Arnaud PASQUER nous partage son expérience de trekking et Alpinisme dans le Pamir Afghan en Afghanistan
Informations pour préparer une expé d’alpinisme dans le Pamir Afghan
Date :
Départ de France le 8 Juillet – Retour le 9 Août 2013
Lieu :
Afghanistan, corridor du Wakhan.
L’objectif de cette expédition était de sortir des sentiers battus et de faire un trek de 200km sur le haut Pamir afghan jusqu’au lac Zor Kul puis tenter l’ascension du Noshaq, 7492m, le plus haut sommet afghan, et d’en effectuer la descente à ski pour ma part.
Participants sur le trek et alpinisme au Pamir Afghan :
Arnaud Pasquer responsable de l’agence PASQUER VOYAGES ET AVENTURES, avec pour compagnons Alexandre Darrioulat et Franck Mazas.
Passionné de montagne, j’ai participé à des expéditions au Népal, au Pakistan, au Tibet (dont trois 8000 sans oxygène), et toujours en amateur.
Où dormir au Pamir :
Sous tente pendant toute la durée du séjour, mis à part dans des guesthouses dans les villages de départ (Ishkashim). La construction de ces guesthouses a été financée en partie avec l’argent international et elles pratiquent des tarifs imposés qui sont d’environ 25$ la nuit repas compris. C’est très cher comparé au confort qu’elles apportent car elles sont rudimentaires (toilettes faisant office de douche, matelas à même le sol). On en trouve au moins dans chaque village, notamment à Ishkashim, Qila-e-Panja et Sarad-e-Brogil.
Nous avons eu la chance de dormir aussi deux nuits dans une yourte de nomades peuplant le plateau du Pamir.
Il faut ajouter aussi une nuit d’hôtel à Douchanbé (Tadjikistan) le jour de notre arrivée , proche de l’aéroport, 30 à 50$)
Où se restaurer/où se réapprovisionner au Pamir :
Ishkashim, à la frontière avec le Tadjikistan. Quelques épiceries où on peut se procurer pas mal de nourriture pour la durée du séjour (légumes, féculents, conserves, biscuits …)
Caractéristiques sur le Pamir Afghan:
Le corridor du Wakhan est une longue et étroite portion du territoire afghan, où coule la rivière Wakhan, et située au nord du pays, coincé entre le Tadjikistan et le Pakistan. Au nord, ce qu’on appelle le Pamir afghan se compose du petit et du grand Pamir : son plateau se situe aux alentours de 3000m et certains cols sont à quasi 5000m. Le plateau est désert, à part des peuples nomades, notamment kirghizes, qui y séjournent en yourtes. Notre trek s’est déroulé plus ou moins sur le tracé jaune puis bleu de cette carte :
L’Indu Kush, lieu de notre expédition alpine, est la chaîne de montagne située au sud du corridor, à cheval entre l’Afghanistan et le Pakistan, parsemée d’une multitude de sommets entre 5000 et 6000m, et certains sommets de plus de 7000m, dont le Noshaq, 7492m, plus haut sommet afghan, situé à la frontière avec le Pakistan.
Bibliographie / filmographie sur le Pamir :
- le livre « Les cerfs volants de Kaboul » pour comprendre un peu l’histoire tourmentée de ce formidable pays.
- le site de la première expédition afghane au Noshaq, après plus de 20 ans de guerre.
Ce film nous a fortement donné envie d’y aller à notre tour.
Logistique pour un trekking au Pamir:
Atteindre le corridor de Wakhan en Afghanistan est beaucoup trop dangereux et risqué de le faire depuis Kadoul (il n’y a d’ailleurs pas de vol Paris-Kaboul). Il faut le faire via le Tadjikistan (capitale Douchanbé) au Nord et la frontière située à Ishkashim.
Visa tadjik disponible à Bruxelles par correspondance et visa afghan à Paris.
D’autres autorisations sont à obtenir à Ishkashim (prévoir une journée complète pour ces formalités).
