Gaelle CHAPUIS nous partage son expérience de sa traversée seule en vélo du Léman à l’Océan
Informations pour préparer une traversée en vélo du Léman à l’Océan
Date de la sortie
Du 11 au 25 juillet 2017
Lieu
Pays : France
Régions : 4 – Rhône Alpes Auvergne, Languedoc Roussillon, Midi Pyrénées, Aquitaine
Départements : 11 – Haute-Savoie, Savoie, Isère, Drôme, Ardèche, Lozère, Aveyron, Tarn, Tarn et Garonne, Gers, Landes
Accès :
1200 km d’itinérance au départ de chez moi, Machilly (74).
Participants
Gaëlle – Maman, 38 ans –L’année précédente, la traversée de la Bolivie en VTT m’a complètement bouleversée. Physiquement mais surtout humainement. Cette année, toujours sur un vélo, je veux me retrouver seule, face à moi-même.
Traverser la France ? traversée en vélo du Léman à l’Océan ? L’aventure, quelque chose à laquelle j’aspire au quotidien. Ajoutez à cela mon gout du voyage à vélo et mon entourage prend un malin plaisir à me lancer des défis. Ce jour-là nous sommes au cœur de la Dordogne, entre copains de fac. Le défi est lancé…
Où dormir / bivouaquer
Hébergement en tente pendant toute la durée du périple. Surprise de découvrir que dans la plupart des départements le camping sauvage est interdit. Je me suis donc la plupart du temps installée dans de petits campings familiaux.
Se réapprovisionner / Trouver de l’eau
La France a cet avantage d’être un véritable circuit gourmand ! Le fromage en Savoie, les fruits frais en Ardèche, le foie gras dans le Gers
Aucune difficulté pour trouver de l’eau potable, dans les rivières ou dans les fontaines des villages.
Office du tourisme :
Pas d’office de tourisme pour moi. Deux cartes papier « France Est » et « France Ouest » et l’appli dont je ne me sépare plus : maps.me
Seule pour la traversée en vélo du Léman à l’Océan
« Parfois j’ai vraiment des idées un peu dingues ».
Voilà exactement ce que je me dis lorsque, assise sur mon Vtt à nouveau chargé de ses sacoches, je grimpe la petite route devant chez moi et passe le panneau indiquant la fin de mon village.
Rejoindre l’océan… mais j’en suis tellement loin !
LE DEPART
Pendant les premiers kilomètres après Machilly je me sens plutôt bien. Et puis très vite, en attaquant la montée du Salève par La Muraz, sous un soleil de plomb, j’ai eu l’impression de réaliser vraiment dans quoi je me lançais et d’avoir un mur devant moi. Mais qu’est ce que tu fais ?
C’est d’ailleurs ce que m’a glissé la première personne rencontrée. Un patron de bar à l’entrée d’Annecy à qui je demandais ma route. Il m’attrape le bras et me demande :
« Je peux vous poser une question indiscrète ? »
« Oui »
« C’est quoi votre délire exactement?… »
« Aucune idée ! D’ailleurs vous avez raison je vais rester ici et boire un ptit jaune avec vous ! »
A ce moment là j’étais d’accord avec lui ! Et n’avais en plus ni le temps ni l’envie de lui expliquer les bienfaits de l’itinérance ou de sortir de sa zone de confort.
D’ailleurs au passage ne jamais demander sa route à un non cycliste : « Passez par là ça ne fait que descendre »… En étant monté d’autant avant, certes.
Les autres personnes que je croiserais seront plus enthousiastes. En effet, après le traditionnel « mais vous êtes seules ?? », elles m’encouragent de façon unanime.
Une première partie de journée dure mais sur de belles routes ; puis un enfer sur une nationale rectiligne à 90km/h. Apercevoir le lac du Bourget sera ma récompense.
Aix les Bains
Première nuit à Aix les Bains. J’ai mal partout. Nuque, dos, poignets, mollets. Monter la tente, gonfler le matelas, sortir les affaires, faire chauffer son repas. Et vite aller dormir.
