Emilie nous partage son expérience de 5 jours à vélo dans le Piémont, en Italie.
Informations pratiques pour préparer son voyage à vélo dans le piémont
Date du voyage :
Du 16 au 20 avril 2019
Quand partir :
Le choix du mois d’avril était un peu risqué car à cette période, le temps est généralement frais et accompagné de précipitations. Quelques jours avant de partir, les sites météo annonçaient une semaine exécrable et nous avons finalement eu beau temps. Seul un voile légèrement opaque nous a empêchés d’apprécier la vue en arrière-plan sur la chaîne des Alpes. La meilleure période pour aller dans cette région est de mai à septembre. Attention cependant, l’été, il y fait très chaud. Pour plus de renseignement vous pouvez lire cet article pour organiser un voyage en Italie au mieux.
Lieu:
Italie, Piémont, Canavais, province de Turin
Comment se rendre dans le Piémont en Italie
Nous sommes allés à Chivasso en voiture. De Grenoble, cela représente 255 km et 3h de route. Nous avons choisi la solution la plus rapide, à savoir l’autoroute de la Maurienne et le tunnel du Fréjus. Pour faire des économies, il y a toujours la possibilité de passer par les cols alpins (Lautaret, puis Montgenèvre), mais c’est plus long. Nous aurions aimé y aller en train, mais c’était trop compliqué à partir de Grenoble.
Participants
Annik : toute jeune retraitée, curieuse, enthousiaste, aimant les challenges sportifs et les rencontres. Signe particulier : elle apprécie particulièrement un breuvage houblonné et frais au bivouac !
Patrick : jeune retraité actif et sportif. Signes particuliers : arrive à rouler sur un vélo croulant sous les bagages ! Un peu distrait, il amène volontairement certains objets en double en cas de perte… d’où le chargement impressionnant de son vélo ! Super-héros de l’environnement, il s’arrête ramasser les déchets plastiques qu’il aperçoit au bord des routes !
Emilie : voyageuse dans l’âme, aimant être dehors sur un vélo, sous une voile de parapente, ou bien encore dans un canoë… toujours motivée pour aller en Italie. Signe particulier : elle carbure aux noisettes du Piémont.
Où dormir en Italie:
Par goût du bivouac et de la liberté que cela procure, nous sommes partis avec tout l’équipement nécessaire pour dormir sous la tente, tout en nous laissant la possibilité de dormir « en dur » au cas où. Au final, nous avons passé deux nuits en bivouac, une nuit en camping près de Turin et une nuit dans un logement réservé via Airbnb.
Sinon, il y a bien entendu les agriturismi, très populaires en Italie et aussi les plus classiques B&B.
Où se restaurer/se réapprovisionner dans le Piémont ?
Impossible de dresser la liste exhaustive de tous les endroits où l’on peut manger sur le parcours, il y en a bien trop car, même si on ne traverse que des petits villages, on trouve partout des épiceries ainsi que des restaurants. Nous faisions de petites courses chaque jour et on n’a jamais manqué de rien. Si vous avez un budget plus important, évidemment, je vous conseille de tester les restaurants pour déguster toutes les merveille s culinaires du coin, en particulier, le risotto.
Office du tourisme
Caractéristiques de la région d’Italie
Le Piémont est une province du nord-ouest de l’Italie, limitrophe avec la France et la Suisse. C’est une grande région qui offre différents visages, des pics et glaciers du Val d’Aoste aux plaines fertiles et miroirs d’eau des rizières en passant par les belles collines des Langhe.
La région est traversée par la Via Francigena, itinéraire formée par un réseau de routes et de chemins empruntés par les pèlerins de France et d’Angleterre depuis le Moyen-Age pour se rendre à Rome. Alors que c’est une coquille qui permet d’identifier précisément le chemin de Compostelle, c’est la figure d’un pèlerin, baluchon sur l’épaule et bâton en main qui est associé à la Via Francigena. Le parcours est balisé en blanc et rouge comme tous les chemins de grande randonnée. Un parcours cyclable de 3300 km, l’Eurovélo 5 ou Via Romea (Francigena) permet également de tracer la route de Canterbury à Rome.