Renseignements pour le Pamir :
Mécène/Fondation privée qui œuvre (entre autre) pour le développement du tourisme en Afghanistan, et précisèment dans le corridor du Wakhan. Ils ont une antenne basée à Ishkashim et éditent un petit fascicule sur le trekking dans la région.
Vieilles cartes russes trouvables en ligne.
Budget pour un trekking au Pamir :
Pas de royalties pour les sommets, juste un permis de trekking pour traverser le haut-badakchan tadjik et le pamir afghan.
Les visas ainsi que les permis de trekking reviennent à une centaine d’euros et les vols pour Douchanbé sont à 800 euros environ.
La nourriture est bon marché, les déplacements en jeep côté tadjik sont abordables, par contre le prix des rares jeeps présentes à Ishkashim et permettant d’entrer dans le début du corridor est codifié et assez coûteux.
L’ensemble de l’expédition pour un mois est revenu à moins de 2000 euros par personne.
Prisonniers d’Afghanistan, ou comment combiner trek et alpinisme dans le Pamir Afghan !
L’idée était donc de gravir et descendre à skis le Noshaq, 7492 m, plus haut sommet d’Afghanistan, à la frontière avec le Pakistan.
Deux jeunes grenoblois avides d’aventure (et dont ce sera la 1ère expé) sont partants. Je décide de proposer à des trekkeurs de partir avec nous dans le pamir afghan avant l’expé afin de mutualiser les frais. A ma grande surprise, mon offre rencontre un grand intérêt notamment au sein de la gente féminine. Nous serons huit en tout.
Visas et billets d’avion en poche, il a fallu essuyer les blagues nerveuses des collègues :
Tu pars où cet été ?
En Afghanistan…
Ah… nous ne t’oublierons pas !
Rassurer les proches :
Ne vous inquiétez pas c’est la région la plus sûre du pays, les talibans n’y ont jamais mis les pieds, d’ailleurs la vallée qui monte au camp de base du Noshaq est minée…
Comment ça minée ?!??
Le dimanche 8 juillet c’est enfin le départ… et le début d’une longue série d’embûches !
Cela commença avec un bagage égaré (LE sac qui contenait notamment du matos d’alpi et le téléphone satellite), que nous ne retrouverons qu’au retour, puis une longue journée passée à négocier un taxi pour traverser une partie du pays. Après plusieurs espoirs déçus, nous partons finalement peu avant 19h dans un minibus Toyota fraîchement réparé dont le chauffeur promet de nous emmener jusqu’à la frontière à Ishkashim pour 650$.
Une dernière halte pour faire le plein et nous prenons enfin de la vitesse… mais l’euphorie du départ est de courte durée : une vache suicidaire traverse la route bitumée et vient heurter notre bolide qui s’immobilise sur le bas côté. La propriétaire du bovidé arrive en hurlant, rapidement rejointe par d’autres passants sortis de nulle-part. La situation tourne presque au pugilat… pendant que notre chauffeur s’affaire aux réparations.
Vers 22h notre carrosse est réparé et nous repartons donc, avec une fuite inquiétante à laquelle il a été remédié en supprimant quelques tuyaux.
Après 24h de cahots, nous arrivons à destination en pleine nuit… du moins le pensons-nous. Mais en réalité nous ne sommes qu’à Khorog, et notre chauffeur nous réclame de l’argent supplémentaire pour nous emmener à bon port ! Il refuse de décharger nos bagages et nous devons presque en venir aux mains pour les récupérer.
Le lendemain matin, nous émergeons de notre courte nuit, rangeons nos affaires et trouvons rapidement une jeep bon marché pour nous déposer à la frontière afghane. La route longe une rivière déchaînée et le paysage alterne entre steppe rocailleuse, îlots de verdure sauvage et champs cultivés (pommes de terre, pois, céréales). Nous mettons moins de 3h pour arriver à la frontière.
