Julien Defois nous partage son expérience de sa troisième partie de sa traversée de l’arc alpin: la Via Alpina suisse.
Retrouvez ses étapes précédentes:
la Via Alpina de la Slovénie aux Dolomites :
La Via Alpina des Dolomites à la Suisse :
Informations pour préparer la Via Alpina suisse
Date : du 10 juillet au 20 août 2020
Lieu : Suisse
Comment s’y rendre à la via alpina suisse :
Officiellement, la Via Alpina verte, itinéraire national 1 en Suisse, commence à Sücka au Liechtenstein. Mais vous pouvez commencer à Sargans ou à Vaduz.
De Toulouse, il est possible de se rendre en train à l’une de ces trois villes. Un bus relie Sargans, Vaduz et Feldkirch, un train aussi. Sargans est la ville pour laquelle l’accès est le plus facile. Feldkirch se situe sur un n?ud ferroviaire et il est facile d’aller et venir dans plusieurs pays d’Europe (Suisse, Italie, Allemagne). Le site Train Lines vous donnera les meilleurs options pour vous y rendre.
La Via Alpina suisse officielle se termine à Montreux, au bord du Léman. De là, vous pouvez prendre un bateau pour Saint Gingolf à la frontière française. Ensuite, soit continuer à pieds sur le GR5 soit faire du stop jusqu’à Thonon où vous trouverez une gare SNCF. Il existe des bus entre Thonon et Saint Gingolf mais je n’ai pas trouvé les horaires. De Montreux, vous pouvez vous rendre à Lausanne par bateau ou Genève en train d’où circulent des trains pour la France. L’avion est également une option depuis Genève.
Participant à la Via Alpina Suisse :
Julien 41 ans. J’habite pas loin de Toulouse. Je connais bien les Pyrénées alors quand je veux j’aime aller visiter les montagnes du monde à pieds ou à skis. J’ai un gros coup de coeur pour la rando longue distance.
Où dormir pendant la via alpina suisse :
Camping sauvage sur la Via Alpina suisse
N’hésitez pas à dormir sous les étoiles ou dans votre tente !
Cela donne le maximum de liberté. Il faut cependant être vigilant car le camping sauvage n’est pas autorisé partout en Suisse. Il existe de nombreuses zones de restriction liées à la protection de la faune sauvage ou à la propriété privée. Respecter les interdits est très important sous peine de se voir infliger une amende. Dénoncer un comportement hors la loi est très bien accepté en Suisse.
Pour autant, j’ai fait du camping sauvage sans avoir le moindre problème : il suffit de bien prendre en compte les contraintes locales. L’application Suisse Mobile est très utile : elle dispose de plusieurs surcouches dont les zones de protection de la faune et de la flore où le camping est interdit. De plus, il y a des interdits locaux comme à l’Oeschinensee, situé hors d’une réserve mais où le camping est impossible. En l’absence de panneaux, j’ai été informé par des locaux et j’ai trouvé les panneaux un peu plus bas. Il faut donc bien se renseigner.
Lorsque j’ai dormi sur un terrain privé, j’ai demandé aux propriétaires et j’ai eu leur accord facilement.
Il existe sur la via alpina suisse des aires de camping sauvage aménagées et donc bien agréables (voir plus bas) !
Les refuges sont nombreux tout au long du chemin, tout comme les villages : vous pourrez dormir au chaud et au sec tous les soirs sur la Via Alpina.
Dormir en vallée
En dehors du camping sauvage pur, j’ai dormi dans les lieux suivants pendant ma via alpina suisse :
Camping sauvage aménagé de Elm : situé 1km avant le village en arrivant de Foo Pass, il y a des tables, des sanitaires et quelques emplacements.
Camping sauvage aménagé de Rüteli : situé au dessus d’Altdorf, à quelques centaines de mètres de la télécabine de Brüsti, directement sur le chemin. De l’eau, des sanitaires, du bois pour faire un feu : c’est parfait !
Trail Hostel Engelberg : à Engelberg, un endroit bon marché et calme, avec un personnel très serviable et un petit déjeuner extraordinaire.
Camping Balmweid à Meiringen : rien de fabuleux, mais c’est le moins cher de la ville.
A Meiringen, j’ai eu d’excellents echos de l’auberge de jeunesse Simons.
Schutzenbach hostel and camping à Lauterbrunnen : un lieu très touristique où tout est plus cher. A refaire, je passerais mon chemin, une petite cabane se trouve à 30 mn du village en direction de Murren.
Camping Rendez-vous à Kandersteg : un lieu sympa et accueillant, situé un peu à l’écart de la ville.
Toujours à Kandersteg, le centre scout propose la demi-pension la moins chère de toute la Via Alpina suisse, c’est un lieu que je recommande même si je n’y ai pas dormi. Pas besoin d’être scout pour y passer la nuit !
Auberge Bernahof à Adelboden : l’hébergement le moins cher de la ville, à 50€ en dortoir !
Où manger et se ravitailler sur la Via Alpina Suisse
Alors je vais déconstruire un mythe : non, ce n’est pas hors de prix de s’alimenter en Suisse. Tous les villages ont leur petit supermarché et les prix sont acceptables. Les Coop sont les meilleurs à tous points de vue. Vous y trouverez du bon pain et de quoi vous sustenter à prix doux. Pour ma part, j’ai essentiellement mangé des spetzles ou des raviolis, vendus quelques francs la portion au rayon frais.
La Suisse est l’autre pays du fromage ! Vous trouverez quasiment sur toutes les étapes de la via alpina suisse du fromage d’alpage en libre service ou au comptoir. Le meilleur et l’un des moins chers se trouve à Blacken Alpe, en descendant du Surren Pass sur le chemin d’Engelberg.
Offices du tourisme :
Caractéristiques de la Via Alpina Suisse
La Via Alpina
La Via Alpina est un réseau de sentiers qui connectent les Alpes. Le principal itinéraire, le rouge, part de Trieste et traverse tous les pays de l’arc alpin jusqu’à Monaco en 161 étapes. D’autres itinéraires proposent des alternatives mais sont d’une manière ou d’une autre connectées à la Via Alpina rouge :
l’itinéraire jaune, que j’ai suivi, part de Trieste et traverse les Alpes italiennes en direction des Dolomites où il s’attarde assez longuement. Il monte ensuite vers le nord à travers l’Autriche pour rejoindre le tracé rouge en Allemagne, sur 40 étapes.
L’itinéraire violet se sépare de la Via Alpina rouge au nord du Triglav. Il fait un grand crochet dans les montagnes autrichiennes et passe aussi par l’Allemagne (66 étapes).
L’itinéraire bleu quitte le tracé rouge au sud de l’Oberland suisse et passe l’essentiel de son temps en Italie. Il revient en France à Larche, suit le GR 5 avant de rejoindre le tracé rouge à Sospel (61 étapes).
L’itinéraire vert traverse la Suisse d’est en ouest. C’est un chemin très connu en pays helvétique et aussi fréquenté (20 étapes).
Spécificités de l’itinéraire suisse
Ce récit raconte la traversée de la Via Alpina suisse, l’itinéraire vert, de Sargans à Montreux. Ce n’est pas un itinéraire très sauvage. On rencontre très régulièrement des routes, parfois on marche même dessus ou juste à côté pendant un moment. Les pistes sont nombreuses, les alpages aussi. L’urbanisation des montagnes avec les stations de ski est bien visible, parfois trop. Vous pouvez facilement parcourir certaines sections en transports en commun (téléphérique ou bus).