Bibliographie/Cartographie de notre circuit dans le Piémont
L’itinéraire que nous avons suivi est un patchwork de plusieurs itinéraires trouvés çà et là. Je me suis inspirée de voyagistes proposant des circuits dans le Piémont, d’itinéraires proposés sur la plateforme collaborative Wikiloc et d’un itinéraire historique, la Via Francigena. Cela étant, sur le terrain, nous avons ajouté quelques variantes à l’itinéraire imaginé au départ.
Comme pour le voyage précédent dans le Piémont, j’ai trouvé très peu d’informations sur la région de Canavese qui est semble-t-il encore moins connue que les Langhe.
Pour m’aider dans la création de l’itinéraire, j’ai acheté deux cartes topographiques :
- Carte 1/200 000 Piemonte, Valle d’Aosta, Michelin : pratique pour avoir une vision d’ensemble de l’itinéraire, mais pas vraiment utilisable pour un voyage à vélo à cause de l’échelle.
- Carte 1/50 000, Il Canavese da Ivrea a Chivasso, Istituto Geografico Centrale : vieille carte (2011) topographique dont l’intérêt est d’être au 1/50 000, donc suffisamment détaillée pour être utilisée à pied ou à vélo. Par miracle, étant donné la pauvreté de l’offre en matière de cartographie en Italie, la région couverte par la carte est exactement celle qui nous intéressait. En plus, se trouvent reportés plusieurs chemins de randonnée : la Via Francigena et l’Alta Via Anfiteatro Morenico di Ivrea. Sur le terrain, cette carte s’est souvent révélée imprécise, voire complètement fantaisiste. La date de publication y est certainement pour beaucoup.
Lien internet
Pour en savoir plus sur les rizières du Piémont.
Pour en savoir plus sur le Piémont, sa culture, ses territoires et sa gastronomie (très beau site)
À vélo dans le Piémont
Après les collines débonnaires mais redoutables de la région des Langhe que nous avions parcourues à vélo l’été dernier avec Annik et Patrick, je me suis mise en tête de leur proposer un nouveau voyage à vélo dans le Piémont, région italienne facilement accessible pour nous, Grenoblois. Mais cette fois-ci, sans dénivelé ! Et ça tombe bien parce que dans le Piémont se trouve la fameuse plaine du Pô.
Jusqu’à peu, j’avais de cet endroit une image peu flatteuse : une gigantesque saignée longiligne permettant un déversement ininterrompu de voitures lancées à toute berzingue dans la traversée de l’Italie du nord, d’ouest en est ; des zones industrielles hideuses poussant comme des champignons et une platitude digne de la Beauce ! Autant dire qu’il y avait sacrément du boulot pour que j’envisage d’y aller traîner mes roues et mes sacoches de cyclovoyageuse !
Jour 1 : de Chivasso à Ronsecco (55 km – 6h de vélo)
Un itinéraire difficile à suivre
Le 1er jour de vélo dans le piémont est toujours un peu particulier. Il faut se remettre dans le bain, à tout point de vue. Pour nous, cette première journée n’a pas manqué de surprises. L’itinéraire prévu, surligné avec soin sur ma superbe carte Michelin au 1/200 000, se déroulait sans accroc… sur le papier ; car la réalité du terrain fut tout autre. Notre trace GPS – que j’ai pris soin de ne pas diffuser – révèle avec précision nos doutes, nos hésitations et nos renoncements.
Tous les chemins mènent à Rome, soi-disant ! Encore faudrait-il qu’on arrive à le suivre jusqu’à Vercelli, notre objectif du jour. Au départ, nous devions suivre un itinéraire cyclable, puis poursuivre par la Via Francigena, mais cela s’est révélé bien plus compliqué que prévu. Le chemin de pèlerinage s’amuse avec nous, se dérobe puis réapparaît comme par enchantement pour s’évanouir l’instant d’après. Sois vigilant, pèlerin, car cette route n’est pas un long fleuve tranquille !
Rencontre avec la faune italienne dans le Piémont
Si l’on met de côté ces soucis d’itinéraire, on est surpris par la faune sauvage abondante que l’on rencontre en route. A peine avions-nous donné nos premiers coups de pédales que nous apercevions un gros ragondin aventurier sorti du canal Cavour tout proche. Puis vint le tour des lapins, des grenouilles, des hérons, des aigrettes, des ibis, etc. Entre Chivasso et Vercelli, c’est le territoire des rizières. Cet environnement attire énormément d’oiseaux et c’est un régal pour nous de pédaler en observant tant d’espèces différentes.
