Julien DEFOIS nous partage son expérience de l’Ascension du Mont-Blanc
Informations pratiques pour l’ascension du Mont-Blanc
Date
7 et 8 août 2010 (Dômes de Miage), 10 et 11 août 2010 (Mont Blanc)
Lieu
France, Rhône Alpes, Haute Savoie, communes de Saint Gervais les Bains (Mont Blanc) et des Contamines Montjoie (Dômes de Miage).
Pour se rendre en vallée de Chamonix, si vous avez envie d’un voyage interminable, n’hésitez à prendre le train ! Pour ceux qui ont moins de temps, un covoiturage ou votre véhicule personnel sera parfait.
J’ai fait un covoiturage de Toulouse jusqu’à Albertville. Puis du stop jusqu’à Chamonix, sans aucun problème dès lors qu’on s’identifie bien comme un montagnard.
Pour se déplacer une fois sur place, vous pouvez prendre le train (Mont Blanc Express) ou les bus. Ces transports sont gratuits entre Servoz et Vallorcine si vous avez la carte d’hôte à retirer auprès de votre hébergement touristique.
Participants pour l’ascension du Mont-Blanc
Tous les membres du CAF de Toulouse:
- Adrian
- Seb
- Fanny
- Romain
- Fabienne
- Alban
- Julien DEFOIS auteur de :
Où dormir pour l’ascension du Mont-Blanc
- Dans la vallée : nous avons dormi au camping Pierre Semard à Montroc, Argentière.
Il existe une multitude d’hébergements dans la vallée de Chamonix, allant du camping simple et basique (notre option) à l’hôtel de luxe. À voir ce qui vous convient le mieux !
- Dômes de Miage : le refuge des conscrits est votre meilleure option si vous ne voulez pas dormir dans votre tente. Accueil chaleureux, repas qui laissent un bon souvenir et cadre très agréable.
- Mont Blanc : le refuge de Tête Rousse à 3165m constitue une possible étape sur la voie du refuge du Goûter, situé à 3815m. Depuis mon passage en 2010, les choses ont beaucoup changé et il n’est plus possible de dormir au refuge du goûter sans réservation. Ce refuge a d’ailleurs été reconstruit entre temps. Vous pouvez également vous arrêter dormir au terminus du train, au refuge du Nid d’Aigle.
Un permis pour le Mont-Blanc
Suite à de sérieux problèmes d’incivilités et de surfréquentation sur la voie normale du Mont Blanc, les acteurs impliqués dans la gestion de la montagne ont décidé que l’an prochain, en 2019, le nombre maximum d’alpiniste se rendant quotidiennement au Mont Blanc par la voie normale, dite voie royale, serait de 214, soit le nombre de places disponibles dans les 3 refuges situés sur l’itinéraire. Les personnes justifiant d’une réservation dans un de ces refuges se verront délivrer un document les autorisant à gravir le Mont Blanc. Des agents assermentés contrôleront ces « permis ».
Où se restaurer/où se réapprovisionner pour le Mont-Blanc
Dans les refuges !
En bas, les possibilités ne manquent pas. Le samedi, c’est jour de marché à Chamonix, avec de nombreux producteurs locaux. Les restaurants sont innombrables dans la vallée et vous trouverez dans presque tous les villages des épiceries ou des supermarchés.
Office du tourisme autour du Mont-Blanc
Caractéristiques du Massif du Mont-Blanc
Gravir le Mont Blanc par la voie normale constitue une course d’alpinisme. Il est nécessaire d’être équipé pour la progression sur glacier. Une longe peut également être utile pour l’ascension de l’aiguille du Goûter.
Le Mont Blanc se situe à plus de 4800 m d’altitude. Ce qui implique d’abord une météo particulière, instable et parfois extrême même en été. Des vêtements chauds peuvent vous sauver la vie : les cas de décès par hypothermie sont fréquents dans ce massif. De plus, l’altitude va souvent générer le mal aigu des montagnes. Fatigue, nausées, maux de tête, insomnie en sont, entre autres, les manifestations. Pour l’éviter, une bonne acclimatation sera d’une grande d’aide. Vous pouvez faire des courses entre 3500 et 4000m avec nuit en refuge la semaine précédant l’ascension.