Le lendemain, tout refaire à l’envers et charger les sacoches. Je longe le lac quelques kilomètres à la fraîche et m’arrête pour une pause café chez une amie à Chambéry. A ce moment j’ai encore l’impression que je peux faire demi-tour. Ça me rassure.
La montée puis la descente aux Echelles. Ça y est je bascule de l’autre côté (au passage la chartreuse est vachement plus belle en descente !).
Je commence à rouler en terres inconnues et c’est très étrange. J’alterne sans arrêt entre l’enthousiasme d’être sur la route et la peur et la fatigue face à ce qui m’attend.
J’ai eu de beaux moments, comme cette D22F, acheter mon fromage de chèvre, fruits et pain frais sur la petite place d’un marché, plonger la tête dans une fontaine après avoir enfin atteint ce village perché (c’est beau les villages perchés.. mais d’en bas). Et voir ce trait s’allonger sur la carte. Et puis attention les enfants ! Maman est une vraie aventurière : premier camping sauvage en mode solo sur le Cv !
Je vais mieux que les deux premiers jours. Le début de l’aventure est assez dur moralement. Mais je sais qu’une aventure, même « petite », n’est pas faite que d’instants euphoriques. Ces derniers se méritent.
J’essaye de ne me concentrer que sur l’instant présent et de me réjouir de chaque kilomètre conquit sur cette traversée en vélo du Léman à l’Océan.
A CHAQUE JOUR… SUFFIT SON COL !
Ça y est. J’ai compris pourquoi je suis ici et pourquoi je me suis lancée dans cette aventure.
Je pense qu’il me fallait quitter la Haute Savoie et ces endroits que je connaissais. J’ai complètement lâché prise aujourd’hui. C’était dur, mais physiquement uniquement. Moralement je suis au taquet et le vélo pourtant chargé je me sens libre et légère.
Je passe le Rhône puis le longe à la recherche d’une porte d’entrée vers les Cévennes / gorges du Tarn, qui ne me fasse pas que monter sur des cols de Tour de France ou autre Ardéchoise. Comme si je cherchais un petit trou dans un mur.
Face aux regards de ceux à qui je demande ou aux réflexions « Vous êtes sure ?? » j’ai vite compris que ce passage idyllique était illusoire. En plus je souhaite éviter les pistes cyclables type via Rhona sur laquelle j’aurais tenue 30km avant de rendre les armes (droit, plat, buissons à droite et gauche, aucun intérêt).
Ce matin je tombe sur la première bonne personne qui me guidera jusqu’à Saint Laurent du Pape puis aux Ollières. Ça y est je rentre dans les Monts d’Ardèche.
L’Ardèche
Un restaurateur, connaisseur, me montrera une pépite sur la carte. J’entame une magnifique petite route que je n’aurais jamais trouvée seule, qui longe un cours d’eau et s’enfonce dans les montagnes. Elle monte doucement. La garrigue sur la falaise à droite, la rivière en contrebas à gauche. Parfois quelques hameaux de 2 ou 3 maisons en pierre jaune. Pas de voiture ni âmes qui vivent pour les deux prochaines heures.
Et puis ce qui devait arriver… arriva ! Le panneau ! « Bienvenue sur l’Ardéchoise« . « Les 7 prochains kilomètres seront à une moyenne de 6%. Installez-vous confortablement, ça va monter bien raide « .
J’en ai bavé mais l’arrivée ! Je crois que j’ai parlé toute seule et embrassé le panneau tellement j’étais contente.
Arrivée en bas à Vals les Bains je fais ma traditionnelle pause Ice tea, panach ou sirop en fonction de l’humeur. J’ouvre ma carte. J’ai déjà fait 80km. Il faut que je roule encore un peu.
25km plus au sud le village de » Joyeuse« . C’est décidé ce sera ma destination pour ce soir !
Nuit au Village de « Joyeuse »
Installation au camping. Familial, très sympa.
A côté de moi les deux commères du camping, installées sur la terrasse devant leur mobilhome. Et qui commentent à voix haute tout ce qui se passe : « Alors on va prendre sa douche Gérard ? » – « Bah dis-donc t’en as de la lessive Monique! » – « Qu’est ce que tu as dans ta bassine Jean ? Tu nous cuisines quoi ce soir ? ».