Les rizières forment un drôle de labyrinthe et nous en faisons les frais en voulant éviter de rouler sur une route très fréquentée. On se retrouve donc dans un entrelacs de rizières et on finit par ne plus trouver de pistes pour s’en sortir. Le pied léger – mais on ne peut pas en dire autant de nos vélos – on tente de passer sur les talus bordant les champs en eau. Au loin, un agriculteur travaille à l’aide de son tracteur. Quand on arrive à sa hauteur, on craint un peu sa réaction, mais non, il a un sourire en coin et l’œil goguenard. Je crois que notre mésaventure l’a bien fait rire. Bref, très sympa, il nous indique comment retrouver la route et la Via Francigena.
L’absence de route secondaires pour notre itinéraire
Le problème majeur que nous rencontrons au cours de la journée est l’absence de petites routes secondaires tranquilles. Si l’on veut avancer rapidement afin de parvenir à temps à l’objectif du jour, cela nous oblige à prendre une route nationale en se faisant frôler par des voitures lancées à plus de 90 km/h. On se dit que cela n’en vaut pas la peine : tant pis pour le petit coin de bivouac au bord de la rivière Sesia que j’avais repéré avant de partir sur Google Earth. L’alternative à la route est de suivre la Via Francigena qui va à Vercelli avant d’obliquer vers le sud, direction Rome. Elle fait tout un tas de circonvolutions et emprunte des sentiers généralement pleins d’ornières mais la décision est unanime : mieux vaut se « perdre » dans les dédales des rizières que de rouler en file indienne sur une nationale sans charme en espérant ne pas se faire renverser !
A Colombara, victoire, nous retrouvons enfin le balisage du GR ! Nous avançons maintenant l’esprit tranquille, même s’il faut tout de même rester concentré pour ne pas rater un balisage signalant un changement de direction. Bientôt 19h, la journée est passée bien vite. Nous apercevons un petit village, Ronsecco. Nous y faisons halte pour dévaliser l’épicerie locale. Repérant assez vite notre condition de touristes à vélo, l’épicier nous fait goûter ses produits. On repart les sacoches lestées. Un peu à l’écart du village, l’église de Ronsecco semble être un lieu parfait pour bivouaquer. En plus d’être jolie, on y trouve un endroit abrité pour préparer notre repas et de l’herbe grasse derrière une haie qui nous cachera de la route. Parfait !
Jour 2 : de Ronsecco à Cerrione (70 km – 8h de vélo)
Au cœur des rizières
Après un bon sommeil réparateur et un joli lever de soleil, nous sommes prêts à reprendre la route, bien décidés à rattraper notre retard. Aujourd’hui, il nous faut avancer jusqu’à Cerrione car j’y ai réservé une nuit dans une dépendance d’un grand corps de ferme. A l’origine, il devait pleuvoir et c’est pour cette raison que j’avais cédé aux sirènes du confort d’un logement en « dur ». Mais c’est sous un franc soleil que nous pédalons encore. Comme la veille, cette étape est un festival d’oiseaux, un vrai paradis pour les ornithologues. Annik reconnaît la plupart des espèces : ibis sacrés par centaines, hérons cendrés, aigrettes garzettes, cormorans, etc.
Les ibis sacrés sont vraiment l’oiseau emblématique de cette région des rizières – on en voit partout – et c’est amusant car ils ne sont absolument pas endémiques de cet endroit. D’ailleurs, l’Italie ne fait pas partie de l’aire de répartition de cet oiseau quand on fait des recherches sur cette espèce. J’apprends toutefois sur des panneaux d’information que des ibis sacrés se sont échappés de quelque jardin zoologique et qu’ils se sont parfaitement adaptés ici, dans le Piémont, et plus particulièrement dans le parc naturel des Lame du Sesia qui abrite la toute première colonie italienne !
Entre deux ballets aériens, on aperçoit encore lapins et ragondins.