Ceci dit, les paysages ne m’ont pas déçu, bien au contraire (je mets de côté les stations de ski et Kleine Scheidegg). La Suisse est un festival géologique et naturel parcouru de multiples merveilles avec une identité propre. Ce pays ne ressemble à aucun autre.
C’est un itinéraire de haute montagne, avec parfois un dénivelé important. Le point le plus haut dépasse les 2700m d’altitude. En début de saison, les crampons et un piolet peuvent être très utiles, surtout dans certains passages très raides (Höhturli par exemple).
De Sargans à Gstaad, vous serez en territoire germanique. Entre Gstaad et Montreux, vous pourrez parler français.
Autres expériences sur la Via Alpina
Quoi d’autres dans les environs de la via alpina suisse
La Suisse regorge d’itinéraires de randonnée. Vous en avez pour tous les goûts. L’application Suisse Mobile (voir plus bas) les recense. Il vous est possible de faire une très belle boucle en combinant la via alpina verte de Sücka à Lenk puis la rouge de Lenk à Sücka (ou inversement): vous ferez ainsi une sorte de tour de la Suisse.
Bibliographie sur la Via Alpina Suisse
Un livre raconte la traversée de la Via Alpina : Via Alpina, 2500km d’une mer à l’autre, de Vincent Tornay, édition Rossolis
Des guides en version papier dédié à la via alpina suisse existent aussi : celui de l’édition Helvetiq est très complet.
Liens internet
Je recommande vivement le site officiel de la Via Alpina, très bien fait et plein d’informations pratiques pour préparer son itinéraire. Vous pouvez composer votre topo guide et téléchargez une trace gpx de votre itinéraire.
Je me suis aussi aidé du blog de ce randonneur qui a suivi à peu près le même itinéraire que moi, en sens inverse.
J’ai beaucoup aimé le film de Matthieu Chambaud qui raconte sa Via Alpina et les rencontres qu’il a faites sur le chemin : Via Alpina, l’envers du Chemin.
Tous ces sites m’ont permis de rêver mon chemin !
Le site et l’application Suisse Mobile sont indispensables ! La précision inégalée des cartes suisses vous sera bien utile, tout comme les fonds de carte qui se superposent. Utiliser l’application hors ligne vous coûtera 20€. Je n’ai pas utilisé la version payante car on capte assez bien le réseau en Suisse. Mais si vous en avez besoin à l’endroit où vous ne captez pas, alors vous regretterez peut être l’économie de ces 20€…
La Via Alpina suisse
Nouveau pays, nouvelles énergies
Quand je rentrai en Suisse, je sentis assez vite une énergie différente, plus douce, après la rugueuse Autriche. Je n’avais pas expérimenté personnellement cette rugosité, c’était un sentiment que j’avais respiré comme l’air qui m’entourait. En Suisse c’était pareil, mais les événements furent plus en adéquation avec le ressenti.
Après un trajet chaleureux en stop, je pris un bus pour Sargans, le début de la Via Alpina suisse. Pour être honnête, elle commence à Vaduz au Liechtenstein, cet état que personne ne sait placer sur une carte avant d’y avoir mis les pieds. Mais Vaduz Sargans c’est un chemin dans une plaine surchauffée par le soleil déchaîné du changement climatique. Pas très à mon goût, trop plat et trop chaud, je ne serais donc pas une saucisse dans un barbecue.
Alerte météo sur la Via Alpina Suisse
A Sargans, alors que je m’initiais aux prix suisses, par ailleurs étonnamment raisonnables au supermarché coopératif, un homme m’avertit qu’une tempête orageuse avait été annoncée pour les heures à venir. Un gros sac sur le dos arborant matelas et bâtons, des chaussures montantes, un gps qui pend sur la bretelle, je ne passais pas plus inaperçu qu’un éléphant dans ce magasin.
Je remerciai cet homme pour sa gentillesse et savais donc à quoi m’en tenir pour les heures à venir. Et les nuages maintenant très sombres venaient confirmer les propos de mon ange gardien. Il était 16h30.
Pourtant, j’étais bien décidé à continuer pour m’élever loin des villes et si possible atteindre Weisstannen, petit bourg perdu dans la vallée éponyme 13km plus loin. Je fonçais droit sur l’orage, sans inquiétude. Mes kilomètres italiens m’avaient appris à trouver un abris opportun alors que la pluie allait tomber.
Réalité du terrain
Traversant Sargans entre route bitumée, commerces et habitations, le chemin déconstruisit un autre mythe de la Suisse riche, après mon ravitaillement au supermarché. Des quartiers populaires émaillés de logements sociaux et d’habitats plus que simples l’attestaient. Il n’y avait pas que de riches en Suisse, loin de là. J’avais assez entendu de propos sur ce pays pour être presque surpris par ces prix normaux pour un français de passage, par ces gens qui semblaient vivre une vie très similaire à celle de mes concitoyens. Alors certes, la Suisse avait son lot de gens aisés et de tarifs prohibitifs (hébergement, transport, etc.), mais je m’étais préparé à tout autre chose.
Un pays accueillant
Dans les premiers kilomètres, le long de la route, une dame s’arrêta spontanément. Elle me demanda si je voulais qu’elle m’emmène plus haut. Je déclinai poliment son offre par un refus teinté du puritanisme propre au randonneur qui n’a pas vu sa volonté anéantie par la fatigue, et surtout beaucoup trop optimiste sur son évaluation des kilomètres restant. Ce que je regrettais rapidement lorsque je me rendis compte qu’il me restait un long chemin à faire avant le village et que les mètres ne défilaient pas à la vitesse de l’éclair. Mais la voiture était déjà loin lorsque je réalisai mon erreur.
Je visais Schwendi, peu avant Weisstannen, un objectif plus raisonnable où je pourrais trouver de l’eau et des terrains plats pour planter la tente. Avant Schendi, la géographie s’opposait à l’installation à plat d’une tente. Vers 19h30, je passai les premières maisons du hameau, épargné par les aléas climatiques, sec mais fatigué, car j’avais déjà 1800m dans les jambes au moment de quitter Sargans. Il me fallait trouver de quoi poser ma tente et je me devais de penser suisse pour ne pas finir avec une amende conséquente et/ou une expulsion. Le camping sauvage n’est pas la spécialité des suisses. Je devais donc bien choisir mon lieu de bivouac.
Et à Schwendi, je ne trouvais pas cet eden. Pressé par la fatigue, j’appelais l’Antoine de Maximy qui dormait en moi pour solliciter les locaux afin qu’ils veuillent bien m’accueillir sur leur verte et plate pelouse. Il n’y en avait pas tellement dehors à cette heure-ci. Je finis par recevoir le feu vert tant attendu et pus poser ma tente en toute légalité.
J’aimais déjà ce pays qui me choyait. J’appris d’ailleurs le lendemain qu’il avait plu des heures à Weisstannen, pourtant situé à 3km de là dans la même vallée. Je n’avais eu que quelques gouttes d’eau assez bienveillantes pour me refroidir dans la montée…
A Weisstannen, le décor de ma traversée suisse fut vite planté. D’abord, je passai les premières habitations où le fromage d’alpage se vendait en libre service. Il était disponible dans des frigos installés à proximité immédiate du chemin. Le passant devait s’acquitter du prix dans la caisse laissée à cet effet. La caisse n’était pas en libre service par contre: l’argent échappait à la confiance réciproque. Tout au long de mon périple, je pourrai trouver du fromage à toute heure du jour et de la nuit dans les innombrables fermes qui balisaient la Via Alpina Suisse.