Quoi d’autre dans les environs du Mont-Blanc
Le massif du Mont Blanc est un terrain de jeux sans fin et Chamonix n’usurpe pas son surnom de capitale mondiale de l’alpinisme. Il y en a pour tous les goûts et pour tous les niveaux.
Activités autour de Chamonix
D’autres activités originales sont bien entendu possibles : randonnée, trail, canyoning, VTT de descente, ski de randonnée (hiver printemps).
Ascension du Mont-Blanc
Alpinisme autour de Chamonix
Ski de rando autour de Chamonix
Randonnée autour de Chamonix
Escalade autour de Chamonix
Trail autour de Chamonix
Mer de glace
Alpinisme autour du Mont-Blanc
Le massif du Mont-Blanc fourmille de courses d’alpinisme plus ou moins faciles au départ de très nombreux refuges qui jalonnent ses flancs. De quoi vous occuper pendant des semaines.
L’hiver, les stations de ski et les remontées de haute altitude (Grands Montets et Aiguille du Midi) vous offriront de belles descentes dans un décor de rêve.
Pour les amateurs de grande randonnée, il y a bien sûr le tour du Mont Blanc, le grand classique de la vallée, très fréquenté. Vous avez également d’autres itinéraires plus confidentiels mais pas dénués d’intérêt, comme le tour des Dents Blanches, situé dans la vallée voisine de Samoëns, ou le tour des Aiguilles Rouges, situé dans la vallée de Chamonix. Vous pourrez également monter vers le lac Blanc, dans le massif des Aiguilles Rouges, pour profiter d’une vue magnifique sur le Mont Blanc, les Drus, l’Aiguille Verte ou encore les Grandes Jorasses.
Bibliographie sur le Mont-Blanc
- Pour le soir au refuge, un grand classique de la littérature alpine :
- Des topos sur les courses d’alpinisme :
Lien Internet pour prépare l’ascension du Mont-Blanc
Climbing Mont Blanc, un site qui regroupe toutes les informations essentielles pour cette course.
Et bien sûr, Camptocamp, qui vous donnera un topo pour vous rendre au refuge du Goûter et au sommet.
Le blog Expérience Outdoor est riche de récits d’alpinistes ayant raconté leur ascension :
Une ascension du Mont-Blanc
Le mercredi 11 août, vers 7h30 et par un froid estival dans les Alpes mais hivernal dans les Pyrénées, je foulai le plus haut sommet de l’Europe occidentale. Le Mont Blanc, ce n’est pas difficile. Il suffit de mettre un pied devant l’autre et quand on l’a fait de nombreuses fois on arrive au sommet. De nombreuses fois…
Prélude
L’histoire avait débuté quelques mois plus tôt, lorsque j’avais appris qu’un séjour alpi se montait avec des cafistes toulousains vers Chamonix en août. Je me joignis au groupe malgré mes difficultés face vide. Je verrai le moment venu…Me voici donc embarqué dans de nouvelles aventures, et en terre inconnue.
Chamonix me fit découvrir la montagne sous un angle jamais vu. Ici,les glaciers ,innombrables et vigoureux, déroulent leur froides masses jusqu’à l’entrée des villes. Des aiguilles strient le ciel dans toutes les directions.
Des faces majestueuses surplombent les hommes de plusieurs milliers de mètres, les invitant à la modestie et leur rappelant qu’ils n’étaient presque rien dans cet univers aussi fascinant que dangereux. Où ce qui apportait le plaisir pouvait dans le même temps prendre la vie sans état d’âme.
Pyrénéen
Presque rien ces hommes, certes, mais quel manque de discrétion! Le pyrénéen que je suis fut surpris par l’urbanisation outrancière de cette vallée. Jalonnée de petits trains, stations de ski et autres téléphériques destinés à permettre l’accès massif de l’homo sapiens à la montagne. Habitué aux pentes sauvages, j’appréciais avec modération ce modelage, qui, pourtant me servirait bien pour l’ascension du Mont Blanc. Et, bien sûr, nous n’étions pas seuls.
Le tourisme aoûtien fleurissant avait gagné Chamonix dont les rues grouillantes accueillaient dans un mélange inédit alpinistes bardés de cordes, crampons, casques et autres, randonneurs estivaux ne s’éloignant pas des sentiers battus, familles aux enfants bruyants ou encore simples visiteurs venus admirer d’en bas les sommets et faire vivre les innombrables magasins jalonnant les rues de la ville.