Arrivée à Vercelli
On sillonne toujours en tous sens les rizières, essayant de ne pas perdre le petit pèlerin jaune peint un peu partout. L’arrivée à Vercelli est spectaculaire car les rizières cernent véritablement la ville. Je ne peux imaginer l’enfer que cela doit être quand les moustiques sont de retour. Habituellement, c’est au mois d’avril qu’ils apparaissent. J’avais prévu la moustiquaire de tête achetée en Ecosse pour échapper à ces maudits midges, mais ici, ils ne sont pas encore arrivés, ouf ! Nous traversons la ville à vélo, sans trop nous attarder.
On s’arrête dans une épicerie pour faire quelques emplettes pour le déjeuner. Je craque pour des baci di dama, biscuits typiques de la région et diablement bons ! Bien décidés à pique-niquer au bord de la rivière Sesia où je voulais bivouaquer initialement, nous devons d’abord rouler une dizaine de kilomètres sur une route très fréquentée. Comme on survit à l’exercice, on gagne le droit d’aller observer les oiseaux dans ce parc naturel très agréable. On se cale au soleil sur de gros rochers, les pieds dans l’eau, tout en mangeant des fraises succulentes.
Direction Cerrione
On resterait bien à lézarder encore mais il reste une trentaine de kilomètres à parcourir. Cette fois-ci on oblique vers l’ouest. On retrouve nos rizières, encore et toujours, mais aussi ces superbes fermes, immenses, posées de-ci de-là au milieu des miroirs d’eau. Encore une fois – mais cette fois-ci nous ne sommes pas perdus – un agriculteur tient absolument à nous faire prendre la Via Francigena qui part en direction d’Ivrea. Certes, c’est la bonne direction, mais nous avions repéré une autre route. Notre italien n’étant pas encore assez développé et ne souhaitant pas le vexer, nous voici donc à le suivre, à bonne distance de son tracteur qui crache une fumée noire et malodorante.
Les paysages finissent par changer : les rizières sont remplacées par des champs, des bosquets d’arbres et des collines. Chic ! Enfin un peu de montée. Cerrione n’est plus qu’à quelques encablures, mais on perd quelques « plumes » dans l’ascension d’une redoutable colline. On se laisse enfin glisser, on aperçoit tout proche le village de Cerrione. On est accueillis par Gabriele, le sympathique propriétaire des lieux, qui nous montre notre logement pour la nuit et nous indique LA pizzeria du village. Inutile de préciser que nous craquons tous pour une belle pizza que nous mangeons depuis la terrasse de la ferme.
Jour 3 : de Cerrione au lac de Candia (65 km – 7h de vélo dans le Piémont)
En route pour Ivrea
De Cerrione, l’objectif est de retrouver la Via Francigena quittée la veille, de la suivre jusqu’à Ivrea, puis de descendre vers le sud pour boucler notre triangle. A peine partis, c’est une montée de 200 mètres de dénivelés qui nous attend. Je suis contente de retrouver un paysage vallonné et des arbres, après la platitude des rizières. Nous nous trouvons sur une des langues de moraine qui entourent Ivrea, plus scientifiquement appelé l’amphithéâtre morainique d’Ivrea. Arrivé au point culminant, un superbe panorama s’offre à nous : le lac Viverone en contrebas, des plaines agricoles colorées et les contreforts morainiques où s’épanouissent forêts, vignes et vergers.
C’est un régal de suivre ce GR jusqu’à Ivrea. Le sentier est bucolique à souhait et l’itinéraire traverse quelques jolis villages, dont celui de Roppolo. L’Italie du nord cède malheureusement de plus en plus à la mode française des affreuses zones commerciales et les derniers kilomètres avant Ivrea n’y échappent pas.
Heureusement, le centre-ville est très agréable. On s’arrête déjeuner sur une belle place en face de la mairie. J’aperçois un homme élégant en costume cravate, casque sur la tête et vélo à la main. Amusant, me dis-je, on se croirait à Grenoble. Et je le vois se diriger vers nous. Il commence à nous parler en anglais, puis continue en français en entendant notre accent ! Face à nous, il s’agit du maire d’Ivrea en personne ! Il se montre charmant et discute avec nous pendant une dizaine de minutes. Un bel accueil, on s’en souviendra ! On reprend notre route. Au pied de la ville, une rivière, la Dora Baltea, s’écoule avec fracas, pour le plus grand bonheur des kayakistes, qui disposent d’un bel espace d’entraînement.