Et puis je tombais rapidement sur des randonneurs effectuant la même traversée que moi. C’était une grande nouveauté pour moi, habitué à ne partager mon chemin qu’avec ma seule personne. Les randonneurs étaient assez nombreux et la marche serait donc bien plus sociale qu’auparavant. C’était une bonne nouvelle, même si mon rythme de marche me promettait à des rencontres plutôt brèves.
Vie sauvage sur la via alpina suisse
Enfin, en sortant du village, je parcourus des panneaux qui deviendraient au fil des jours très incongrus. Ils parlaient de la faune locale, principalement du bouquetin, alléchant le randonneur en mal de rencontre avec des êtres non humains. Pourtant, les seuls bouquetins que je vis pendant mes journées helvétiques furent ceux en photo sur ces panneaux. Le seul chamois qui vint à mes yeux apparut dans les 5 dernières minutes de ma traversée, juste avant Montreux, quasiment dans la ville. La Suisse n’était pas un pays très sauvage. Du moins, s’il l’était, c’était un secret bien gardé que la Via Alpina suisse ne révélait pas. Elle préférait s’attarder dans les villages et les innombrables stations de ski et autres remontées mécaniques, lesquelles semblaient davantage reines en montagne que la faune sauvage.
Canicule sur la via alpina suisse
Le premier col de la traversée était le Foo Pass. Un soleil lourd accompagné d’une humidité aussi prégnante dans mon T shirt que dans l’air ambiant m’accompagnait tout au long de la montée. Il était difficile de bien percevoir les montagnes, elles aussi voilées et écrasées dans la chaleur. Dommage, le spectacle devait être fabuleux, tant le minéral ici offrait un festival d’originalité. Il me faudrait composer avec la chaleur et les cieux laiteux qu’elle engendrait. Parfois, le soleil aussi empêche de profiter pleinement d’un paysage.
Rapidement, les premiers randonneurs français furent sur mon chemin. Un couple, qui s’était donné 28 jours pour faire ce que je ferais en 12. C’était leur première grande randonnée. Et comme il se doit lors d’une première grande randonnée, leur sac était beaucoup trop chargé et accentuait la pesanteur de la gravité. Puis ce fut le premier randonneur à faire la totalité de la via alpina. Il marchait en sens inverse, était belge comme beaucoup sur le chemin, et donna de bonnes nouvelles pour la suite. Apparemment c’était très beau!
Elm…ou pas ?
Peu avant 15h, j’arrivai au terme officiel de l’étape, Elm, une station de ski. Le lendemain, j’envisageais de prendre les transports en commun à Linthal pour fuir deux étapes beaucoup trop proches de la route. J’avais 1600m de D+ et 24km pour y arriver si possible avant 15h30 pour éviter le tardif bus de 17h30. En termes alimentaires, cela revenait un peu à manger un cassoulet et une raclette le même repas. L’idée me vint logiquement d’avancer un peu, surtout que j’avais les jambes qui me suivaient bien. C’eut été cohérent et cela m’épargnerait d’avoir à faire l’étape trop vite.
Mais je ne souhaitais pas fonctionner comme cela. Je cherchais dans mon coeur l’inspiration pour le juste chemin. Je cherchais le chemin du sentir, et pas celui du vouloir, pas celui de la rationnalité. L’écoute du coeur, l’écoute de l’intuition mais surtout l’écoute de la nature s’étaient développées chaque jour davantage depuis mon départ. Et là, le chemin du sentir restait à Elm jusqu’à demain.
Après une bonne bière, je m’installais au camping sauvage officiel du village où je passais une très bonne soirée entourée de francophones.
Liberté
Il faut un certain temps avant de savourer pleinement l’immense liberté qu’offre la marche en solitaire.
D’abord, dépasser l’impression de vide laissée par la solitude illusoire. Ensuite apprivoiser tous les potentiels de son corps sculptés et révélés par des millions de pas. Puis nouer des contacts avec tout ce qui nous entoure, toute cette vie visible et invisible: arbres, pierres, torrents, insectes, animaux, vent. Sentir que l’on fait partie du tout, que cette terre est notre maison si on a la sagesse d’écouter là où elle nous dit d’aller. Ensuite, il n’y a plus qu’à choisir parmi tous les possibles qui sont offerts. Marcher seul simplifie les choses: il n’y a qu’une seule voix à écouter et pas vraiment de concessions à faire. Cela me donne le droit de ne pas savoir ce que je vais faire, de ne pas avoir de but, d’en changer plusieurs fois dans la journée, pour être au plus près de ma voie/x intérieure.
En quittant Elm, je me demandais si finalement je n’allais pas parcourir cette étape trop proche de la route à pieds et pas en bus. Dommage de sacrifier quelques 40 kilomètres à pieds au profit d’un trajet en bus. Et puis cela me permettrait de faire toute la via alpina suisse. J’avais aussi entendu parler d’un contournement par le nord de cet étape. Sachant qu’il fallait que je sois le 13 août à Engelberg car j’avais réservé une chambre pour m’y faire expédier une nouvelle paire de chaussures. Si je parcourais à pieds ces 2 étapes routières il se pourrait que je n’arrive pas à l’heure à Engelberg.
Le sens de la marche
Richetli Pass, deuxième col de la via alpina. Je suis déjà ébloui par ce que je vois. Le calcaire et le granite se conjuguent en une harmonieuse composition. Dans les Pyrénées, ils tendent à s’exclurent; ici ils s’entendent pour former un décor original qui régénère ma vision, lassée par les paysages trop classiques des montagnes que je fréquente habituellement. Je reprends plaisir à contempler le granite.
Un couple de suisses francophones se trouve au col. Ils font aussi la via Alpina suisse. Nous discutons sur nos plans respectifs pour la fin de la journée. Je leur expliquais que j’allais peut être parcourir à pieds les 2 prochaines étapes même si leur intérêt était limité. Le suisse me dit qu’effectivement il ferait ça pour la fierté d’avoir parcouru la VA dans son intégralité. Parfois, on ne trouve pas la lumière, c’est elle qui nous trouve: ces mots furent un miroir. Ma motivation de faire ces 2 étapes routières n’avait pas d’intérêt paysager. Elle tenait surtout à l’accomplissement total, au fait d’avoir tout parcouru, à une sorte d’orgueil d’avoir marché chaque millimètre, d’être le détenteur d’une expérience réellement authentique qui n’aurait pas été galvaudée par un trajet en bus. Trajet qui m’exclurait des marcheurs sérieux et dédiés à leur chemin.
Mais tout cela n’est que des croyances, des conditionnements que l’on choisit pour se limiter. Ils ne correspondent à aucune réalité absolue. Marchons notre propre chemin. Celui qui fait sens pour nous, celui nous appelle et dont nous avons besoin sans vraiment se l’avoir dit. C’était un rappel nécessaire dont j’avais besoin. Parcourir le sentier à côté de la route n’avait aucun sens réel pour moi.