Nous sommes le mercredi 11 juillet : déjà 3 jours que nous sommes partis de Paris…
Le passage de la frontière (un pont fermé par un portail) se fait sans encombre et nous rencontrons au village d’Ishkashim notre contact afghan, avec qui nous étions en contact de façon sporadique par mail. Nous entamons ensuite les démarches pour obtenir les autorisations nécessaires à notre trek et à l’expé qui suivra. On se croirait à la recherche du formulaire 2A dans la maison des fous des 12 travaux d’Astérix… Nous n’arrivons pas à tout boucler avant la fermeture du bureau de la police aux frontières qui doit valider nos précieux sésames : il faudra revenir le lendemain. En attendant, nous déballons nos affaires et séparons ce que nous emmenons pour le trek de ce que nous laisserons à Qazi-Deh pour l’expé. Repas de fête pour le dîner : soupe, riz, pain, salade, poulet et pastèque !
Le 12 juillet à midi passé
une fois les bagages chargés, les vivres achetées, nous décollons enfin avec notre guide afghan, Djalil, Sari, notre cuisinier et 2 véhicules dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne sont pas d’égale aptitude à rouler sur la piste qui s’engage dans la vallée (le choix appartient au bureau des transports qui veille à une équitable répartition des courses entre les chauffeurs). La suite nous prouvera par ailleurs que le chauffeur le moins bien loti surestimait largement la puissance de son moteur : quasi arrivé au sommet d’une pente assez forte, son engin cale et part en glissade sur le travers, menaçant de poursuivre en tonneaux droit dans la rivière en contrebas ! Alors que nous récitons déjà un Pater et trois Ave, le minibus est heureusement stoppé sur l’arrière par un rocher.
Nous rallions finalement le village de Khandud où nous devons rencontrer le gouverneur pour obtenir son laissez-passer. Comme rien ne se passe comme prévu, celui-ci est parti et ne sera de retour que le lendemain… Nouvelle nuit forcée en guesthouse.
Le vendredi 13 juillet nous porte plutôt la poisse
prêts dès 8h30 nous apprenons que nous ne pourrons repartir qu’à 15h. Le retard s’accumule, la question de raccourcir le trek pour préserver l’expé commence à se poser. Mais nous finissons par nous en tenir au programme initial, espérant gagner une journée sur la descente depuis le lac jusqu’à Sarad. Nous arrivons en fin de journée à Wuzed d’où démarre notre trek. Les sacs sont pesés : 8 ânes seront nécessaires pour le portage. Notre voyage à pieds commence enfin ! Et de la plus rafraîchissante des manières : nous devons traverser un torrent glacé, dans un fort courant mais la montée jusqu’à un col situé à 4500m nous réchaufferra. De là nous échangerons nos ânes contre des yacks.
Compte-tenu de notre planning serré
les 2 jours suivants nous laissent songeurs : bien que le soleil pointe le bout de son nez dès 4h, il est difficile de lever le camp avant 8h. Nous insistons pour aller un peu plus loin que ce que les meneurs de yaks ont prévu, mais nous apprenons rapidement que si nous avons l’argent, les afghans, eux, ont le temps… et qu’on ne bouscule pas comme ça les règles des « local men » : il faut changer les animaux à chaque campement traversé… Nous avançons ainsi péniblement, mais dans un panorama absolument grandiose (des sommets de 6 à 7000 m se dressent de tous côtés), remontant le cours de la rivière Pamir, tantôt dans les rochers, tantôt dans le sable, traversant d’immenses plateaux et gravissant d’innombrables buttes.
Le Buzkashi
Un jour, au détour d’une épaule, nous découvrons sous nos pieds une large vallée au fond de laquelle serpente paresseusement un petit ruisseau et où de nombreux cavaliers s’affairent : c’est jour de buzkashi ! Nous descendons vers le village kirghize pour assister au spectacle de ce jeu où deux équipes se disputent la dépouille d’un mouton remplie de sable. Pour un peu nous croyons être passés de l’autre côté de l’écran et nous retrouver au milieu d’un documentaire : quelle chance d’être témoins de cette tradition ancestrale !
Après avoir soigné quelques victimes de ces joutes musclées, nous nous apprêtons à passer la nuit dans l’une des yourtes du village. Pour nous consoler du retard accumulé, Sari se met en quête d’un repas protéiné : un mouton est sacrifié dans l’heure et nous mangeons le plus délicieux des kebabs sous le regard hilare de nos hôtes.