Une piste cyclable… pas très cyclable
Parvenus au point nord-ouest de notre itinéraire, on entame la dernière ligne droite de vélo dans le Piémont. Direction : plein sud, vers Chivasso et Turin. Ma carte au 1/50 000 indique un tracé cyclable reliant Ivrea à Chivasso et c’est tout logiquement que nous pensons suivre cette piste cyclable pour retourner à notre point de départ. Las ! Nous nous apercevons bien vite de notre candeur ! En guise de piste cyclable, on se retrouve rapidement sur un chemin agricole plein d’ornières. Nos vélos continuent d’absorber les secousses sans se plaindre.
Les paysages sont d’abord un peu mornes : nous sommes entourés de champs qui, à première vue, ne semblent pas cultivés. Le voile un peu laiteux qui nous enveloppe n’aide pas à enjoliver les lieux. Finalement, au bout d’une vingtaine de kilomètres, on aperçoit une colline se dresser devant nous. Dans le petit village de Vische, on s’arrête, comme d’habitude, à l’épicerie pour refaire le plein de nourriture. Sur la place, des petits vieux palabrent avec force gestes. Curieux de notre accoutrement, ils viennent discuter avec nous. L’un d’eux m’offre même un cornet de glace que je ne peux pas refuser.
Vers le lac de Candia
Nous repartons vers le lac de Candia en espérant trouver un lieu de bivouac au bord de l’eau. Peine perdue, il est impossible d’en faire le tour au plus près de l’eau. Au nord du lac, se trouvent des zones marécageuses, paradis du moustique, enfer du touriste. Plus à l’ouest, il y a un parc public avec des tables, mais on n’ose pas s’y installer. Finalement, on boucle le tour du lac sans avoir trouvé le spot de rêve que j’avais imaginé. On finit par trouver un endroit tranquille en lisière d’un champ. On installe notre campement sous la pleine lune.
Au milieu de la nuit, je suis réveillée par des grognements à glacer le sang. Cela dure quelques minutes. Les cris se rapprochent et finissent pas s’éloigner. Probablement un petit sanglier inoffensif, me dis-je pour me rassurer. Toute seule dans ma petite tente, je n’en mène pas large et la fin de ma nuit est remplie de cauchemars peuplés de sangliers géants hurlant à la mort.
Jour 4 : du lac de Candia à Turin (65 km – 7h de vélo)
Vélo dans le Piémont : retour à Chivasso
Du lac de Candia, nous repartons sur une petite route secondaire serpentant au milieu d’une belle forêt jusqu’à ce que nous rejoignions la route principale allant à Mazzè. Ce petit village vaut le détour, par l’ambiance et le charme qui s’y dégagent, et grâce au magnifique château du Moyen-Age stratégiquement situé au sommet de la colline.
La suite de l’itinéraire jusqu’à Chivasso nous laisse des souvenirs mitigés. On suit d’abord de belles sections de sentiers en bordure de rivière. On retrouve d’ailleurs les canaux d’irrigation typiques de cette région que nous avions découverts lors de notre première journée de vélo. Mais en s’approchant de Chivasso, il nous faut passer au-dessus de l’autoroute. On se retrouve, presque sans transition d’un sentier charmant à une sorte de voie d’insertion. Je suis pourtant certaine d’avoir suivi scrupuleusement l’itinéraire cyclable de la carte. Finalement, il s’avère que la route longe l’autoroute et permet d’accéder à un double pont permettant de traverser ce gros nœud de circulation.
Ouf ! Passée cette difficulté, on se retrouve aussitôt dans la campagne, puis dans les faubourgs de Chivasso. On poursuit jusqu’au centre piéton, très agréable, de la ville et jusqu’à la place centrale qui fait face à l’église de Chivasso. Il est midi, la boucle est bouclée. Comme il nous reste suffisamment de temps, nous décidons de poursuivre notre voyage jusqu’à Turin et de revenir à Chivasso le lendemain.
