et, au passage de la Baisse de Valmasque, il devient très très mauvais. La pluie glaciale gifle à l’horizontal. Nous sommes trempés jusqu’aux os. Parait-il qu’il y aurait des gravures dans la vallée des Merveilles ? Pas vu. Seulement mes baskets qui font sploch sploch dans la boue. Il faudra revenir. L’heure est à trouver un endroit chaud !
Refuge des Merveilles. La délivrance vers 10h30 ! C’en est terminé pour aujourd’hui. Aussitôt à l’intérieur, aussitôt en slip pour enfiler des habits secs, commander un café allongé et ouvrir un bouquin de la bibliothèque. Au fil de la journée, des randonneurs s’échouent dans le refuge, aussi mouillés les uns que les autres. Quelle invention que le refuge de montagne quand rugissent les éléments à l’extérieur !
Sauve qui peut !
Au petit matin, il pleut. En 5 min nos habits secs ne le sont plus. Pourtant, nous nous motivons à passer par la Cime du Diable, dernier sommet remarquable de la Trans’Alpes à 2685m. Ce dernier porte bien son nom. Nous avançons à l’aveugle avec un vent à décorner les vaches. Dans la buée de mes lunettes, je distingue un semblant de balisage qui nous fait redescendre du côté du col de Raus où une éclaircie nous accueille. Grand moment de joie !
En séchant, nous nous laissons tranquillement descendre jusqu’à Sospel, dernier village de la marche, dernier point de ravitaillement, et porte de sortie du Mercantour !
Anne-Sophie Bray a rédigé sur le blog un article retraçant sa grande traversée du Mercantour. L’itinéraire est un peu plus accessible que celui de la Trans’Alpes. Lire son article au sujet de la grande traversée du Mercantour :
Massif des préalpes de Nice : jour 21
Épilogue
Nous trouvons un lieu de bivouac 4km après Sospel. C’est le dernier bivouac d’une longue série pour Yoann alors nous fêtons ça en essayant de faire des frites au réchaud (tentative vouée à l’échec). Repus, nous nous glissons ensuite dans nos sacs de couchage pour cette dernière nuit alpine !
Le Grand Mont (1378m) est le dernier sommet à plus de 1000m de cette marche. La mer a surgi et nous devinons les bâtiments de Menton et Monaco. Nous tournons quelques plans de drone pour le film à venir de Yoann et entamons la dernière descente.
700, 500, 300, 100, 50, et enfin 10m d’altitude. Nous marchons finalement sur la plage ! Cette traversée est terminée ! Et comme elle l’est un peu plus tôt que prévu, je monte le plan d’un GR20 dans la foulée. Tant qu’à marcher vers le sud, autant continuer par-delà la mer !
Conclusion sur cette Trans’Alpes
En 20 jours sur la Trans’Alpes, j’ai vécu des tempêtes de grêle et de ciel bleu, j’ai senti le vent glacial et la chaleur caniculaire, j’ai vu la France, mais aussi la Suisse et l’Italie, j’ai découvert les Alpes du Sud, l’Ubaye, le Queyras, le Mercantour.
Si, à mon avis, la Trans’Alpes n’équivaut pas la Haute Route pyrénéenne en termes d’immersion dans le sauvage, elle permet l’aventure pour ceux en quête de chemins non tracés. Vous passerez des cols non balisés, des sentiers peu foulés, des sommets à plus de 3000m et gouterez à la diversité des Alpes, entre fonds de vallées parfois, et crêtes effilées souvent !
Maintenant direction la Corse pour 5 jours de randonnée sur le GR20 :
Matériel emporté pour cette Trans’Alpes
Comme à mon habitude, je suis parti léger avec un poids de base de 3,5 kg le long de cette Trans’Alpes !