Le lendemain la journée s’annonce très longue
pour arriver au fameux lac Zor Kul avant la nuit, point d’orgue de notre trek. Le temps de quelques photos et c’est reparti pour la descente : une nouvelle rivière est franchie, un long, très long, plateau herbeux est parcouru en mode « zombie » et chacun atteint le campement kirghize en ordre dispersé à la nuit tombée. 5ème nuit à plus de 4000m. Et désormais nous nous engagerons dans une verte vallée, ou l’on peut pêcher, en direction de la montée vers le Showr Pass (4890 m).
Il neige durant la nuit et l’ambiance est toute hivernale.
Nous cheminons vers le col au milieu d’éboulis et de cascades, passons plusieurs verrous avant d’arriver à la dernière pente de neige. Et nous restons un long moment au col puis engageons la descente au milieu d’énormes blocs, tandis que la caravane a contourné plus à droite et longe une impressionnante langue de neige. Puis nous rejoignons le fond de la vallée, et avançons dans des prairies marécageuses jusqu’à notre ultime campement. Le diner est vite expédié, les vivres commencent à se raréfier…
La fonte des neiges a grossi les torrents qui ne sont franchissables qu’aux rares endroits où un reliquat de glacier les enjambe. Et il faut donc souvent remonter… avant de redescendre dans la vallée du corridor. Il reste encore à faire les cabris pour dévaler un immense pierrier et longer à flan un sentier assez scabreux où il ne ferait pas bon trébucher. Mais le spectacle à l’arrivée valait bien tous ces efforts : nous débouchons avec les derniers rayons du soleil au-dessus d’une vallée bordée d’oasis de verdure et de magnifiques sommets et où serpente le fleuve Wakhan. En bas nous attend une guesthouse, un bon repas et de quoi nous laver !
Le 22 juillet, nous reprenons la piste en 4×4 direction Qazi-Deh.
Nous faisons étapes à Kala-e-Panja, puis à Qazi-Deh, d’où nous allons dire adieu à nos trekkeurs, pour remonter la vallée menant au Noshaq et commencer la partie alpinisme de notre voyage au Pamir.
Nos porteurs (seulement 12) recrutés, notre guide et notre cuistot renvoyés faute d’argent, nous partons (enfin) pour la vallée minée du Noshaq. Nous ferons…2 kms… Sitôt passée la sortie du village, les militaires nous stoppent. Nous ne comprenons pas, tentons de négocier. Le chef de la police arrive en jeep, Malang s’en mêle et défend notre cause pendant trois heures et même le lendemain à l’aube : c’est le 1er afghan à être allé au sommet en 2009, lors de la 2ème grosse expé internationale – avec guides français – organisée pour célébrer la fin de la guerre, et il habite ce village.
Rien n’y fait. Nous apprenons ce qu’il s’est passé à la frontière tadjike, les 150 à 200 morts, la frontière fermée. Et la présence de mines, la pénurie de soldats pour nous accompagner, la peur que les taliban pakistanais profitent du chaos ambiant pour venir par cette vallée, font qu’ils nous interdisent définitivement l’accès à cette vallée et même à tout l’Indu Kush ! Douche froide mais il nous faut rebondir.
Le chef du village, au courant de notre périple (il faut dire qu’il n’y a pas foule qui vient ici) nous montre un livre écrit par un guide italien amoureux de la région (c’est lui qui avait organisé la 1ère expé de retour ici après 25 ans de guerre). C’est le seul semblant de topo existant sur la région. Quelle trouvaille ! Nous retournons avec à Ishkashim et négocions le droit d’aller quand même dans une vallée fermée par un cirque et n’aboutissant pas à la frontière pakistanaise. Demande accordée !! Waahouuu !