À la découverte de Turin, au fil du Pô
Après avoir dégusté encore une fois une succulente glace, on se remet en selle : il nous reste une trentaine de kilomètres avant d’atteindre Turin. Nous franchissons le Pô et poursuivons sur une route passante. Nous retrouvons notre petit pèlerin jaune et décidons de le suivre. Le sentier file au milieu des champs, le long du Pô. Parfois, le chemin remonte vers la route et nous fait traverser de jolis petits villages comme Gassino Torinese. A cet endroit, une voiture pile à notre hauteur et nous fait signe. Elle traverse vivement le carrefour et s’arrête.
En sort un petit papy tout heureux de nous voir faire le pèlerinage. On n’a pas le cœur à lui expliquer que nous ne sommes pas vraiment des pèlerins, mais que l’itinéraire de la Via Francigena nous sert de fil conducteur pour notre voyage. On lui montre sur la carte le tracé de notre parcours. Comme il voit que nous n’avons plus de carte pour la partie où nous sommes, il retourne à sa voiture et nous déplie une grande carte intitulée « Via Francigena : Torino-Vercelli ». C’est la zone exacte de tout notre périple. Il insiste pour nous la donner. Merci Pietro !
Bivouac à Turin en Italie
Au fur et à mesure qu’on se rapproche de Turin, le sentier se mue en jolie piste cyclable – une vraie cette fois-ci. L’arrivée en ville est fantastique. On longe toujours le Pô et les couleurs de la fin d’après-midi renforcent encore la beauté des lieux. Sur l’eau, des avirons font la course. Il est temps de songer à notre lieu de bivouac. Il y a bien des espaces verts partout, mais on ne sent pas trop de bivouaquer à proximité d’une si grande ville. Annik et Patrick proposent de dormir au camping de Moncalieri, à 9 km au sud de Turin.
On y arrive en début de soirée : l’endroit ne fait clairement pas rêver, au bord d’une route qui fait plus de bruit que le périphérique parisien, avec des barres d’immeubles qui dominent le tout, mais on n’a pas tellement le choix. On s’installe sur une petite pelouse bien verte – vous verrez, ce détail a son importance – on a l’embarras du choix car nous sommes les seuls campeurs. Autour de nous, il n’y a que des camping-cars.
Une nuit mouvementée
La douche chaude nous requinque et nous fait oublier l’environnement hostile. De toute façon, ce soir, nous allons en ville pour nous balader un peu, découvrir Turin de nuit et manger un morceau. Ce rêve a bien failli ne pas se réaliser : à l’arrêt de bus, nous attendons 59 minutes avant qu’un bus finisse enfin par s’arrêter (3 bus auraient dû passer dans l’intervalle). Sur le point de craquer et de rentrer tout penauds au camping, on s’engouffre donc dans le bus, direction Turin. Un petit coup de métro plus tard, nous voici enfin en ville.
Les fameuses arcades de Turin sont magnifiques. On déambule sans idée précise quand, par l’odeur alléché, nous avisons une terrasse d’où se dégagent des effluves de pizzas. La faim au ventre après tant de kilomètres à vélo, on s’installe. La visite de Turin attendra ! Après un bon repas et un tiramisu dégusté en marchant sur le chemin de retour, nous reprenons la route du camping.
Nous rejoignons nos tentes pour une courte nuit. Je ne regrette pas d’avoir emporté les boules Quiès pendant ce voyage. Si seulement je les avais mises la nuit précédente ! Malheureusement, ce n’est pas le bruit qui me réveille pendant la nuit, mais une étrange sensation d’humidité. J’enlève tout de même mes boules Quiès et j’entends avec effroi le bruit de buses d’arrosage automatique. Il est 4 heures du matin, je ferme toutes les écoutilles de ma tente. Toutes les 5 secondes, mon abri de fortune reçoit une salve de jets d’eau propulsés avec énergie. Enervée, je tente tant bien que mal de retrouver le sommeil…
Jour 5 : de Turin à Chivasso (40 km – 4h de vélo)
Un petit-déjeuner d’anthologie
Un peu groggy après cette nuit écourtée et humide, je suis pressée de quitter ce camping. Comme la ville de Turin est belle et qu’on est gourmands, on décide d’aller y prendre notre dernier petit-déjeuner du voyage. Alors que le camping se situe au bord d’une 2×3 voies ultra bruyante, il suffit de faire 100 mètres pour arriver dans un parc où on se retrouve en pleine nature. Des écureuils gambadent, un héron se fait dorer au soleil. Là, une piste cyclable idyllique suit le cours du Pô jusqu’à la ville. On est samedi, il fait grand beau. Plus on se rapproche de Turin, et plus on doit zigzaguer entre les promeneurs, les joggeurs et les cyclistes.