Chamonix le touristique n’était pas des plus agréables. Trop de monde, trop de magasins, trop peu d’authenticité: le prix de la célébrité. Les citadins pouvaient même y trouver des bouchons, comme sur leur périphérique, pour ne pas être trop dépaysés.
Acclimatation aux dômes de Miage
Les dômes de Miage, « modestes collines toute plates » s’élevant à seulement 3700 et quelques mètres. Sortie d’entraînement à l’altitude et à la haute montagne avant les choses sérieuses du Mont-Blanc. Au programme: échelles vertigineuses accrochées au rocher, glacier, balade sur une arête effilée et esthétique avec gaz à volonté et soleil.
Au programme seulement le soleil. Car si météo France nous avait garanti du grand bleu, il y a avait dû avoir erreur sur la commande passée, tant la chape de plomb nuageuse qui nous privait du plaisir des yeux lors de l’ascension finale sembla décidée à quitter les lieux avec nous.
Heureusement peut être car, sur l’arête, les sensations fortes étaient certaines pour les novices. La progression n’était pas technique mais se faisait sur une étroite bande de neige n’offrant qu’un faible espace pour accrocher nos crampons sur cet ultime mais incertain lien à la terre qui nous restait.
Face au vide
Ce n’aurait été que pure bagatelle sans le vide abyssal. Et terrifiant qui s’étendait sur 1000m au moins à notre droite. Un trou béant, immense, s’étendant tout au long des centaines de mètres de l’arête, qui nous rappelait que toute erreur, tout faux pas, tout crampon qui se prenait dans une guêtre pouvaient nous conduire précipitamment dans la vallée et de vie à trépas.
Lors qu’arrivé au faîte de la progression plus rien ne m’ancrait au sol si ce n’est mes 24 pointes de crampons serrées les unes contre les autres sur une trentaine de centimètres, cerné par l’air fuyant qui ne me donnait aucun appui et avec pour seule perspective ce fil blanc, j’ai commencé à avoir peur.
Pendant 5mn environ, je respirais fort, en proie à une angoisse prévisible mais pour autant difficile à contrôler. Et encore, nous étions dans le brouillard.
Aucune frayeur par la vue mais seulement, si je puis dire, par l’esprit. Car si je ne le voyais pas bien, je savais qu’il était là, ce vide qui avait envoyé ses spectres me terrifier. Et ils réussirent bien leur boulot jusqu’à ce que finalement, je commence à reprendre le dessus puis à les éloigner définitivement à la faveur de la redescente. Sans le savoir, j’avais passé un cap qui me servirait dans l’ascension du Mont Blanc.
Depuis ma plus tendre enfance, j’avais toujours été effrayé par le vide. Mais j’avais décidé de vaincre cette peur, en m’initiant à l’escalade puis à l’alpinisme. Je n’avais pas l’intention de laisser la peur mettre des limites dans ma vie.
Retardataires
Grâce à notre impressionnante vitesse de préparation, nous avions réussi à être les derniers à marcher vers le refuge du goûter, après avoir raté le train du Mont-Blanc. J’en profitai pour m’éloigner un peu pour méditer. Assis sur une herbe verdoyante et douce, je me mis à penser que c’était peut-être la dernière fois que je vivais cela. L’ascension était réputée dangereuse et chaque année trop de gens laissent leur vie sur les pentes du Mont Blanc.
Alors pourquoi pas moi? Les occasions d’être privé de la vie ne manqueraient pas tout au long de la marche. Mais, curieusement, je n’étais pas effrayé malgré cette éventualité de la mort que je ressentais bien en moi; bercé par les rayons du soleil et une nature accueillante, je voulais juste savourer la douceur de la vie et le moment présent.
Après une attente qui avait fini d’épuiser toutes mes réflexions sur la mort, l’arrivée du train offrait à nos chaussures les 1800m de dénivelé jusqu’au refuge du goûter. Un lac de glacier menaçant de se rompre obligeait les trains à stopper à l’avant dernier arrêt. Si bien que nous avons pu bénéficier d’une promotion de 300m de dénivelé gratuit jusqu’au terminus, le nid d’aigle. Où on ne trouvait pas d’aigle mais seulement des touristes (peut-être aurait-il été judicieux de l’appeler le nid de touristes?).