Entre temps, je passe voir Malang
qui me prête gentiment ses chaussures d’alpi, des Koflach des années 80, trop grandes pour moi mais qui me rendront bien service puisque je n’avais que mes chaussures de ski ! (Alexandre et Franck, eux, n’avaient pas prévu de skier donc avaient leurs grosses). C’est donc plein d’entrain que nous partons désormais en taxi (jeep) en direction de Kishni-Khan, le petit village situé au pied de la vallée du même nom que nous allons explorer. Nous recrutons difficilement sept porteurs dans le petit village pour monter notre matériel en haut de la vallée. Difficilement car les villageois ne s’aventurent pas si haut sur la montagne qu’ils jugent dangereuse. Nous payons un bon prix, et c’est tout le village qui nous remercie, notamment les épouses, et le chef du village nous convie à un déjeuner chez lui, où tout le monde restera à nous regarder manger !
Il nous faudra seulement deux petites demi-journées pour remonter la vallée, le long de versants instables, et atteindre un bon emplacement de camp, situé au pied des montagnes, à 4300 m. Compte tenu des problèmes rencontrés nous prévoyons plus de jours pour rentrer et donnons rendez-vous à nos porteurs une semaine plus tard au même endroit, en espérant qu’ils aient bien compris le message (pas facile de communiquer même par signes dans des langues différentes).
Le cirque glaciaire de Kishni-Khan
Dans l’après-midi, nous partons faire une reconnaissance et remontons la moraine. Le cirque glaciaire de Kishni-Khan est à la fois petit et imposant. Deux sommets secondaires se dressent au milieu, sur les côtés, quelques sommets ou crêtes séparant les vallées deux à deux, et tout au fond du cirque, se dresse le Koh-e-Kishni-Khan, culminant à plus de 6500 m. L’arête, atteignable depuis un éperon raide et neigeux, semble difficile mais prenable, si on y consacre toute son énergie et plusieurs jours.
Il ne faudra pas chômer si on veut y aller. Pour l’instant, nous souhaitons gravir le Koh-e-Kalat, accessible depuis notre camp de base. Une fois un replat atteint en passant par de raides éboulis, une pente de neige semble aboutir à son sommet. Nous l’avions repéré en montant la veille. D’ici, on ne voit pas grand-chose mais d’après notre semblant de carte, son altitude varie entre 5300 m et 5600 m. Aucun descriptif. Exaltant !
Nous partirons de nuit à l’assaut du Koh-e-Kalat.
Ensuite, nous monterons établir un camp avancé dans le cirque de Kishni Khan, au pied de l’éperon. Après on verra.
À 2h, nous partons à la lueur de la frontale dans la moraine. L’attaque de la pente avait l’air proche la veille, or c’est une succession de collines d’éboulis, chacune masquant la suivante, et nous voilà embarqués dans une galère… On s’y perd un peu, Alex se repère mieux alors on le suit. Nous partons à gauche en longeant la paroi et plus ça va, plus ça devient raide. Les pierres roulent, il faut bientôt s’aider des mains au milieu d’un champ de pierres instables, ça devient presque de l’escalade.
Le temps passe et c’est à l’aube que nous atteignons le replat. Sans blessé et c’est presque un miracle !
Nous avons fait peu de dénivelé (nous sommes à 4650m) mais la pente de neige est désormais droit devant nous ! Nous nous équipons et nous encordons. L’inclinaison est raisonnable sur les deux cents premiers mètres, puis la pente se redresse et reste soutenue tout du long. Des barres de séracs menacent depuis le haut de la rive droite. La neige enfonce franchement, jusqu’à une couche de glace qui rend le cramponnage parfois délicat.
Peu à peu nous montons, la barre symbolique des 5000 m est franchie.
Le sommet de la pente est proche, mais celle-ci se raidit et nous commençons à flancher. Le soleil commence aussi à réchauffer la pente, je me dis qu’il ne faut pas traîner afin d’être de retour avant que des coulées ne partent. Les crevasses se franchissent facilement, et nous débouchons à un col. De là, on peut apercevoir le sommet et cela nous donne du baume au cœur.