Croisée des chemins sur la via alpina suisse
J’arrivai donc à Linthal vers 14h45, confirmant que mon intuition de la veille m’invitant à rester à Elm était judicieuse. J’étais frais, les kilomètres ne m’avaient pas émoussés et j’en avais profité pleinement, sans hâte. Devant moi, de fantastiques murs de calcaires tentaient de toucher le soleil et les étoiles. Il existe un lien invisible entre l’indescriptible beauté de la vie et l’ouverture de mon coeur. C’était sûrement l’Amour qui m’unissait au monde davantage à chaque merveille contemplée. J’eus le temps d’avaler une bière tout en décidant de mon avenir: soit prendre le chemin alternatif au nord, soit prendre le bus jusqu’à Altdorf et continuer à marcher pour sortir de la ville et prendre un peu d’avance sur l’étape du lendemain.
Doué pour éviter la pluie, mais pas pour éviter la transpiration
J’optai pour Altdorf. Je n’étais pas assez préparé pour passer au nord et je n’avais pas vraiment le temps d’organiser les choses. Le trajet en bus me plut beaucoup. Parce qu’il confirmait que le chemin passait vraiment à côté de cette route très fréquentée. Parce que les paysages furent aussi d’une mémorable majesté dont je pus aussi bien profiter depuis les larges fenêtres du bus que depuis le sentier. Et enfin parce qu’il me tint à l’abri d’une solide averse orageuse à l’approche d’Altdorf. Il fallait que je m’y fasse: j’aurais toujours énormément de chance avec la pluie et les orages. J’étais heureux d’avoir « triché ».
Après un petit ravitaillement, je repris le chemin des montagnes pour grimper plus de 1100m de D+ à la (presque) fraîche. J’arrivai vers 20h40 au camp, le T shirt aussi mouillé que si le ciel avait déversé les océans sur ma tête. La chaleur et l’humidité font aussi bien le travail que la pluie. Des locaux avaient aménagé un camping « sauvage ». Du bois pour le feu, des toilettes et une source d’eau fournissaient un luxueux minimum aux randonneurs de passage.
Course contre les nuages
Passant le col qui n’était qu’à quelques pas, sous un soleil inespéré, je me nourris encore d’incroyables paysages et de fromage d’alpage. Les nuages s’accumulaient à l’approche d’Engelberg. Bientôt, la pluie me cerna, mais j’étais toujours épargné. Je savais cependant que je n’y couperai pas. Mais la pluie avait dû être avertie que j’étais un randonneur chanceux. Elle attendit donc que j’ai trouvé un abri à Engelberg avant de s’abattre généreusement sur les alentours.
Mon amie la pluie
La pluie fut une autre caractéristique de la via alpina suisse. Nous nous vîmes tous les jours ou presque, tout en respectant une distanciation sociale à la mesure de celle imposée par le COVID. En partant d’Engelberg, tardivement, je laissais à la pluie le temps de finir de tomber. Mais je n’espérais pas lui échapper. Un solide couvercle nuageux chapeautait les montagnes et assurait indubitablement une cuisson arrosée pour les randonneurs tâchant de passer au travers des gouttes. Je ne vis pas grand chose ce jour-là, si ce n’est le très lent défilement des kilomètres dans un paysage beaucoup trop pudique pour être apprécié. Il me semblait ne pas avancer et refaire toujours la même portion d’un sentier sisyphéen. Tout juste la possibilité de m’abriter au bon moment d’une averse me grisa un instant, échappant avec jubilation à la pluie et à l’interminable monotonie du jour.
Une station de ski aurait pu servir d’échappatoire. Mais à 16h30, alors que j’étais tout proche, je vis les remontées s’arrêter. Dommage. Il me restait beaucoup à parcourir malgré le rythme soutenu de ma marche. Le ciel qui se dégageait annonçait l’avenir: il serait pluvieux et orageux à très court terme. Je commençais donc la descente vers Meiringen mon étape du jour en trottinant, espérant éviter l’arrosage céleste. Je préférais aller dans les villages pour être sûr de dormir dans un lieu où le camping était légal et ainsi éviter une solide amende à 4 chiffres. Et si le ciel était d’humeur très maussade, j’y trouverais un hébergement en dur.
Le message de l’arbre
Malgré mes intentions et l’intensité de mon rythme, je compris que cette fois je ne pourrais échapper aux intempéries. Trop de kilomètres me séparaient de la ville. J’étais fatigué de fuir, je renonçai, acceptant mon sort humide. Je rentrai dans une forêt de majestueux sapins. J’avais pris l’habitude d’honorer leur beauté et de me connecter à leur belle énergie. Parfois, je choisissais un arbre qui m’appelait et posait ma main dessus, prêt à recevoir la puissante énergie sylvestre. J’avais entendu parler des bienfaits apporté par l’embrassade des arbre. Je m’y adonnais donc régulièrement depuis le début de la marche. J’aimais la paix que transmettait ces êtres végétaux. Il est souvent arrivé qu’ils me donnent bien plus, un surcroît d’énergie ou même un message.
Lorsque je m’abandonnais auprès de ce sapin, je trouvais beaucoup de réconfort dans la présence bienveillante de l’arbre. Je le sentis à la fois me recharger mais aussi m’accueillir dans toute ma fatigue. J’eus l’impression de revenir à la maison. Après un moment de reliance auprès du sapin, j’entendis intérieurement un message clair. « Pars maintenant, un véhicule t’attend plus bas pour te ramener à la ville ». Je remerciais l’arbre et me remis en route.
Sauvé des eaux
Croyez le ou pas, à peine arrivai-je à la route qu’un véhicule passait. Il n’y en avait pas beaucoup à cette heure-ci dans ce coin reculé. Je tendis le pouce, bien conscient que le stop en Suisse était chose difficile. La voiture s’arrêta, je montai et je fus conduis au prochain village alors que l’orage était imminent. Les passagers de la voiture parlaient seulement allemand et suisse-allemand, aussi la conversation fut très limitée. Lorsque je descendis du véhicule, le conducteur m’indiqua le téléphérique tout proche pour aller à Meiringen, avec un départ dans quelques minutes. Je n’avais pas pour habitude de prendre les remontées mécaniques, surtout en Suisse. Le prix à la minute de ces choses-là était équivalent à celui de l’avion. Dissuasif.
Mais je ne sais pas pourquoi, sans vraiment grand espoir, j’allais voir quel était le prix du trajet. Tout était fermé, seule une petite salle éclairée signalait une présence humaine: c’était là où se trouvait l’opérateur. Dans mon allemand finalement assez riche pour poser une question, je demandais quel était le prix du trajet. L’homme me répondit que la caisse était fermée et que le trajet serait gratuit. Miracle. L’orage devrait faire sans moi, une fois de plus. Je le contemplais avec jubilation et gratitude derrière la protection d’une baie vitrée alors qu’il déversait de toutes ses forces des seaux d’eau dans la nature. Sa verve s’épuisait alors que je sortais du téléphérique, encore une fois tout surpris des synchronicités favorables.
La cascade de Reichenbach
Le jour suivant devait être le théâtre de ma plus longue journée sur la VA jusqu’alors: 46km et 2600m de D+ entre Meiringen et Lauterbrunnen. Cette ville sembla s’éloigner encore de quelques kilomètres quand je me réveillais, fatigué par une nuit pourtant sans encombre. Comme d’habitude, vers 7h15 je quittais le camp pour me rendre vers ma destination. Peu après, je rencontrai une puissante chute d’eau. Certains pouvaient y monter en funiculaire afin de s’éviter une très très pénible marche…de 10mn!