Je ris toute seule. Du coup j’hésite à me lever… « Alors Gaëlle, on va laver ses chaussettes ? ».
Un camping au bord de la rivière, des bassins d’eau naturels. Après cette journée c’est exactement ce qu’il me fallait ! Mon campement installé, les jambes lourdes de 107km, je plonge dans ces eaux calmes et limpides, ferme les yeux face au soleil qui descend et me dis que je suis là où je dois être.
DENIVELE : 1500m SELON MON GPS, 6300m SELON MOI
« Vous êtes une aventurière ? »
« Oui plutôt »
« Vous avez une frontale ? »
« Euh oui »…
Voilà comment, sur les conseils d’un épicier, se retrouver 10mn après devant l’entrée d’un tunnel abandonné. Trop tard, j’ai fais 500m à pousser le vélo dans la foret pour trouver l’entrée.
Devant moi, ce tunnel… Un kilomètre sous terre (sans voir le bout car en virage). A la frontale, sans voir à plus de cinq mètres devant ou derrière. Des lambeaux de tissus au plafond, des bruits étranges, de l’eau qui suinte. Le pire de mes trains fantômes. La larme pas loin je me suis vu dans les faits divers.
Au final sans savoir vraiment ce que j’ai pu gagner en kilomètres car je me retrouve très vite en bas de ma première montée.
« En bas d’une côte des cyclistes au large sourire tu croiseras, A grande et longue montée tu t’attendras » G.C.
Quand l’un d’eux s’est arrêté et m’a dit « franchement bravo » alors que je venais à peine de commencer une petite côte.. C’était gentil mais ça sentait la galère à plein nez ! Pas manqué.
Je ne vous raconterai pas en détail cette fin de journée. 40km de montée, sous un soleil de plomb. De l’eau bouillante dans les gourdes. Pour finir dans un camp de yourtes qui n’acceptait pas les tentes (après 3km supplémentaires de montée). Je n’ai pas pu retenir mes larmes, de fatigue.
Je redescends et trouve une place dans un camping/relais de randonneur où je passerais la nuit.
La route de Stevenson
1878, Stevenson, écossais, a 28 ans et rêve d’embrasser la carrière d’écrivain. Sa famille, aisée, voit d’un assez mauvais œil la vie de bohème qu’il mène ainsi que ses ambitions littéraires ; côté cœur, il fréquente Fanny Osbourne, qui, en août repart en Californie. Stevenson sombre dans la déprime.
Pour se changer les idées, il part en voyage dans le Sud de la France et finit par s’installer au Monastier. C’est là que lui vint cette idée pour noyer sa peine. En 220 jours, il parcourra les Cévennes du Nord au sud avec pour seule compagne son ânesse, Modestine.
Le GR70 est un des plus célèbres de la région Languedoc Roussillon. Et son livre « A travers les Cévennes avec un âne » un succès.
Sur les conseils des propriétaires du relais je commence donc ma journée par 15km sur le sentier Stevenson ! Encore une fois je serais passée à côté sans discuter avec les locaux. Seule sur mes chemins noirs 🙂 à ce rythme je ne suis pas prête d’arriver mais quel bonheur !
Les gorges du Tarn
Puis encore un peu de nationale et je m’engouffre enfin dans les gorges du Tarn.
Sans mon vélo, ce couple d’Ispagnac ne serait pas venu m’indiquer cette petite route cachée que personne ne prend pour longer les gorges.
Ce vieux monsieur et habitant de Castelbouc, sans mon vélo, ne m’aurait pas expliqué par où passer pour découvrir son village de pierre accroché à la falaise.
Sans mon vélo, je n’aurais pas pu lever les yeux vers le ciel pour voir à quel point les falaises qui entourent les gorges sont hautes et imposantes. Ni ces familles de vautours qui rejoignent leurs nids au bout de ces pics de roche jaune qui crèvent la forêt.