Nous laissons alors nos sacs au col et attaquons les pentes sommitales où l’on s’enfonce encore diablement. L’effort est rude, mais nous ne fléchissons pas. C’est en fin de matinée, exténués, que nous arrivons en haut. Yes! J’aurais fait la trace de bout en bout et c’est une grande joie pour moi que d’avoir emmené mes deux lascars là-haut. Mine de rien ils viennent de battre leur record d’altitude à 5500m, en empruntant un itinéraire non décrit. Après toutes les péripéties subies depuis le début de l’expédition, nous savourons ce moment et rentrons fatigués mais heureux à notre camp, en faisant bien attention à la descente.
Repos le lendemain car nous sommes très fatigués.
Puis nous effectuons des allers-retours sur la moraine pour déplacer tout notre camp plus haut, en plein centre du cirque, à 4900m, afin de voir ce que nous pouvons faire là-haut. Nous creusons une terrasse dans la neige.
Nous découvrons aux jumelles que nous ne pourrons pas faire le Kishi-Khan avec les jours qu’il nous reste au vu de la difficulté technique et de la hauteur de cette face. Dès lors nous partons en reconnaissance et effectuons une petite course, en montant sur le pic planté en plein milieu du cirque.
La pyramide de neige située sur l’arête du Kishni-Khan sera la course suivante
départ à 4h30. L’acclimatation a fait son œuvre, nous sommes en meilleure forme que quelques jours auparavant. Le temps est superbe, le ciel parfaitement pur et nous bénéficions d’un bon regel. L’attaque des pentes se fait sans souci, la neige crisse et tient bien sous nos crampons.
Le passage plus raide est facilement expédié et nous sortons au soleil sur une large selle. La pyramide se trouve sur la droite et s’atteint facilement. Le panorama qui se découvre à nous est époustouflant. L’Indu Kush afghan se déploie dans toute sa splendeur. L’arête neigeuse menant au sommet du Kishni-Kan n’est pas très évidente, mais tentante. Dommage. Au loin, une imposante masse de roc et de glace : le Koh-e-Mandaras, à 6628 m. Vers l’Est, de nombreux et beaux sommets de plus de 6000 m. Derrière nous, le Pamir tadjik. Superbe spectacle. Mais le Noshaq est bien caché, nous ne pouvons pas le voir ! Nous savourons toutefois pleinement ce moment. Une grande joie partagée. Cette ascension sera la dernière.
Deux jours plus tard
perché sur un rocher je vois arriver les porteurs au loin, à l’heure prévue, c’est un vrai soulagement !
Maintenant nous devons rentrer à Ishkashim pour nous informer de la situation à la frontière… Elle ne s’est pas améliorée, bien au contraire…
Les trekkeurs, par une chance incroyable, ont réussi à passer à la frontière au niveau de Khorog, à l’épicentre des troubles. Or la région de Khorog est fermée aux étrangers, les touristes en provenance de Douchanbé se font refouler, le réseau téléphonique et Internet sont coupés. Quelle sera la situation pour nous ?
Nous rassemblons nos dernières économies (pas moyen de retirer de l’argent dans cette région), et engageons un taxi, accompagné de notre fidèle guide Djalil, qui avait déjà accompagné les trekkeurs.
Le trajet se déroule sans encombres
sauf une fouille complète des bagages à un checkpoint (contenu des appareils photos inclus), qui prendra un certain temps. Les garde-frontière sont un peu sur les dents. A la frontière en face de Khorog, impossible de passer. Nous y rencontrons un général et nous lui faisons part de nos problèmes. Fier que l’on soit venu dans son pays pour escalader ses montagnes, il nous promet de nous aider et œuvre en coulisses pour plaider notre cause auprès des Tadjiks.
Deux jours passent et rien n’y fait. Je lui avais soufflé lors de notre rencontre que si quelques-uns de ses hommes se rendaient au nord (à la seule frontière ouverte), nous pourrions nous joindre à eux… il s’y rend effectivement le lendemain mais il est réticent à nous y emmener. Nous n’avons plus assez d’argent pour reprendre une jeep et il ne nous reste que peu de temps pour pouvoir prendre notre avion à Dushanbé, la situation devient problématique. Finalement, en pleine nuit, à 2h30, il appelle :
« vous avez une heure pour nous rejoindre, nous partons ! ».