Cette eau rugissante m’appela. Sa force m’inspirait et contrastait avec la faiblesse de mon entrain. L’eau ne connaissait pas la fatigue, elle chantait sur la roche avec une énergie infaillible depuis longtemps. Je pensais à mon corps constitué essentiellement d’eau. Et si je tissais un fil invisible entre l’eau de mon corps et l’eau de la cascade, qu’allait-il se passer? Pouvaient elles communiquer, se transmettre des choses, qui sait, peut être même une peu de forces?
Je fermais les yeux, plongeant dans le vrombissement de l’eau, me confondant avec lui et laissant mon ouïe et mon toucher contacter la cascade. Du temps passa, plusieurs minutes sûrement. J’étais transformé lorsque je rouvris les yeux. Je me sentis chargé, vigoureux, énergique. La cascade m’avait transmis sa force. Il me semblait revenir de loin et je titubais presque lorsque mes jambes m’emmenèrent de l’avant. Je n’étais pas tout à fait revenu, comme si une partie invisible de mon être était toujours branchée à cette cascade. Mes esprits me revinrent peu après, confirmant que un état de forme transformé.
Connexion à l’invisible
La cascade comme le sapin furent pour moi des occasions de me relier à la vie qui nous entoure. Après 2 mois dans la nature, j’ai peu à peu appris à contacter cette vie non humaine, non animale. Je sens qu’elle habite toute chose, de la pierre au bois, de l’eau à l’air. Passer du temps immergé dans la nature m’a rapproché d’elle et intuitivement j’ai commencé à ressentir nos échanges. Je me suis ouvert à la possibilité de communiquer.
Notre cerveau si peu exploité pourrait peut être traduire en mots ce que les plantes, l’eau ou les animaux pourraient vouloir dire. Nous pensons généralement que la communication verbale n’est possible qu’avec les seuls êtres qui maîtrisent notre langage, à l’exception de quelques animaux qui ont su trouver des outils d’interaction avec l’humain. Mais si finalement nous disposions d’un décodeur, d’une capacité intuitive à percevoir les messages du vivant? C’est ce que les traditions animistes pratiquent depuis toujours.
Aujourd’hui, nous avons largement rationalisé notre rapport au monde, cantonnant notre savoir au tangible, au visible, au scientifiquement prouvé. L’invisible, le sensible, propre aux capacités de chacun, relégués souvent à l’intime, suscitent la méfiance. On imagine l’homme et quelques animaux seuls dotés des outils de communication. Mais peut être que notre monde est plus vaste et plus riche qu’on veut bien le voir. D’ailleurs la science a montré que les arbres pouvaient par exemple voir les couleurs, percevoir des choses très loin d’eux, en dépit d’une structure très simple: feuilles, bois, racines. Les arbres ont des capacités sensorielles et une intelligence adaptative. Ils sont en vie. Et pourquoi cette vie là serait elle incapable de communiquer? Et si l’eau dans nos cellule communiquait avec l’eau des rivières, comme 2 soeurs issues de la même mère et dans des corps différents?
Batterie chargée
Je vais peut être loin et je ne demande pas que l’on me croie. Je relate une expérience, une vision, une sensibilité. Peut être que vous y verrez le pouvoir de l’autosuggestion, de l’intuition et que pour vous les arbres comme l’eau comme les pierres ne communiquent pas. C’est ok pour moi. La réalité peut être perçue sous de nombreux angles. Je l’ai nommée à ma manière et chacun reste libre de la voir comme il l’entend. Je n’ai aucune certitude et n’affirme aucune vérité. C’est le témoignage d’un vécu, qui simplement résonne avec beaucoup d’autres depuis des millénaires.
Toujours est il que je repartis ressourcé. Faire 46km n’était pas une lubie sportive. J’avais regardé les prévisions météo et il semblait que le temps se gâte bien le surlendemain. L’Oberland bernois, où je me trouvais, avait de très bonnes relations avec les perturbations et son accueil était légendaire. Elles aimaient y séjourner plus qu’ailleurs en Suisse. Devant moi, les plus hauts cols du parcours suisse me pressaient de venir sans tarder. Ils ne souhaitaient pas cacher leurs atours dans les nuages. J’avais donc 2 jours pour faire 4 étapes classiques de la Via Alpina suisse. Ce serait donc cassoulet raclette spaghettis bolognaise et paëlla tous ensemble. J’allais essayer, j’étais assez entraîné pour réunir 4 étapes en 2.
Le Disneyland des Alpes
Cette région si prisée des nuages l’était tout autant des touristes. L’Eiger, le train le plus haut d’Europe, la belle vallée aux cascades de Lauterbrunnen canalisaient des foules venues du monde entier. Cette année, j’avais la chance d’être dispensé des hordes indiennes et chinoises cantonnées sur leur continent. Pour autant, tous les autres étaient au rendez vous en ce samedi très ensoleillé, promettant enfin une journée sans pluie. Cyclistes, randonneurs à la journée, badauds, la foule présente aurait effrayé bien des ayatollahs de la distanciation sociale.
Le spectacle était honorable, mais peut être était il gâché par l’afflux touristique. Je n’appréciais pas cette grandiose région plus que les autres. Oui c’était beau mais pas plus que ce que j’avais vu avant en Suisse. Je n’étais pas sensible aux histoires légendaires qui firent de ces montagnes plus que des oeuvres d’art naturel: monuments historiques, temples de mémoire mais aussi gare de haute montagne et centre commercial où la consommation n’avait rien à envier à ce qu’il se passait en plaine.
Klein Scheidegg, verrue de la Via Alpina suisse
Arrivé au col, noyé dans une foule étrangère à l’esprit d’une randonnée longue distance, je fuyais en toute hâte. Deux mondes se croisaient et, comme l’huile et l’eau, l’émulsion était compliquée. La foule autorise l’anonymat, voire la déshumanisation. L’autre devant toi, cet inconnu parmi tant d’autres, restera une forme de vie étrangère que l’on s’autorisera à bousculer, à ignorer. Dans la foule, on n’a pas les moyens de connaître chaque personne, on ne peut considérer tout le monde. Alors on se centre sur soi et sur le petit monde connu qui nous entoure, famille, amis, compagne, compagnon. Au delà de cette sphère, on fera au mieux, mais qu’importe si l’on ne fait pas si bien. Ces autres, on ne les reverra jamais.
En montagne, au contraire, l’humain est rare, si bien que l’on peut dire bonjour à chacun, prendre le temps de discuter avec des inconnus, partager un gâteau. On finit par s’identifier, se connaître au gré des pauses sur le chemin, qui relie autant un départ et une arrivée que les êtres qui le parcourent. Les humains en montagne sont souvent unis par une communauté de but, d’appartenance, qu’ils soient bergers, montagnards ou encore gardiens de refuge (je mets les chasseurs dans un monde à part) , reliés à cette même terre particulière que le béton tentaculaire ignore majoritairement. La montagne n’est pas un milieu aseptisé; les dangers sont nombreux et exigent que l’on prenne soin de soi mais aussi des autres. La solidarité y est une valeur normale.
Tout cela implosa massivement lorsqu’arrivé à Klein Scheidegg, je dus traverser cette gare d’altitude où des trains vomissaient des coulées de touristes bruyants, amateurs de cigarettes et pas vraiment préoccupés par les personnes alentour.