À l’attaque du goûter
Rapidement, nous doublons, au milieu des bouquetins venus en masse assister à l’ascension du Mont-Blanc, les premiers grimpeurs, lourdement chargés. Cela me rassure un peu et il faut dire que nous bénéficions d’un avantage de poids. Adrian, le chef de course, nous a dit de nous charger au minimum pour ne pas souffrir de la lourdeur du sac dans la montée. Donc pas de duvet, pas de matelas (nous n’avions pas réservé au refuge donc notre lit serait le sol dur et froid), peu de nourriture (sur ce point je ne l’ai pas écouté). Par conséquent nous montons vite.
Plus que 700m! Mais pas des moindres, car c’est ici que comment les difficultés que nous réserve l’aiguille du goûter: d’abord la traversée du couloir de la mort, où chaque année des pierres qui dévalent en permanence ce couloir d’une cinquantaine de mètres de large emportent les corps et la vie des alpinistes qui n’ont pu les éviter; puis la montée raide de l’aiguille, au cours de laquelle on pose souvent les mains et qui pardonne peu les erreurs.
Lorsque je découvris la face de l’aiguille que nous devions gravir, je compris que ce ne serait pas une promenade de grand-mère sur un sentier de montagne à vache: je vis le couloir parcouru de manière incessante par des pierres qui balayaient ce qui se trouvait sur leur passage; des nuages de poussière, soulevés par les rocs dévalants, et le fracas sec de la pierre qui heurte la pierre finissaient de brosser le tableau. Oui, cela s’annonçait compliqué…
Le couloir de la mort
Heureusement, je me suis trompé de couloir! Le nôtre était plus proche et bien moins dangereux, toute proportion gardée. Cependant, il nécessite une vigilance de tous les instants et c’est Adrian qui fait la vigie pendant les autres courent vers un point abrité.
A mon tour. Je me lance dans un sprint effréné, et même si j’ai pris le soin de faire une dernière photo au cas où avant de traverser, je suis rassuré par les yeux d’Adrian. Tout le monde passe sans encombre. Mais 2mn après notre départ, un roc s’abat violemment à l’endroit que nous pensions protégé. Où nous nous tenions avant le franchissement. Il s’en est fallu de peu…
L’ascension de l’aiguille fourmille de grimpeurs que nous doublons encore et je prends du plaisir dans cette partie rocheuse peu technique mais qui offre des portions d’escalade facile bien à ma portée.
Vers 18h30, nous débouchons sur le refuge du goûter, le lieu le plus abominable que j’ai pu rencontrer lors de mes pérégrinations montagnardes.
Le refuge du dégoûté, naufrage de l’esprit montagnard
A peine arrivé, le ton est donné: on me bouscule plusieurs fois sans me dire pardon et on prend bien soin d’oublier la politesse lorsque l’on se retrouve à plusieurs pour franchir une porte…Le reste ne sera que désillusion dans ce qui est le plus haut refuge gardé de France, mais qui n’a de refuge que le nom, tant l’esprit montagnard indispensable à ces ilots hospitalier semble avoir sombré sous un océan de mercantilisme et de quête de la performance. Je rentre le premier et je trouve, malgré l’heure précoce, une foule attablée prenant son dîner.
Coup d’œil à la carte : même si nous n’avons pas réservé, nous allons quand même manger un peu ! Le prix de la bouteille d’eau célèbre la quête du profit: dans cet endroit si rude qu’est le goûter, il n’y a pas d’eau et la bouteille d’eau d’1.5 litres se vend à la somme « modique » de 5 euros contre quelques dizaines de centimes d’euros. J’ai peine à croire que l’hélicoptère soit le seul responsable de cette escroquerie. Mais la suite sera encore plus navrante.
Lutte contre le gaspillage alimentaire
En attendant la fin du repas des clients ayant réservé, nous grignotons. Malgré l’altitude, la faim se fait sentir. Seb demande alors à une table voisine s’il peut finir un plat auquel les convives ne toucheront plus. Bien volontiers, ils nous le font passer et Seb le vide.
Puis, spontanément cette fois, un autre plat vient à nous. Mais avant que nous ayons pu y toucher, le gardien saute dessus, l’arrache des mains de Romain et s’indigne d’un comportement inadmissible. Lui préfère récupérer le plat pour vider à la poubelle le reste plutôt que de le voir mangé par des gens qui ne lui ont pas donné un sou.