Une journée complètement folle débute alors
Les véhicules (une trentaine !) manœuvrent, les moteurs rugissent, les faisceaux des phares éblouissent. Vite, nous chargeons nos sacs dans un camion bâché, puis nous grimpons à l’arrière dudit camion, et partons, assis et sautant sur des caisses d’explosifs. Le convoi s’enfonce dans la montagne, sur une piste à l’afghane : défoncée, sinueuse, étroite, bordant des précipices… Au bout de quatre heures de secousses, nous sommes noirs de poussière et toussons sans arrêt. Un calvaire ! Il fait jour et un camion crève. Le reste du convoi est devant, seuls restent un camion et un blindé. Nous sortons les appareils photos et sympathisons avec les soldats afghans.
Très vite, la séance tourne à la grande crise de rigolade : au milieu de soldats hilares et qui en redemandent sans cesse, téléphone portable au poing, nous prenons en main certaines armes du convoi, prenons des poses, mimons des scènes d’action et tournons même quelques séquences de films. 2h après, nous reprenons la route et traversons certaines zones rendues dangereuses par la présence de talibans. Avec ces soldats à nos côtés, nous sommes en sécurité. 24H plus tard, arrivés à Konduz, le général demande alors à 6 de ses hommes de nous conduire en jeep à la tombée de la nuit à la frontière. Merci !!
Après une dernière crevaison à quelques kilomètres de la frontière
qui rendra nerveux nos soldats et une nuit passée à la frontière dans un bâtiment militaire afghan où nous croiserons au matin des soldats américains médusés, nous arriverons juste quelques heures avant le départ de notre vol, et serons accueillis par l’ambassadeur lui-même, un attaché militaire, un flic en civil et le vice-consul, qui nous passent un savon… pour avoir désobéi aux ordres de l’état français, qui était de ne pas bouger (sic) !
J’avais tout imaginé, et même si nous nous rendions dans la région la plus « sûre » d’Afghanistan (et quasi la seule), je m’attendais à pas mal d’imprévus, y compris des difficultés pour entrer dans le pays. Mais que l’on ne puisse pas le quitter suite à des heurts très violents au Tadjikistan (qui est sorti de la guerre civile il y a 15 ans), ça, je ne l’avais pas prévu !
Reviendrais-je ou faut-il aller dans cette région ? Je dirais oui, assurément, pour la beauté et la quiétude du Pamir, le terrain de jeu en alpi qui est très conséquent côté Indu Kush. Mais peut-être pas tout de suite : malgré une volonté manifeste de vouloir développer le tourisme, ils ne sont pas encore vraiment prêts (trop de règles, prix des jeeps et surtout des nuits bien trop chers, pertes de temps en autorisations, interdictions, etc.). Ou alors y aller en connaissance de cause, en prévoyant double de temps.