Matériel lié au portage pour cette Trans’Alpes
CATÉGORIE | NOM DU MODÈLE | MARQUE | POIDS (g) | REMARQUES |
Sac à dos | Hybride 30L personnalisé | Atelier Longue Distance | 401 | Toujours au top. Il me convient parfaitement, car j’ai choisi les tissus, la configuration des poches, etc. Le mesh commence à avoir quelques trous après 140 jours de trekking avec. |
Sac étanche | Nylofume | 29 | J’en ai pris deux : un pour mettre mes affaires au sec et un pour ma nourriture. Les deux ont tenu le coup. Étant de base des sacs anti nuisibles, c’est assez pratique pour ne pas attirer les sangliers ! |
Matériel lié au couchage pour cette Trans’Alpes
CATÉGORIE | NOM DU MODÈLE | MARQUE | POIDS (g) | REMARQUES |
Sac de couchage | Mythic Ultra 180 | Rab | 402 | L’optimum de la performance en termes de sac de couchage en duvet Rab. Annoncé pour 7°C confort et 2°C limite confort, j’ai dormi avec jusqu’à 4,3°C sur mon matelas coupé en deux. Fourni par Rab pour test. Bien pour l’été en France. Trop juste aux intersaisons. |
Moustiquaire | Tête | PharmaVoyage | 7 | Non utilisée. Peut sauver une nuit en cas de moustiques. Je me suis promis d’en avoir toujours une sur moi depuis ma traversée des Balkans. |
Matelas | Switchback Small | Nemo | 246 | Toujours incassable. Je peux vraiment compter dessus. J’hésite à le découper encore un peu plus. |
Bâche au sol | Film de survitrage | Polycree | 52 | Indispensable quand on dort sous tarp. Je l’ai troué après une 20aine de jours. Il se répare très bien avec du tape. |
Abris | Tarp MT 900 | Forclaz | 454 | Un tarp des plus basiques, des plus légers, des plus solides et des moins chers. Sur 20 nuits j’ai passé une mauvaise nuit à cause du vent violent. J’avais l’impression que tout allait s’arracher. C’est le jeu avec un abri ouvert. |
Vous vous perdez parmi tous les sacs de couchage existants ? J’ai écrit un article sur comment bien choisir son sac de couchage Rab :
Vêtements pour cette Trans’Alpes
CATÉGORIE | NOM DU MODÈLE | MARQUE | POIDS (g) | REMARQUES |
Doudoune | Microlight | Rab | 359 | Doudoune chaude de moyenne gamme. |
T-shirt | MH900 | Forclaz | 107 | J’avais déjà effectué la traversée des Balkans avec. Il commence à décolorer, mais c’est du costaud. |
Short | Kalenji | 96 | Short basique de running. J’ai coupé le slip filet intérieur pour gagner du poids. Mauvaise idée ! J’ai eu des problèmes de frottements à l’entrejambe. | |
Casquette | MT900 | Forclaz | 68 | Très utile avec sa protection au niveau de la nuque. Le système d’accroche par scratch est à revoir. On se sait jamais dans quel sens accrocher la protection de nuque et il faut enlever sa casquette pour la retirer ! |
Chaussures | Cascadia 16 | Brooks | 617 | Pas une ampoule. Très bonne accroche. Contrairement aux précédents modèles, le mesh a tenu 1000km. Crampons usés, mais normal. |
Caleçon | Boxer de running | Kalenji | 50 | x2. Troués après une centaine de jours de marche avec. |
Chaussettes | Run900 | Kiprun | 51 | x2. Pas un trou, elles sont top ! |
Haut thermique | Tee-Shirt seamless Manches longues | Simond | 112 | Rien à dire. Costaud. Je l’ai utilisé la nuit pour dormir ou au refuge quand tout le reste était trempé. |
Collant thermique | Collants HEATTECH | Heattech | 113 | Rien à dire également. Je l’ai utilisé uniquement la nuit. |