Nous sommes consternés et la soupe que nous lui commandons nous achève: sur la photo, on y voit des légumes généreux, qui sans doute du fait de l’altitude et de la pression, ont complètement disparu du plat servi au consommateur; la tranche de fromage servie avec est rachitique et la maigrissime tranche de pain qui accompagne nécessite que les fenêtres soient bien fermées pour ne pas que le vent l’emporte.
Sans doute le gardien est fatigué des incivilités des alpinistes. Lassé des abus dont il est témoin. Sans doute que la surfréquentation du refuge, dont nous sommes bien responsables, est usante. Mais je n’ai pas aimé ce lieu, je ne m’y suis pas senti bien comme je le suis habituellement en refuge. L’absence de convivialité et le mercantilisme sont le prix de la célébrité.
Bonne nuit !
Peu après le repas, les personnes qui ont réservé disparaissent dans les dortoirs. Ceux qui restent vont se partager la salle commune. Banc, table, dessous de table : tout va servir de bat-flanc. Dans le brouhaha, je m’approche d’une table et une femme venue des pays de l’est me hurle dessus : « C’est ma table ! Je l’ai réservée ! Va ailleurs ! » .
Je n’avais pas l’intention de passer la nuit par là de toute façon, mais je suis éberlué par cette violence. Nous finissons par nous trouver une place dans ce dortoir improvisé : j’ai des pieds étrangers non loin de ma tête, qui viendront me « chatouiller » pendant la nuit…
Le jour j
Vers 1h30, Adrian nous réveille. Nous sommes les premiers levés et sonnons le réveil pour tous les autres. J’avale en vitesse mon petit dèj, je charge mon sac, j’enfile mes crampons et me voilà dehors avant 2h. Pas assez chaud pour partir en t shirt mais le froid n’est pas trop vif. En bas, nous voyons les lumières de la vallée.
Par endroit,des nuages obstruent le ciel et nous cachent les étoiles. Pas un bruit, sauf le vent qui glisse par moment sur nos visages. Je m’encorde en dernier avec Alban et Seb. Adrian prendra sur sa corde Fabienne, Romain et Fanny. Nous nous mettons en marche, le cliquetis des crampons sur le cheminement métallique entourant le refuge cédant la place aux coups des griffes perçant la neige gelée.
À mon grand étonnement, juste au-dessus du refuge, une dizaine de tentes sont installées dans des trous faits sur la neige.
Des gens ont dormi là et ont monté tout le matériel !! Ils se réveillent et commencent à se préparer. Nous passons notre chemin et nous enfonçons dans l’obscurité, seuls. L’autre cordée prend du retard et je me retourne souvent pour voir où ils en sont. Au loin, les frontales des marcheurs partis après nous dansent dans la nuit, esquissant un balai féérique qui me rappelle quand même le périphérique parisien tant la file dense et ininterrompue de candidats au Mont Blanc est interminable…
Premier de cordée
Interminable c’est aussi le mot pour cette montée dans la nuit, dont nous ne voyons rien sinon un cheminement évident. Par moment, le vent plus marqué soulève de la neige qui vient nous piquer le visage. Nous prenons la direction du refuge Vallot, un abri du CAF où nous ferons une halte protégés des éléments.
C’est un petit bâtiment, érigé sur un promontoire rocheux et accompagné d’un autre refuge de la météo celui-là. Nous sommes les premiers à y entrer. Et nous dérangeons 2 personnes qui y passaient la nuit, à plus de 4400m, bientôt rejoints par d’autres qui donneront à notre havre la densité de population propre à une boîte de nuit.
Malgré sa réfection récente, le refuge souffre du tourisme massif des alpinistes ignorants, qui, sans doute victimes du mal des montagnes, confondaient cet abri avec une poubelle.
Adrian, fatigué et déjà conquérant du Mont-Blanc de nombreuses fois, voit sa motivation en chute libre et décide de s’arrêter là. Nous refaisons les cordées. Alban prend Seb et Fabienne. Je prends Romain et Fanny, avec une certaine fierté à me retrouver en tête pour une sortie d’alpinisme. Je suis formé à la sécurité sur glacier, à la conduite de groupe en alpinisme facile. Il faut juste que je me fasse confiance maintenant.
Les grands Glaciers
C’est reparti! La montagne, large et débonnaire jusque-là, change et s’effile à mesure que nous prenons de l’altitude. C’est désormais une arête de neige « large » selon les critères d’alpinisme (mais néanmoins étroite à mes yeux), connue sous le nom d’arête des bosses, qui nous conduira jusqu’au sommet.