Déçu ? Non. Je souhaitais partir en expédition faire une descente d’anthologie à ski, j’ai plutôt fait un beau voyage. Mais comme l’a si bien dit Franck en conclusion de son long compte-rendu :
« Jamais nous ne regretterons ce voyage. Jamais nous n’oublierons l’Afghanistan. »
MATERIEL UTILISE POUR UN TREKKING ET ALPINISME AU PAMIR AFGHAN:
CATEGORIE | MODELE | MARQUE | POURQUOI AVOIR FAIT CE CHOIX AU DEPART | CE CHOIX A-T-IL REPONDU AUX BESOINS DE LA SORTIE | SI C’ÉTAIT A REFAIRE |
VESTE | K PRO | MILLET | Imperméabilité | oui, elle a subi plusieurs tempêtes de neige avant et après cette expé sans problèmes. | On pourrait se tourner vers un modèle un peu plus léger pour cette destination |
TEE-SHIRT | LUCKY WOOL | MILLET | confort | confortable et absence d’odeur, appréciable quand on doit le porter plusieurs jours… | La laine Merinos, on ne peut plus s’en passer après l’avoir essayée. Ce tee- shirt peut se porter seul ou sous une polaire. Pas absolument nécessaire mais appréciable ! |
PELLE | SNOWPLUME | ARVA | sa robustesse | le manche s’est cassé au niveau du trou dans l’avion | on se tourne souvent vers le moins cher donc une pelle en plastique, mais c’est trop fragile quand il faut creuser dans de la neige dure et cela peut facilement casser. J’en avais déjà fait l’amère expérience.Et là, c’est le manche carbone qui fut trop fragile. Désormais je me tournerais vers quelque chose de solide quelqu’en soit le poids. Pelle Eco/ Lynx ? |
COINCEURS | CAMALOT | BLACK DIAMOND | sa réputation | une valeur sûre, c’est robuste et ça se voit | on n’en a pas eu l’utilité |
SOUS-GANTS | CAIRN | prix | ont été vite trouvés | d’autres sous-gants comme par ex ceux de la marque Arva m’auraient semblé plus appropriés | |
CRAMPONS | G 12 BEW CLASSIC | GRIVEL | La marque | Adaptés | Adaptés pour cette expé mais les G14 me paraissent meilleurs pour les parties en glace |
SOUS-VÊTEMENT | M INT | ICEBREAKER | respirabilité | bien mieux que le coton | ce n’est pas donné mais une fois adopté c’est bien agréable quand même… |
CHAUSSURES | TRANGO | LA SPORTIVA | fiabilité, souplesse | En montagne, j’adopte souvent des chaussures du modele Trango (il y a plusieurs variations de ce modèle), en expédition je prends les Everest Millet. | Pour ce voyage, je n’avais pris que mes chaussures de ski donc j’ai du emprunter des chaussures à coques rigides du seul alpiniste de la région, Malang. Les coques sont un choix que je déconseille fortement, on baigne vite dans l’humidité ! et se geler ensuite les pieds |
GANTS | LAINE | ORTOVOX | chaleur de la laine | tellement contents de ce genre de produits que j’ai aussi la version moufle | Attention à ne pas les prendre trop grands quand même (j’ai fait l’erreur pour les moufles). J’ai aussi une paire de surgants en goretex, une paire de gants chauds et des moufles en duvet, et une paire assez fine avec un bon compromis dextérité/ chaleur. C’est important d’avoir plusieurs paires de gants suivant les conditions du moment et toujours au moins une paire en secours dans le sac (deux en ce qui me concerne, ça a déjà dépanné mes compagnons) |
PIOLET | JAGAUR | SIMOND | Le poids | suffisamment long, j’apprécie d’avoir une vraie ‘canne’ dans les parties faciles | Il a fait son temps et on est plus dans le domaine du sentimental … il existe des piolets bien plus légers, et légèrement courbé, que l’on peut prendre en grande taille. Par exemple le Summit de Petzl ou le Air tech de Grivel |
MATELAS | PROLITE | THERMAREST | Son confort | oui, comme d’habitude ! Jamais eu d’accroc | il en existe de plus court mais j’apprécie d’avoir un matelas de haut en bas, surtout quand il fait froid, plus court serait source d’inconfort |
PANTALON | OTTO | TRANGOWORLD | Sa polyvalence | Ni trop chaud, ni trop froid, agréable à porter | Le bas du pantalon est trop large, il y a risque de l’abîmer avec des coups de crampons. Désormais je privilégie un pantalon serré en bas. |
SAC DE COUCHAGE | COMBICONFORT | VERTICAL | Sa polyvalence | peut se transformer en doudoune mais c’est le fait que l’on puisse ouvrir les bras donc lire dans son sac de couchage que j’ai apprécié | bon sac et bon rapport qualité/prix mais doudoune peu exploitable. D’autres sacs de couchage sont de très bonne qualité, c’est vraiment le poste sur lequel il ne faut pas lésiner |
SURSAC | GHARMA | VERTICAL | en cas d’imprevu | ne pèse pas lourd et ne prend pas de place, à garder en fond de sac | un sursac peut toujours servir, si on est pris dans une tempête par exemple, je ne me sépare plus d’un sursac quand je fais une sortie un peu engagée |