Quand ça commence à faire mal
Lauterbrunnen ne me donna pas de répit. Ces mêmes masses humaines très urbaines, très à la mode, venaient également profiter de la beauté du lieu. L’ambiance s’en ressentait: nous n’étions plus vraiment à la montagne. Mais un problème plus sensible occupait mon esprit. Une de mes chaussures neuves me faisait dangereusement mal. L’an dernier j’avais déjà ressenti une douleur similaire avec une paire de chaussures neuves différentes. Le résultat fut sans appel. La douleur vint en début d’après midi et le soir même je ne pouvais plus marcher. Le haut de la chaussure venait presser le tibia sur sa partie extérieure, créant une inflammation et un oedème très douloureux. Cette fois-ci, la douleur fut moins fulgurante: je ne la sentais qu’en dévers ou en descente. Pour autant, sans savoir comment elle allait évoluer j’étais un peu inquiet car elle pouvait signifier la fin du voyage.
La Suisse sauvage
L’étape suivante allait être un test très poussé. Je devais passer 2 cols, flirter avec les 3000m de D+, laisser derrière moi un nombre conséquent de kilomètres, afin d’aller au delà du Hohtürli, un difficile col à 2700m que je ne voulais pas franchir dans le mauvais temps. Je trouvai une parade temporaire à la douleur en calant un mouchoir entre ma chaussure et mon tibia. Mais l’indiscipline du mouchoir qui cherchait sans cesse à s’évader de la chaussure m’obligeait à une attention quasi permanente. Et parfois à quelques retours en arrière lorsque je me rendais compte trop tard qu’il s’était fait la belle.
J’arrivais un peu après midi au premier col, le Sefinnen Fürge, trônant à plus de 2600m. Le ciel voilé avertissait d’un changement prochain de sa couleur, qui tendrait indubitablement vers le gris ou plus sombre encore. Mais le pour moment, le soleil brillait timidement. Je me lançai donc dans une trace alternative pour rejoindre plus facilement le Hohtürli, passant au coeur de la montagne et au plus près des glaciers.
Après des jours dans les vertes prairies, je me retrouvai dans un environnement beaucoup plus austère, où les couleurs avaient disparu avec la fuite du bleu du ciel. J’aurais cru que ma vie était devenu un film en noir et blanc. L’avancée au plus près du décor me remplit de bonheur. La magie des montagnes était d’insuffler le grandiose chez ceux qui l’admiraient. Leur coeur, nourri d’immensité et d’esthétique, devenait à son tour plus vaste, plus aimant.
Le plus beau col de la Via Alpina suisse
Le Hohtürli se gagnait au terme d’une sèche ascension de presque 900m, jalonnée de pentes raides et d’improbables escaliers perchés à près de 2800m. Le terrain n’était pas accueillant, rude comme des montagnes ariégeoises. Le ciel se couvrait peu à peu mais évitait de se montrer menaçant. Ne sachant pas ce qu’il préparait, car englouti par les cimes, je décidai de ne pas m’attarder et de sortir de l’étau. Une tempête pouvait venir à ma rencontre d’un instant à l’autre. Je ne croyais pas si bien penser, mais la bête céleste restait pour le moment tapie derrière les montagnes.
L’éblouissement est toujours plus intense lorsqu’il est inattendu. Le Hohtürli réservait ses surprises à ceux qui avaient le courage de monter ses abruptes marches disposées sur un tapis noir. Au cadre spartiate de la montée, sèche, raide, sombre, minérale, étroite, succédait une vue infinie sur des glaciers, des pentes douces, colorées et lumineuses. Le contraste tirait le tapis sous mes pieds. J’étais déstabilisé et propulsé dans un autre monde, bien plus doux et accueillant, sans transition. La montée paraissait être un rêve étrange, qui disparaissait instantanément comme si l’arrivée au col avait été le réveil qui m’aurait tiré d’un sommeil profond.
J’avais sous mes yeux une des plus belles vues de ma traversée suisse. J’en profitais d’autant plus que le soleil semblait s’attarder et peu pressé de laisser la place aux perturbations pourtant bien prévues. Il était 16h30, le luxe m’était offert de flâner à cette altitude, surtout que ma journée était accomplie et qu’il ne restait plus qu’à solliciter l’hospitalité auprès d’un coin plat et herbeux de la montagne.
Une interdiction providentielle
Un très beau lac, situé bien plus bas donc plus à l’abri si le soleil venait à changer d’avis, m’attirait bien. J’avais vu sur un blog que le camping sauvage y était possible, ce qui n’est pas une évidence en Suisse, et donc je me dirigeais vers lui tranquillement, badant les glaciers et les improbables formations rocheuses qui égayaient mon parcours. Lors d’une pause, je fus « attaqué » par un mouton esseulé, qui se demandait s’il pouvait manger mes vêtements. A défaut, il entreprit de me lécher les membres, sur lesquels la sueur maintenant disparue avait laissé du sel dont ces animaux se délectent. Je mis un moment à me débarrasser de mon envahissant compagnon pour qui j’étais visiblement une friandise providentielle.
Oeschinensee, ce fameux lac, était quasiment désert, l’essentiel des touristes étant maintenant reparti. Je trouvai facilement mon coin d’herbe surplombant le lac. Un torrent tout proche m’offrirait douche et rafraîchissements. La vue était imprenable. Non loin, un couple roucoulait et quelques privilégiés avaient eu le droit de construire leur chalet. La soirée promettait d’être magique, et je n’allais pas être déçu. Par acquis de conscience, j’interrogeais le couple sur la possibilité de bivouaquer ici. Ils me répondirent avoir vu des panneaux interdisant le camping dans le secteur. Ma soirée dans un spot de rêve venait d’être torpillée. Il me restait le choix de défier l’interdit ou de plier bagages et filer vers Kandersteg, la prochaine station de ski.
J’aurais volontiers bravé l’interdit, mais il m’était difficile de savoir si les maisons alentour étaient occupées ou non. Et je savais que la Suisse était un territoire où la délation relevait du civisme.
Le ciel me tombe sur la tête
Je ne pris pas de risque et repartit, pestant contre cet interdit imbécile dans ce pays où la nature était envahie de station de ski. J’y voyais la volonté d’entraver ceux qui ne voulaient pas dépenser d’argent, pour les amener vers les villes où ils devraient s’acquitter de leur devoir de consommateur en payant le camping, le restaurant, l’épicerie et tout le reste.
Mais la vie est bien faite. A mesure que je descendais vers Kandersteg, le soleil s’enfuyait et le monstre céleste tant annoncé et bien caché commençait à assombrir le ciel et à gronder dans le lointain. Un orage arrivait,et il n’était pas prévu. Mon pas se fit plus rapide et je parvins au camping à temps pour poser la tente au sec.
Devant l’imminence des déferlantes, je trouvais un abri pour manger au sec et contempler le spectacle. Ce fut un son et lumière comme on en voit très rarement. Le ciel restait allumé par les éclairs incessants et on aurait dit que l’océan lui même était venu arroser Kandersteg, fracassant des tonnes d’eau sur la terre toute surprise par ces élans rageurs du ciel. Bientôt la grêle se joignit à la fête, crépitant sur la table où je mangeais. L’auvent qui me protégeait fut débordé, incapable de retenir les météorites de glace qui s’efforçaient de me sauter dessus, aidé un vent complice. Adossé à un mur, cerné par les trombes d’eau,assailli par les éléments, je ne pouvais fuir et devait accepter mon sort qui cependant aurait été bien pire si je n’avais pas été abrité.
Je bénissais désormais les interdictions de camper, savourant mon relatif confort de l’instant et jubilant devant le magnifique spectacle offert par la nature.