Sans mon vélo, je n’entendrais pas l’eau couler dans les gorges en contrebas pendant que je les longe. Je n’entendrais pas les cigales. Je n’apprécierais pas autant de me glisser dans l’eau fraîche tout au long de la route.
Enfin ce réceptionniste ne m’aurait pas dit « vous venez nous voir de si loin en vélo. Je vous laisse le meilleur emplacement, juste au bord de l’eau ».
Il y a 5km j’ai quitté la Lozère et suis rentrée en Aveyron.
Cette journée a été parfaite. Comme quoi en voyage à vélo les jours se suivent mais ne se ressemblent jamais. « Pour bien vagabonder il faut peu de choses. Un terrain propice et un état d’esprit juste, mélange d’humeur joyeuse et d’envie de quitter l’ordre établi »
Demain matin baignade puis direction… j’en sais rien ! C’est ça qui est bon !
Déjà 580 KM au compteur
Ce matin je me sens libre, heureuse, mais fatiguée. Mon visage est marqué. Les yeux gonflés. Magnifique.
Je discute avec le saisonnier d’hier qui a vécu 5 ans à Sallanches. Et qui est apparemment ami avec Siphaï (un des trois cyclistes de Solidream pour ceux qui connaissent). Amusant.
Je termine doucement les gorges du Tarn qui débouchent sur Millau. Je traverse la ville. Elle est à ma surprise plutôt charmante. Mais aucune envie de traîner en mode citadine. Je repars aussi vite.
On m’a conseillé de continuer à longer la rivière. Je m’enfonce maintenant dans la Vallée du Tarn. En guise de porte d’entrée : le Viaduc de Millau. Bel édifice ou verrue dans le paysage, en tous cas il ne laisse pas indifférent.
Le Tarn change, il devient plus large. L’autoroute et la nationale sont loin derrière ou beaucoup plus hautes. Trop tard pour changer d’avis d’ici Albi, 80km plus loin.
Direction Albi
J’avance sur une mini départementale et n’en reviens pas qu’il existe encore des endroits comme ça en France. Tellement sauvage et perdu !
J’ai même eu peur à un moment de manquer d’eau. Plus personne ne passe par là. Toute la circulation se concentre sur les grands axes.
C’est beau !! Au début je grimpe et descend sans cesse. J’ai failli poser le pied vu comme c’était raide (failli j’ai dis).
Baignades dès que la route est au niveau de l’eau.
Vers 13h arrêt dans une petite épicerie (qu’ils ouvriront juste pour moi :). Ravitaillement pour le déjeuner. Je leur demande ce qu’ils me conseillent comme route (j’hésite à remonter une bonne fois pour toute au sommet de la vallée pour ensuite filer sur du plat). Ils me disent de rester sur celle où je suis, qu’elle est encore plus belle après.
Et m’indiquent que la route à venir s’appelle… la ROUTE DES TUNNELS !
C’est une blague ?!?
Je me dis que cette fois nous sommes sur une route asphaltée et qu’ils seront larges et éclairés. Que nenni ! Re-frontale. Je fais 80m dans le premier, large pour une voiture (et 500m de long) avant de me retrouver tétanisée et faire demi tour. J’attends environ 5mn et une camionnette finie par arriver. Avant même que je lui demande le monsieur a compris : « Passez devant moi je vous éclaire ». Oufff.
Les deux suivants auront un contournement réservés aux vélos. Je continue à rouler dans cette vallée vraiment hors du temps.
Trébas les Bains
J’arrive dans le village de Trébas les Bains où je m’installe au bord de l’eau. Un marché nocturne de producteurs locaux se met en place. Pour ça aussi la France est magique.
Ce soir ça fait une semaine que j’ai quitté Machilly. Oui parfois la solitude me pèse mais je suis tellement fière d’être seule sur les routes, d’arriver à être si autonome et de m’accomplir dans ce voyage.
« Rien ne vaut de passer un bon moment avec soi-même à parcourir les rayonnages de sa bibliothèque intérieure » ST.
Hâte d’être à demain que l’aventure continue !