Arrivés à la Piazza Vittorio Veneto, on remarque un café, sous les arcades, avec des tables à l’extérieur. La vitrine est remplie de douceurs et la vue du serveur, archétype du bel italien, finit de nous convaincre de nous arrêter là . L’intérieur est délicieusement suranné, avec des vitrines qui débordent de gâteaux et de petits biscuits. Après avoir mangé un petit-déjeuner français à base de pain, de beurre et de viennoiseries, on ne résiste pas à l’envie de goûter aux spécialités locales, comme cette torta napoletana à la ricotta. On resterait bien encore à Turin, mais il nous faut reprendre la route pour retourner à Chivasso.
Derniers tours de roue
Même si l’on a déjà fait le parcours la veille, on est ravis de le refaire en sens inverse car l’itinéraire de Turin à Chivasso est vraiment agréable. De part et d’autre : le Pô et les collines. Au milieu : de petites routes et des sentiers passant au milieu de champs et de vergers. En chemin, un homme nous hèle. C’est un pèlerin qui a déjà parcouru deux fois le chemin de la Via Francigena. Il veut s’assurer que nous ne manquons de rien et nous propose des pommes de son jardin. Près du Pô, nous nous arrêtons déjeuner.
Cela nous donne encore l’occasion d’observer de plus près ces mystérieuses toiles végétales qui recouvrent les arbres (si jamais quelqu’un a une idée de ce que cela peut être, ça m’intéresse !). Les derniers kilomètres nous offrent une alternative sportive par rapport à la veille. Nous poursuivons sur le chemin jusqu’à ce que celui-ci disparaisse dans une végétation si dense qu’on ne peut pas y passer avec nos vélos. Le balisage est pourtant bien là, pas de doute. Dernier pied de nez du pèlerin qui doit rire sous sa cape à nous voir suer à pousser nos vélos dans la terre meuble. On finit par retrouver le bitume et le pont qui enjambe le Pô pour rejoindre Chivasso, point de départ de notre voyage à vélo dans le Piémont.
Conclusion de 5 jours de vélo dans le Piémont
Je ne me lasse pas de découvrir l’Italie à vélo et de partager avec d’autres cette passion pour ce pays. Alors que je craignais que ce voyage ne soit pas assez « nature », nous avons en réalité traversé une plaine du Pô sauvage peuplée d’une faune riche et variée. Sur un itinéraire de 300 km environ, nous avons emprunté plus de 250 km de sentiers. La Via Francigena a été une belle découverte et cela nous a donné envie de poursuivre le chemin vers le sud, à travers la Toscane.
Matériel
Catégorie | Modèle | Marque | Pourquoi ce choix ? | Ce choix a-t-il répondu aux 5 jours à vélo dans le Piémont ? | Et si c'était à refaire ? |
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Vélo de route | Metrix 40 | Scott | Bon compromis entre un vélo de course et un VTC | Oui. En dépit de l'orientation clairement "chemin" de notre voyage, mon vélo s'est très bien comporté. Aucun ennui mécanique, ni aucune crevaison. | Oui |
Sacoche de guidon | Aquabox | Vaude | Vaude est l'une des références haut de gamme des sacoches de voyage à vélo : robuste, bien conçue et étanche, elle est parfaite | Oui, complètement. Elle est solide et surtout elle offre une grande contenance, ce qui permet de ranger beaucoup de choses. | Oui |
Sacoche de cadre | 520 2L B'TWIN | Décathlon | Praticité de la sacoche car tout est à portée de main | Rien à redire ! Le volume, de 2L, est suffisamment important pour ranger des barres, clés, petit matériel de réparation. Il y a même un support intégré pour smartphone. | Oui |
Sacoche de selle | - | Colombus | Grande capacité (18 litres) | J'ai pu mettre tous mes vêtements et mon tapis de sol. Sur le dessus, il y a un filet pratique pour glisser un vêtement que l'on veut attraper rapidement. | Oui |