Les pentes vertigineuses des glaciers crevassés, dévalant la montagne des centaines de mètres de vide, s’étendent de part et d’autres de nos pieds. Partout, ce n’est qu’un gouffre béant, un vide démesuré que seule notre arête interrompt l’espace de quelques dizaines de centimètres.
Je n’ai pas peur. L’étroitesse permet de se croiser moyennant qu’on se pousse et que nos pieds mordent un peu les pentes infinies. Et le stage aux dômes de Miage m’a bien vacciné. Ceci dit, je n’aime pas beaucoup doubler les groupes et nous profitons des quelques espaces plus larges pour le faire.
Le jour se lève. Peu à peu, les courbes de la montagne prennent forme et le soleil sort de l’obscurité, luttant avec les nuages. La cordée d’Alban, Seb et Fabienne nous devance rapidement et nous perdons le contact. D’autant que maintenant, nous ne marchons plus seuls: des dizaines de personnes encordées nous entourent, marchent, s’arrêtent, redémarrent, souffrent.
Ivresse
À cette altitude, le mal des montagnes se fait sentir. Pour beaucoup, ce sera une impression de grosse fatigue, un manque de lucidité, le mal de tête. Fanny et Romain souffrent aussi de l’altitude. Pour eux, ce sera la version grosse fatigue du mal des montagnes.
Ils avancent lentement, ont souvent besoin de pauses au cours desquelles ils s’affalent sur la neige, alors qu’ils sont tous les deux dans une forme excellente…en dessous de 4000m.
De mon côté, le mal des montagnes frappe plus doucement .Je suis en pleine forme et je bouillonne intérieurement car je voudrais aller plus vite; alors je suis le jouet d’une impatience anormale, que je contiens bien cependant.
Et lorsque nous croisons des cordées qui ont déjà atteint le sommet, je m’insurge parce que nous sommes obligés de faire les acrobates alors qu’ils auraient très bien pu attendre que nous ayons fini de monter pour redescendre. Mais je n’avais pas idée que nous étions loin du sommet.
Qu’ils ne pouvaient pas nous voir et qu’il ne faisait pas bon rester perpétuellement là-haut en attendant que tout le monde ait fini de monter…En somme, je manquais de lucidité: d’ordinaire, j’aurais très bien pu me raisonner et être moins impatient et plus à même d’accepter les contraintes du croisement. Mais je n’avais pas toutes mes neurones au travail, j’étais comme ivre…
Voiture balai
Sur un plat un peu plus large, je vois au loin un gars seul. Je m’étonne que quelqu’un fasse l’ascension en solo. En se rapprochant, nous nous rendons compte que c’est Seb.
Il n’est pas très en forme et s’est séparé de sa cordée qui montait trop vite. On discute peu et Seb se retrouve encordé derrière moi. Pas question de le laisser seul ici. Cela ne va pas vite et je me fatigue à marcher lentement. Mais mes camarades sont au taquet.
Seb ne se sent pas bien: il est pâle, parle lentement et semble être dans le vague. Quelque part, en tant que premier de cordée et en bonne condition, je sentais peser sur moi une certaine responsabilité. Alors que je n’avais pas les idées très claires. Aussi je ne sais pas quoi dire à Seb sinon que de mon point de vue, son mal n’a pas l’air trop sérieux et qu’il peut continuer: pas de délire, pas de vomissement.
Épuisement
Fanny et Romain sont épuisés et ne veulent pas continuer. Je leur réponds que j’ai de l’énergie et que de toute façon, même si je dois finir seul, je monterai au sommet. Ma ténacité emporte la décision et nous repartons tous vers le haut, jusqu’au bout malgré la difficulté.
L’arête semble sans arrêt se prolonger, le sommet jouant à l’arc en ciel et s’éloignant à chaque fois qu’il nous semble proche. Mais les paysages sont époustouflants, majestueux, immenses. Nous surplombons tout et bénéficions d’un panorama d’exception…quand les nuages nous laissent en profiter. Car ce n’est pas grand beau.
Au loin, de petites tâches noires maculent les flancs enneigés des montagnes: ce sont des hommes, qui marchent sur le Mont-Blanc depuis l’aiguille du midi.