Une maison avec Moi
Etonnant… tous les matins je range, plie mes affaires, les charge sur le vélo et monte dessus en me disant que j’ai avec moi tout ce dont j’aurais besoin pour vivre. De quoi me nourrir, m’abriter, me réchauffer, lire. Des jours, des semaines, des mois. Libérée de tout artifice matériel. Juste l’Essentiel (Mes enfants sur deux vélos derrière bien sur rhoo).
Il me reste environ 30km à travers la vallée du Tarn. Toujours aussi seule sur ces routes. Très vite, en quelques centaines de mètres, les montagnes qui m’entouraient disparaissent. La vallée s’ouvre. Je quitte au Nord d’Albi le Tarn que je suis maintenant depuis 3 jours.
Albi, on y est. Depuis hier je scrute ma carte avec un choix à faire. J’imaginais qu’il se ferait tout seul.
Depuis le début je suis cette ligne imaginaire qui file plein ouest. Elle passe aux environs de Montauban. Pour la rejoindre deux solutions :
- Plan 1 : Gaillac, départementale qui file droit.
- Plan 2 : plus au Nord, les gorges de l’Aveyron.
Je dois choisir entre beau mais dur… Et sans intérêt mais plutôt plat.
Comme à mon habitude je demande leur avis aux gens d’ici :
« Par Gaillac attention ça grimpe hein ! Vous allez vous amuser un moment! »
« Ah bah oui c’est sur que par Gaillac ça file droit et plat ! »
Ok donc pour les locaux je repasserais pour cette fois.
Le stop où il faut choisir. Devant ce stop deux ouvriers SFR s’étonnent de me voir faire route seule. Ils proposent et remplissent mes gourdes de sirop de fraise et d’eau bien fraîche. Ça leur paraît anodin ; je leur explique que ce sont ces petites choses qui comptent dans ma journée et qu’il n’en faudra pas plus pour me redonner courage.
Direction l’Aveyron
Les 30 premiers km seront juste horribles. Route dangereuse et des U de montagnes russes.
Je croise plusieurs « plus beaux villages de France » mais les voir d’en bas me suffit. Je n’ai plus le courage de pousser le vélo dans des rues pavées et raides, foulées en plus par des centaines de touristes.
Puis les gorges de l’Aveyron. Enfin je retrouve ces falaises qui m’entourent. Je les trouve moins belles que celles du Tarn car j’ai finalement rarement l’occasion de voir la rivière couler depuis la route.
Une baignade dans un coin secret que me montre un artiste retraité qui habite ici depuis 25 ans. Il me parlera de l’école des Beaux Arts, de sa vie sur les routes toscanes et amalfitaines.
Le compteur affiche 122km ce soir, je n’ai plus de jambes. J’ai trouvé in extremis ce petit camping. Encore 2km et je plantais la tente n’importe où, de fatigue.
Une longue mais encore belle journée d’itinérance.
Assez !
Oui, aujourd’hui, j’en ai eu assez.
Je l’ai senti dès le réveil. La journée allait être difficile. Du mal à me réveiller. Des douleurs. A peine 20km roulés et je me sentais déjà fatiguée. Plus d’énergie.
La fin de la vallée de l’Aveyron s’est bien passée. C’est ensuite que la sensation du matin s’est accélérée. Comme si chaque coup de pédale était compliqué.
Au sud de Montauban commencent aussi les « ennuis ». Une grande départementale hyper dangereuse (camions, pas d’accotement et des platanes tout près). Pour l’éviter je fais sans cesse à droite et gauche des détours en U qui me font faire 4km (avec côte de préférence) au lieu de 2. Je n’avance pas.
Dans le dur
Puis le Gers… imaginez un désert de dunes plus ou moins hautes. Mais raides. Entrelacées. Sans un replat entre elles, sur des dizaines de km. Une descente de 400m se termine, la côte de 400m commence aussitôt. La côte se termine, la descente commence aussitôt. Le tout entouré uniquement d’immenses champs cultivés (fourrages, maïs) sans charme. Peut être est ce la fatigue qui me fait dire ça.