Dégâts des eaux
La violence du ciel s’atténua un peu et je tentais d’aller voir ma tente pour vérifier si tout allait bien. Il faisait nuit et je n’avais pas vu qu’un ruisseau coulait maintenant dans les pentes du camping. Large de plusieurs mètres, je ne pouvais le sauter. Je tentais de passer plus bas mais découvrit qu’une coulée de boue avait noyé la terrasse du restaurant du camping et coupait l’accès aux tentes. Il me fallait patienter et je partis prendre une douche chaude en attendant que l’eau veuille bien retourner dans le lit de la rivière.
Je finis par trouver un chemin pour me rendre dans ma tente. J’avais eu la très mauvaise idée de laisser la tente intérieure ouverte. L’eau avait chevauché le vent et su se faufiler par dessous les protections. Des poussières et autres morceaux d’arbres s’étaient aussi glissés dans la pataugeoire qui me servait de tente. Mais, elle était toujours là, et intacte. Je n’avais personne d’autre à blâmer que moi même pour l’incursion des éléments dans mon intérieur. Je nettoyais comme je pus et tâchais de dormir après cette longue journée. Il était 22h.
Evacuation
Mais la nuit fut noyée par les gyrophares et autres moteurs d’hélicoptère. Visiblement, j’allais mal dormir. Une certaine agitation régnait dans le camping. Mes boules quiès ne m’en protégeaient pas et le sommeil se fit la belle, attendant des nuits meilleures. Les pompiers ne me réveillèrent donc pas lorsque vers minuit, sous une pluie conséquente, ils me demandèrent d’évacuer mon emplacement. Ils craignaient une montée des eaux encore plus dévastatrice. A 4, avec l’énergie qu’on a habituellement à 9h du matin, ils déplacèrent ma tente pour la mettre dans un coin abrité des inondations. Je contemplais cette scène surréaliste, comme un rêveur éveillé amusé par cette aventure et l’imprévu, pour le moment sans danger.
Regagnant mon humide cocon, je sollicitais le sommeil pour qu’il accepte de refaire un essai. Peine perdue, l’émoi suscité dans le camping par l’orage de l’été se partageait bruyamment entre les vacanciers et les locaux et il me fallut attendre 2h pour que le calme et l’envie de dormir reviennent.
Tenté par le diable
A 7h du matin, quand mon horloge biologique me tira du sommeil, ce n’était donc pas la fête. L’étape de la veille aurait nécessité une vraie nuit de repos et je me voyais mal repartir sur le chemin ce matin, surtout avec tout mon équipement de nuit mouillé qui n’aurait pas le temps de sécher durant cette journée annoncée très maussade. Une gueule de bois climatique assommait le camping ce matin, chacun sortant visiblement éprouvé et au ralenti de la nuit. J’allais avoir besoin d’une journée pour récupérer de cette nuit et permettre à mon matériel de m’accueillir convenablement à nouveau.
Mais ce matin, j’avais rendez vous avec le diable. Il prit d’abord la forme d’une éclaircie, puis d’un rayon de soleil, puis d’un coin de ciel bleu qui devenait de plus en plus grand. Je ne savais pas dire non au soleil et au ciel bleu. J’avais envie d’en profiter et de repartir marcher. Ma journée de repos serait très vite une inacceptable perspective qui ne pouvait pas faire d’ombre au soleil. Au diable la récupération, en avant!
Regrets
Je passais devant le centre scout de Kandersteg, après 30mn de marche. C’était un lieu d’accueil très bon marché. J’eus quelques regrets en pensant que si j’avais marché 30mn de plus j’aurais eu une bonne nuit. Du coup j’envisageais finalement d’y passer la nuit après une étape très modeste de la via alpina suisse vers Adelboden, un bus reliant cette station à Kandersteg. Modeste, comprenez 16km et 1300m de D+: une demie journée compte tenu du rythme habituel. Rapidement, des nuages se pointèrent et commencèrent à boucher la vue, puis à me tomber sur la tête. Je pensais au diable qui devait bien rire de sa blague en m’entendant regretter ma décision de prendre la route. Quelques moments dégagés me confirmèrent la légitimité de ces regrets: d’après la carte ce n’était pas spécialement grandiose, d’après mes yeux c’était un fabuleux spectacle.
Sauver ma jambe droite
Le passage du col me délivra de la nébulosité et m’offrit des murs impressionnants, une vallée généreuse et du soleil. Le diable devait ignorer qu’il faisait beau du côté d’Adelboden. Arrivé à la ville, je me mis en quête d’un magasin de sport. La douleur dans mon tibia droit était de plus en plus forte et j’espérais qu’un spécialiste des chaussures puisse m’en délivrer.
Devant l’entrée d’un magasin, je renonçai: mon intuition me dit que ce n’était pas le bon endroit. Elle valida le second magasin. Après avoir exposé mon problème, le patron vint apporter un regard d’expert. C’était un trailer expérimenté, pas un simple vendeur, quelqu’un qui connaissait les problèmes que rencontrent les montagnards. Il me regarda marcher et suggéra que la douleur venait d’une voûte plantaire qui manquait de soutien. Il me proposa des semelles, que j’essayais. Je sentis une sorte de joie et un mieux lorsque je marchais avec. Elles coûtaient quand même 60€, je n’étais pas sûr de vouloir mettre ce prix dans une solution qui ne m’apporterait qu’une seule certitude: l’amaigrissement de mon compte en banque. Le marchand fut honnête: quand je lui demandais s’il était sûr que cela fonctionnerait, il me répondit qu’il n’en savait rien mais qu’il pensait que ça aiderait.
Prendre une décision n’était pas facile: je choisis d’écouter la joie et le mieux être ressentis lorsque j’avais mis ces semelles. C’était le choix du coeur, la raison n’avait pas vraiment convaincu. Les jours qui suivirent confirmèrent que j’avais fait le bon choix: la douleur s’estompait. Merci l’intuition.
Tarifs suisses
Par contre, je dus dire adieu à ma nuit bon marché chez les scouts de Kandersteg: l’heure de bus qui me séparait de Kandersteg coûtait…20 francs, soit quasiment le prix de la nuit, auquel il fallait rajouter encore 20 francs pour revenir à Adelboden. Rester sur place me reviendrait moins cher. Je trouvai donc un dortoir à 47 euros la nuit (oui oui 47 euros pour dormir en dortoir, plus cher que l’Islande), que j’eus la chance d’occuper seul. Je le transformai donc en séchoir géant pour randonneur naufragé.
Français libéré
Poursuivant ma traversée vers l’ouest, je fis étape non loin de la très huppée station de Gstaad, dernière ville germanique du voyage. Je traversais la Germanie depuis mon retour en Italie et le mur de la langue allait enfin tomber après des semaines d’allemand approximatif et de sauvetage verbal en anglais. D’ailleurs, les magasins annonçaient l’imminence de la francophonie: la boulangerie s’appelait bien boulangerie désormais et non plus backerei; et les commerçants parlaient ma langue natale.
J’allais passer une première frontière symbolique, celle qui signifiait l’entrée dans le dernier pays du voyage, le retour en terre nationale. Il n’y avait pas vraiment de marquage entre les cantons, aussi je fus surpris quand, soudainement, un langage très familier émana d’une une bergerie. Des gens prenaient l’apéro et je leur demandais si désormais je pouvais libérer mon français retenu depuis trop longtemps au fond de mon cerveau. Une joyeuse discussion s’engagea et je finis attablé avec eux, un verre de vin blanc suisse dans la main. Je célébrais comme il se devait mon arrivée en Suisse romande.