Sommet
Après des heures d’effort,nous débouchons enfin sur le sommet. Nous croisons Alban et Fabienne qui, arrivés depuis un long moment, ne tiennent plus dans le froid. Ils doivent redescendre sans nous attendre. Le sommet du Mont-Blanc, ce n’est pas la place du capitole à 4800m. L’arête s’élargit un peu laissant un peu d’espace mais interdisant quand même toute fréquentation de masse. D’ailleurs, le vent et les températures garantissent que l’alpiniste ne s’attardera pas.
De là-haut, le panorama est exceptionnel. Les nuages, beaux joueurs, se sont absentés quelques instants pour nous permettre de profiter de la vue. Et quelle vue! Je n’avais jamais eu l’occasion de tout dominer de si haut tout en ayant les pieds sur terre. Pas de doute, nous sommes sur le toit de l’Europe!
J’ai beau dire que c’est magnifique, je crois que pour comprendre il faut y aller ou bien voir les photos, ce qui dispense de traverser le couloir de la mort et de dormir au goûter, avantages non négligeables quand même.
Je suis bien là-haut et je n’ai toujours pas froid. Il ne me tarde pas de redescendre. Je ne me lasse pas de ces paysages infinis, des lumières du soleil encore rasantes qui dessinent sur les arêtes des rayons d’une belle intensité ,d’être là-haut et de ne plus avoir rien d’autre à faire que de profiter du moment.
Retour
Le temps de faire quelques photos et de se faire enseigner par un guide quelques manips de corde (le plus haut cours de manips de corde d’Europe!),nous repartons et je passe en dernier cette fois-ci tenant la cordée d’une main et mon piolet de l’autre.
Dans les moments raides, tout faux pas m’est interdit au risque de faire partir tout le monde avec moi; du fait de ma position, je suis censé tenir la cordée si quelqu’un dévisse. Je n’ai pas envie de voir si je serais bon à ce jeu-là…Et heureusement la redescente n’a posé aucun problème. Elle n’est d’ailleurs pas particulièrement dangereuse et technique.
Les nuages, qui s’étaient sympathiquement effacés le temps de nous laisser savourer le sommet, reviennent en force dans la descente et le temps se dégrade. Ceux qui montent encore auront moins de chance que nous…Peu à peu Romain, Fanny et Seb retrouve des forces et moi ma lucidité complète.
Le goûter de nouveau, où nous faisons une halte pour prendre le repas du midi à 10h30, et que je quitte sans regret.
Nous survivons tous à la nouvelle traversée du couloir de la mort et atteignons le train vers 15h. C’en est fini d’une belle aventure!
Conclusion sur l’ascension du Mont-Blanc
La montagne est très belle et j’aime beaucoup cette voie d’ascension. Mais je comprends que certains la dédaignent car trop fréquentée. Et je les rejoins : autant que possible je passerai ailleurs la prochaine fois que je voudrais gravir le Mont-Blanc, pour éviter cet affreux point noir qu’est le refuge du goûter et l’ambiance parfois délétère qui règne dans les cordées.
Matériel utilisé pour l’ascension du Mont-Blanc
Catégorie | Modèle | Marque | Pourquoi avoir fait ce choix au départ ? | Ce choix a-t-il répondu à mes besoins au Mont-Blanc ? | Si c’était à refaire |
CHAUSSURES ALPINISME | Jorasse | SCARPA | Chaussures d’alpinisme thermiques | Agréables et confortables, mais les matières synthétiques et l’étanchéité ne tiennent pas dans le temps. | Je resterais sur un modèle en cuir. |
FRONTALE | Tikka XP | PETZL | Une frontale puissante et abordable. | Les modèles de cette époque éclairaient beaucoup trop vers le bas, ce qui fait que je devais lever la tête pour éclairer loin devant. Pas très pratique. | Je prendrais un frontale qui éclaire droit. |
CRAMPONS | Air Tech | GRIVEL | Adaptables sur tout type de chaussures. | Parfait pour le Mont-Blanc ! | Je ne changerais rien. |
VESTE SOFTSHELL | Bionnassay | QUECHUA | Couche thermique stretch et isolante. | Du matériel solide et bien adapté à la haute montagne. Le zip principal est sa faiblesse. | Je ne changerais rien. |
PIOLET | Bronco | SIMOND | C’est un cadeau. | Sa longueur aide beaucoup pour remplacer un bâton en cas de besoin. Un peu lourd. | Je ne changerais rien. |
PANTALON | Wall | TRANGOWORLD | Épaisseur, stretch et adapté à la haute montagne. | Manque de solidité dans les parties stretch les plus sollicitées. | Je tenterais ma chance avec une autre marque. |
SAC À DOS MONTAGNE | ACT Lite 40+10 | DEUTER | Solide, léger, confortable et polyvalent. | Un vrai sac à tout faire ! Manque juste un système de portage plus adapté au ski de randonnée… | Je ne changerais rien |
11 commentaires
Bravo Julien !