Casque | Miuro | Cratoni | Léger, mollette réglable | Bon casque, rien à redire. La visière est super pratique quand il y a du soleil. | Oui |
Sac à dos | Escapist 25 | Osprey | Léger, confortable, polyvalent | Super sac à dos que j'utilise pour la rando, le VTT, le quotidien. Le portage est agréable. La contenance de 25 litres est idéale et il est très bien accessoirisé (3 poches filet, poches sur la ceinture, etc.) | Oui |
Pantalon | - | - | Stretch | Le choix du jean en voyage à vélo n'est pas très pertinent. Cela m'a évité de prendre des coups de soleil. En ville, c'était plus passe-partout. Mais j'ai eu sacrément mal aux fesses ! | Non. Je choisirais un pantalon de vélo avec peau de chamois intégré pour éviter le mal de fesses inévitable quand on fait plus de 50 km par jour. |
Chaussures | Whisper W Beet | Keen | Gagné au concours Yeti 2017 | Totalement. En voyage à vélo, le choix des sandales me paraît pertinent car il évite de porter des chaussettes (et de prévoir du change). De plus, ces sandales protègent très bien le bout du pied, il n'y a donc pas de risque de blessure en cas de chute. | Oui |
T-shirt | T-shirt merinos "Ski good" | - | Composition 100% Mérinos | J'ai porté ce T-shirt 5 jours durant. Les manches longues m'ont protégée du soleil, et je n'ai eu ni chaud, ni froid. Et mon T-shirt ne sentait pas mauvais à la fin du voyage ! | Oui |
Micropolaire | W Caliber Hoody | Arctéryx | Légère, chaude, jolie coupe | C'est un modèle « increvable » qui m'accompagne dans toutes mes sorties montagne | Oui |
Lunettes de soleil | MH530W | Quechua | Couvrantes, jolies, pas chères | Lunettes polarisantes très couvrantes avec un design passe-partout. | Oui |
Couteau | n°8 | Opinel | Bout rond | Les Opinel à bout rond, destinés aux plus jeunes, n'ont rien à envier aux Opinel classiques. La lame est bien tranchante et le bout rond est très pratique pour étaler des tartinades sur du pain. | Oui |
Couverts | Spork | Light My Fire | Léger et fonctionnel | Parfait. Ne raye pas les revêtements. | Oui |
Frontale | Bindi | Petzl | Légère | Oui, complètement. Elle ne prend pas de place, éclaire bien. Elle dispose de plusieurs modes d'éclairage et se recharge par USB | Oui, pour du voyage à vélo ou à VTT où le poids compte, c'est cette frontale que j'emporterais. |
Tente | Sintesi 1 | Ferrino | Tente 1 place ultra-légère | Achetée pour mon premier voyage à vélo dans le Piémont en août dernier, j'ai été assez déçue cette fois-ci. Pourquoi ? La condensation est si importante, même en laissant ouvert la moustiquaire, que mon sac de couchage était mouillé tous les matins. La tente est très petite et le sac de couchage, au niveau des pieds, touche les parois de la tente. Vraiment pas terrible. | Non, la prochaine fois, je prendrais la Big Fat Frog de The North Face, une tente 2 places 3 saisons très bien conçue avec une abside pour laisser ses affaires en dehors de la tente, mais tout de même protégées des intempéries. |
Matelas de sol | NeoAir | Therm-A-Rest | Gagné au concours Yeti | Ultra-léger et compact. | Oui |
Duvet | Lightech 800 | Ferrino | Chaud et léger (moins d'1 kilo) | Parfait. Je n'ai jamais eu froid | Oui |
1 commentaire
Magnifique voyage au Piedmont hors des entiers battus…
Merci pour ce récit détaillé, véritable guide touristique quand les cartes sont défaillantes….
Toujours de bonne humeur quelque soient les événements, les imprévus, les informations
pas toujours fiables…mais bien accueillis par les habitants tout au long du parcours…
Entre le chemin du pèlerin jaune et celui de l’auto…vous avez fait le bon choix, même le vélo à la main…
Félicitations pour vos compétences ornithologiques, vos découvertes culturelles et gastronomiques…
Une fois de plus la météo accompagne notre boussole…pour choisir la bonne direction…
Bravo!