Face à ma 12ième côte je craque. J’ai fais plus de 100km et pourtant, sur la carte, je n’avance pas.
J’ai aussi fais des erreurs que je paye aujourd’hui :
- 9 jours que je pédale sans discontinuer, j’aurais dû faire une journée de pause sans vélo,
- Mon alimentation.. il fait chaud du coup je me nourris peu et essentiellement de fruits, pain, fromages. Il aurait fallu beaucoup plus de sucres lents.
Je sais au fond de moi pourquoi je fais ça. Je sais que j’en ressortirais grandie. J’ai déjà vécu et ressenti tellement de belles choses. C’est normal de ne pas être dans l’euphorie constamment.
« AU REVEIL MES JOURNEES SE DRESSENT VIERGES, offertes en pages blanches. Je suis libre d’en disposer comme je l’entends, d’en faire des chapitres de lumière, de sommeil ou de mélancolie ». ST.
Nouvelle ambiance
Hier j’ai fais de ma journée un chapitre de mélancolie. Aujourd’hui je suis à nouveau prête à en faire un chapitre de lumière.
En grande partie grâce à ce camping où je suis arrivée hier soir, que je trouverais 2km après cette fameuse 12ème côte. Tenus par deux jeunes. Un cocon de gentillesse et bienveillance. Ils m’ont accueillis avec un large sourire, chouchoutés, garnis un petit déjeuner, offerts le café, conseillés des routes pour le lendemain, remplis les gourdes de sirop. Lorsqu’il s’est mis à pleuvoir fort, les campeurs sont vite venus me voir. Certains ont pris mon vélo, d’autres mes sacoches pour les mettre à l’abri.
Lorsque je reprends la route ce matin il pleut des cordes, la pluie me fouette les cuisses. Mais ce n’est pas grave ! Ce matin je suis d’humeur à partir à l’aventure, grignoter encore quelques centimètres sur la carte, découvrir de nouveaux horizons, peu importe ce qui arrivera.
Les routes ressemblent à celles d’hier mais je suis bien. La pluie s’arrête. Je respire à pleins poumons et profite de chaque coup de pédale.
A midi je m’arrête à Lectour et m’offre un mini foie gras entier et petite compotée de cerises noires. Avec du pain frais ce sera parfait pour tout à l’heure !
C’est amusant. Il y a encore trois jours on s’étonnait de là où j’allais et maintenant on trouve incroyable là d’où je viens. J’ai l’impression d’être partie depuis un mois et d’avoir vécu plusieurs voyages lors de cette traversée en vélo du Léman à l’Océan.
Proche de l’Océan
Je conviens de mon rendez-vous après demain avec mon ami Thomas, qui partagera l’étape finale vers l’Océan avec moi. Et oui il a eu le malheur de dire un jour « Si tu fais ça (traverser la France à vélo) je fais les 80 derniers km avec toi ! » Ahahah nous y voilà.
« EMMENE-MOI VOIR LA MER… FAIS-MOI VOIR L’OCEAN »
Il a encore plu fort cette nuit et en début de matinée aussi. J’attends sous la tente ; 9h30, la pluie se calme à peine. Il faut que je reprenne la route.
Lorsque je remonte en selle les dernières gouttes tombent. Même si la départementale ici est moins dangereuse je cherche quand même de petits chemins.
C’est à travers les vignes de Gascogne que je trouverais cette piste de terre sur environ 10km. La pluie s’est arrêtée, le soleil fait quelques apparitions et de fines fumées commencent à s’élever des vignes. Surprise ! des biches m’accompagneront à quelques reprises. Intemporel.
A Eauze
pause lavage de gambettes dans la fontaine.. Le vélo et moi sommes couverts de boue.
Et pause croustine. Depuis le début du voyage je rêve d’avoir une carriole pour ramener fromages de chèvre, cagettes de pêches, huile d’olive, vins, miel ou autres victuailles.
Je reprends la route. Celle que je viens de trouver s’enfonce et serpente dans les vignobles. Je me régale. Pour le déjeuner je m’arrête dans un tout petit village sur la placette de l’église. J’en profite pour faire sécher la tente pour dormir au sec ce soir.