Tour de cou | Guidetti | 30 | Rien à dire. Utilisé essentiellement en tour de cou et taie d’oreiller. | |
Veste de pluie | Prototype | On Running | 102 | En fin de vie après l’Asie. Très léger, mais usé par le sac à dos et les frottements quelconques. Ne tiens plus longtemps l’étanchéité. |
Pantalon de pluie | Prototype | On Running | 68 | Idem |
Voici un article que j’ai écrit sur la doudoune Microlight Rab que j’avais avec moi durant cette Trans’Alpes :
Matériel lié à l’hygiène pour cette Trans’Alpes
CATÉGORIE | NOM DU MODÈLE | MARQUE | POIDS (g) | REMARQUES |
Serviette | Kalenji | 32 | Format A4. RAS. | |
Savon | Neo 5 en 1 | Sloé | 31 | Fait également dentifrice, lessive, vaisselle, shampoing. Sympa sur le principe mais niveau hygiène c’est pas top quand tu viens de laver tes pieds sales et qu’il faut ensuite te brosser les dent. Avec toutes ces utilisations, il se consomme vite. |
Brosse à dent | 9 | Coupée | ||
Trousse secours | 48 | Doliprane, coupe ongle, tir tique, compresse, elasto, antihistaminique | ||
PQ | 24 | |||
Pastilles de purification | Micropur fortes | Katadyn | 9 | |
Bouchons d’oreille | Boules Quies | 1 | Indispensable. |
Matériel électronique pour cette Trans’Alpes
CATÉGORIE | NOM DU MODÈLE | MARQUE | POIDS (g) | REMARQUES |
Batterie externe | Sky 10000 | X moove | 182 | Environ 5 recharges de téléphone. |
Montre | Vector | Suunto | 56 | Après la traversée des Pyrénées, des Balkans, de l’Asie Centrale, elle a encore bien fait le travail cette année ! |
Frontale | Bindi | Petzl | 34 | Solide et pratique. RAS. |
Câbles | 93 | Iphone, usb, prise secteur x2, clé USB | ||
Mobile | Iphone SE 2022 | Apple | 177 | Essentiel pour cartographie + photos. Il est tombé dans l’eau en Corse et n’as pas bronché ! |
Thermomètre | WS7002 | La Crosse | 22 | Il m’a permis d’avoir une idée des températures nocturnes minimales en vue du test du sac de couchage Rab Mythic Ultra 180. |
Matériel lié à la nourriture/hydratation pour cette Trans’Alpes
CATÉGORIE | NOM DU MODÈLE | MARQUE | POIDS (g) | REMARQUES |
Poche à eau | Platty Bottle 2L | Platypus | 36 | Pratique pour le bivouac quand l’eau est loin. Elle a déjà résisté à trois grandes marches. |
Popote | 550 mL Pot | Toaks | 71 | Noircie mais nickel. |
Couteau | N°2 | Opinel | 8 | Pas besoin de plus. Attention à ne pas le perdre. |
Réchaud | Grille + pare vent + réchaud alcool | Toaks | 45 | Super pour faire bouillir de l’eau. Trop juste pour cuisiner. |
Briquet | Bic | 13 | RAS | |
Gourdes | Flask 0,5L | Salomon | 34 | Suffisant dans les Alpes en combinant avec des Micropurs. |
Couvert | Sea to Summit | 5 | RAS. Plus costaud que LightMyFire à poids équivalent. |
Matériel divers pour cette Trans’Alpes
CATÉGORIE | NOM DU MODÈLE | MARQUE | POIDS (g) | REMARQUES |
Lunettes de vue | 33 | |||
Lunettes de soleil | Explorer | Julbo | 44 | À ma vue. Quasiment jamais portées. |
Carnet + crayon | 40 | Sans la couverture. | ||
Trousse de réparation | 8 | Super glue, aiguille, fil, épingles, patchs | ||
Bâtons | Cork | TSL | 419 | Le bâton est costaud mais les deux pointes se sont cassées durant la marche. Une dragonne également. Ils sont actuellement en SAV chez TSL. |
Porte monnaie | Ziplock | 42 | cartes bancaire, identité, vitale, assurance, secu, monaie |