Intuition trompeuse ?
La météo avait annoncé une belle journée sans orage et je planifiais donc de dormir à un col afin de profiter enfin d’un beau coucher de soleil. J’avais eu le plus grand mal à profiter des couchers de soleil depuis le début du voyage, les nuages ne partageant que très rarement leur exclusive occupation du ciel l’après midi et la soirée. Mais j’allais enfin pouvoir goûter au plaisir de dormir dans un endroit de rêve. Du moins, je le croyais.
Car s’il était écrit que je devais rester sec pendant ce voyage, il semblait également bien marqué que je ne doive profiter des couchers de soleil qu’une fois tous les jamais. Sans prévenir, les nuages se ramenèrent en masse vers 17h, manifestant pacifiquement pour l’obstruction du soleil. Adieu le coucher de soleil. Je montais donc lentement vers le col, sans hâte, et je ne pus profiter de la fugace percée d’un soleil sur le départ car j’étais bien trop loin du point de vue, même si un patou me pressait de monter vite.
Le soleil parti, les nuages n’avaient plus vraiment de raison d’être là et s’évaporèrent à leur tour. Un beau crépuscule m’accueillit donc au col, mais pas de pelouse bien plate. La lecture de la carte fut trompeuse et il n’était pas possible de rester ici la nuit, ni de rebrousser chemin, afin de ne pas servir de repas au patou. Plus bas, une petite cabane inhabitée posée sur une crête paraissait proposer cette salutaire pelouse. Sans tarder, je filais donc vers ma terre promise. En chemin, je m’étonnais: j’étais monté à ce col en écoutant la voix de mon coeur qui m’avait toujours amené vers le meilleur et une certaine réussite. Aujourd’hui, il en allait autrement. Peut être que je n’étais plus autant à l’écoute finalement.
Squatteur
Arrivé à la cabane, je trouvais immédiatement de quoi poser la tente et aussi des traces d’occupation du lieu: la cabane était habitée apparemment par un berger, parti dans la montagne. Même si le camping sauvage était peu toléré en Suisse, et même si je plantais directement sur le terrain de la cabane, je décidai de ne pas attendre son aval. La nuit tombait et je n’allais pas bouger. Il ne fallut que quelques minutes pour que je voie deux silhouettes sortir de la pénombre, entourées de deux énormes chiens-loups. Une crête de punk émergeait de la tête de l’un d’eux et je me dis: « oh un punk, il risque d’être en colère ». Je ne sais pas pourquoi je croyais à cet instant que les punks étaient avant tout des gens en colère. Sans doute la rébellion contre la société qui leur était associée.
J’imaginais déjà qu’ils pourraient m’expulser sans ménagement et m’excusait pour mon occupation sauvage. Un peu dans le vide car le français n’était pas leur langue. La fille me comprenait et me dit qu’il n’y avait aucun problème pour que je dorme là, que si j’avais besoin de quelque chose je pouvais leur demander.
Générosité
Assis sous les étoiles, je goûtais mon dîner et le spectacle merveilleux du ciel. Fabienne, la bergère, sortit et m’invita à finir mon repas et boire une tisane avec eux. La soirée fut riche d’échanges en français, allemand et espagnol, à propos de tout et de rien. J’appris entre autres que le métier de berger n’était pas si différent du métier d’éducateur spécialisé: les moutons nécessitent aussi une expertise de la relation, un désamorçage des conflits et l’instauration d’un cadre rassurant. Je comprenais maintenant pourquoi mon instinct m’avait guidé vers ce col inhospitalier. J’avais autre chose à trouver que ce que j’avais initialement prévu: de l’authenticité, de la simplicité et de la chaleur humaine. C’était mon dernier soir sur la via alpina suisse et il fut à l’image de ce que j’avais ressenti dans ce pays très accueillant.
Au matin, une omelette avec des oeufs de poules d’alpage et des herbes sauvages m’attendait. Mes hôtes avaient une immense générosité qui m’emplit le coeur. Un des innombrables cadeaux que je reçus pendant cette traversée. J’apportais mon pain d’épeautre et ma pâte à tartiner pour que le partage soit complet et réciproque. Les bergers me proposèrent de m’accompagner sur le début de ma journée, ils allaient voir leurs animaux. Je partis le coeur joyeux, avec l’impression d’irréalité propre au rêve: de tels accueil ne sont pas si fréquents. Mais cette générosité n’est pas perdue. Elle m’est transmise comme un feu sacré à redonner au monde pour l’enchanter un peu si possible. La joie éprouvée à recevoir des cadeaux fera naître la joie de donner et un sourire dans le coeur.
Suisse pas sauvage
Je montais vers les Rochers de Naye, mon ultime sommet de la via alpina suisse avant de fondre sur le Léman et passer en France. Je marchais sur un sentier balisé mais son entretien n’avait rien à voir avec celui des sentiers de Suisse germanique. Ici, je me serais cru au fond de l’Ariège, suivant un balisage erratique sur un chemin oublié des hommes. Les stations de ski pullulaient sur les montagnes suisses et les Rochers de Naye n’y feraient pas exception. Ils étaient même plutôt bien dotés en termes de remontées mécaniques, car une gare de train à crémaillère nichait sous le sommet, arrosé de touristes à la recherche d’un panorama sans effort sur le Léman. Pour l’immersion sauvage, il me fallait aller ailleurs.
« Je vous ai vu quelque part »
Montreux et ses airs de Riviera mis sur le devant de la scène par le soleil abondant. Je fus reconnu par un piéton qui me demanda si je n’avais pas été au Foo Pass il y a quelques jours. Je lui répondis que oui mais je ne le reconnus pas. Un chapeau en moins et l’on devient un parfait inconnu. Nous avions pourtant échangé au col mais les habits de montagne ont tendance à nous rendre schizophrènes: le montagnard et le citadin semblent être deux personnes différentes.
Le temps d’échanger un peu, mon bateau arriva. Au revoir la Suisse et merci pour tout le bonheur que tu m’as donné! Maintenant, la France m’attendait et j’étais très heureux de revenir chez moi pour découvrir ces montagnes que je ne connaissais pas et qui m’avaient alléché sur la carte.
Conclusion de la Via Alpina suisse
La via alpina suisse est l’avant dernier épisode de ma traversée de l’arc alpin. Après un début dans les contreforts orientaux des Alpes en Slovénie jusqu’à Cortina d’Ampezzo, je suis arrivé à la frontière de la Suisse au terme d’une magnifique traversée en partant des Dolomites, racontée dans l’opus 2.
La Suisse est seul pays de la Via Alpina que j’ai traversé en entier. J’ai pu profiter de toutes les merveilles offertes par cette terre à l’identité si particulière. Les paysages suisses ne ressemblent à aucun autre. Chaque jour, j’ai été ébloui et surpris. Un coup d’oeil sur une carte de randonnée et je peux réaliser que je n’ai presque rien vu. La Via Alpina suisse donne un magnifique aperçu des potentialités du pays: d’innombrables itinéraires longue distance jalonnent les montagnes helvétiques. Autant d’appels à revenir dans cet état qui semble petit par la superficie, mais immense par les montagnes.
La traversée de la Suisse à pieds fut aussi l’occasion pour moi d’une belle découverte culturelle: un pays accessible, accueillant, où je me suis senti bien. Je reviendrai.
Matériel utilisé pour la via alpina suisse
Voici dans cet article l’équipement et matériel utilisé pour réaliser pour la Via Alpina en Suisse