Poursuite de la route jusqu’à Aire sur Adour. Je me dirige vers l’Office de tourisme. J’ai besoin de me faire conseiller un petit camping. Devant moi un voyageur à vélo demande sa route « oui parce que le Gers c’est juste impossible ». Ah ouff je ne suis pas une chouineuse 😉
Elle m’en trouve un tout petit à quelques kilomètres qu’elle appelle pour être sur qu’il reste une place
« Bonjour. J’ai une pèlerine qui cherche une place »
Une pèlerine ?? Ah mais oui je suis juste sur le chemin de Compostelle ! Je rectifie. Quoique.. un voyage en vélo peut s’apparenter à un pèlerinage.
Après tout ce que j’ai traversé, demain je verrais enfin l’océan après cette traversée en vélo du Léman à l’Océan Et quelque soit la météo qui nous accompagnera, il aura une couleur toute particulière pour moi.
Je ne pensais pas un jour pleurer en voyant l’Océan
Je retrouve Thomas. C’est avec lui et son vélo que je partagerais ma dernière journée. 120 km plus tard, épuisés par les kilomètres et le dénivelé marqué de la Chalosse, à la lueur du crépuscule, nous sommes face à l’Océan.
Epilogue de ma traversée en vélo du Léman à l’Océan
Émue, je quitte mes amis, l’océan et regarde par la fenêtre défiler les kilomètres de cette traversée en vélo du Léman à l’Océan
Ces 1200 kilomètres qu’il m’aura fallu gagner un par un, pendant 12 jours, je les vois disparaître en quelques heures à peine par la fenêtre d’une voiture.
Nous ne cessons de vouloir tout vite, aller vite. Pourtant, comme un éloge de la lenteur, je reste persuadée que prendre son temps nous permet de nous installer dans l’instant présent et nous sentir exister
Liste du matériel utilisé pour la traversée en vélo du Léman à l’Océan
CATEGORIE | MODELE | MARQUE | POURQUOI AVOIR FAIT CE CHOIX AU DEPART | CE CHOIX A-T-IL REPONDU AUX BESOINS DE LA SORTIE | SI C’ÉTAIT A REFAIRE |
VELO | Aspect | SCOTT | Je ne vois pas l’utilité d’investir dans un vélo de voyage | Entièrement, aucun problème mécanique | Je ferais exactement la même chose |
SACOCHES VELO | AQUA BACK | VAUDE | Réputation de la marque – Souhait de sacoches étanches et solides | Entièrement. Capacité suffisante. Bonne étanchéité. | Idem |
PNEUS | MARATHON PLUS | SCHWALBE | Increvables. | Entièrement. | Idem |
VESTE GORE-TEX | THE NORTH FACE | Compte tenu de l’effort à fournir et du poids à porter, il fallait un vêtement léger, transpirant et imperméable | Oui | Idem | |
MATELAS | NEO AIR XLITE | THERM A REST | Ultra léger et isolant. | Très résistant. Très confortable et isolant. Peut être un peu bruyant | Idem car j’avais fais le tour des blogs et je ne pense pas qu’il existe de matelas qui réunisse toutes les qualités : silencieux / isolant / confortable / ultra léger. |
0 commentaire
Vraiment fier de toi Heidi !!!
Merci pour ton récit Gaëlle, j’en ai mangé chaque miettes, j’adore +++. Ne t’arrêtes pas d’ecrire…c’est beau et frais…en bref tu as du talent. Félicitations pour ton périple, tu forces le respect. Bises.
Eddy.
Trop fière de toi Gaëlle ?
Bravo pour le partage, Gaëlle, c’est une expérience effectivement « dingue » mais pour les sensés de ce monde. Les autres, les « terriens » on te comprends ! Bel épilogue, je suis arrivée à la même conclusion après avoir accouché de mon fils à la maison, juste avec son papa ;-).
Soufflée par la performance et émue par le récit.
Merci Gaëlle!
Bravo l’aventurière ? on a hâte de découvrir la prochaine et on embarquerait bien dans tes bagages … parfois ?