C’est malheureux de trouver de montagnards qui n’en ont pas l’esprit et que le mercantilisme est autant gagné.
Tu devrais abandonner ton métier actuel pour faire écrivain 😉
Julien
Ce sont des gens comme toi qui rendent le Mont Blanc exécrable et tu ne semble pas en être conscient, c’est dommage ! Réserver au refuge sur une course basique comme le MB c’est faire preuve d’un minimum de respect envers le milieu de la montagne, débarquer comme si c’était un refuge isolé et s’attendre à autre chose que ce que tu as rencontré c’est soit de la naiveté soit de la mauvaise foi. (et finir les assiettes des gars … jamais encore vu en refuge, j’hallucine …)
Quant à raler car tu devais croiser des gars sur les bosses et que tu estimais que les gars devaient attendre que ta seigneurie ait atteint le sommet, je n’ai pas de mots … (j’en ai mais ils ne sont pas sympas)
Le MB est une superbe montagne mais les deux voies normales françaises sont victimes du succès du lieu (et de gens comme toi hélas)
Si tu veux vivre la montagne va sur d’autres sommets (il y en a plein qui sont magnifiques et les gardiens de refuge sont en général adorables), et si tu veux refaire le MB fais le coté italien c’est faisable par la voie des papes (coté PD), magnifique, et le refuge est petit (30 places)
Bon courage dans tes futures courses (respectueuses du milieu montagnard cette fois j’espère)
Complètement d’accord avec Julien le MB est une ballade facile mais faut au minimum faire une réservation pour la nuit au Refuge c’est des types de ton genre qui ce crois tous permis qui sature les places la haut bref tu raconte ta petite grimpette comme si t’avais fais une première mais c’est juste le MB
Quelle aventure ,la voie normale ! à une certaine époque on passait par les Grand -Mulets et comme le dénivelé est plus important , on était plus tranquille. Aussi il y avait moins d’ incivilités , plus de respect .Finalement ,cest plutot bien que cette voie sans intéret rassemble les Quéqués et malotrus qui n’ont rien à faire en montagne dans le massif :on est beaucoup plus tranquille dans les autres voies .
Merci Julien pour ce récit captivant & motivant !
J’envisage l’ascension en 2021 ou 2022, ça dépendra de ma condition physique.
J’ai lu avec beaucoup d’attention cette belle histoire personnelle partagée avec des amis.
Je compte bien m’en inspirer…
Merci Julien pour ton récit extraordinaire ! Venant d’un milieu social et culturel diamétralement opposé au milieu montagnard ( je suis un « banlieusard du 91 » mais j’essaie d’aller une fois par an à la montagne ) et ayant besoin de changer de vie, tu viens de rajouter une ligne à mes objectifs personnels, je vise 2022 .
En espérant que tes futurs projets se concretiserons !
Salut Julien, ta prise est bien mais tu manques de réserve et tu as banalisé une course de haute montagne. Personnellement à 57 ans j’ai terminé en solo du refuge Valot au sommet., J’ai connu l’ambiance de l’ancien refuge du goûter, je te souhaite d’aller voir ailleurs les refuges des Pyrénées pour faire L’Aneto, les Posets, le Vignemale …..et dans d’autres pays du monde
bj c est l invasion stupide par des polueurs et des imbeciles de ce massif alpin IL FAUT ARRETER LE CIRQUE
Bonjour Marcel
je valide votre commentaire pour accueillir votre point vu comme les points de vue qui ne partagent pas le vôtre
Merci de m’avoir fait revivre des souvenirs….
Sur le point de retourner a chamonix après plus de 15ans, je viens de découvrir la réglementation mise en place pour accéder au mont blanc. c’est triste. Fini la liberté…
Arnaud