Lucile NICOLOTTO nous partage son voyage en Meije avec sa première escalade en face Sud de la Meije par la Voie Chapoutot-Mayer-Dibona en passant par les deux plus beaux refuges de nos imaginaires : le Promontoire et l’Aigle.

Informations pour préparer la Voie Chapoutot-Mayer-Dibona
Dates :
Du samedi 1er septembre au lundi 3 septembre 2018.
Lieu :
France, Provence-Alpes-Côte-D’azur, Hautes-Alpes, la Grave (05320).
Montpellier => La Grave : environ 4h de route, 370km (A9 en direction d’Avignon, puis A7/E713 vers Grenoble, Vizille, puis D1091 vers Le Bourg d’Oisans, La Grave)
Péages : 28€30
Participants à l’escalade en face Sud de la Meije :
François Ranise

Lucile Nicolotto

Où dormir près de la Meije:
En vallée
A la Grave, multiples solutions d’hébergement : hôtels, chambres d’hôtes, gîtes, locations saisonnières, campings… https://www.lagrave-lameije.com/fr/hebergements
Je garde un bon souvenir d’une nuit au camping municipal de Villar d’Arène lors d’un précédent périple. Ouvert à partir du 15 juin, 12€ la nuit pour deux personnes avec une tente et une voiture.
Le camping « Le Gravelotte » à la Grave, ouvert du 12 juin au 30 septembre, propose un forfait à 15€ la nuit.
Sur les hauteurs…
Le Refuge du Promontoire
Le Refuge du Promontoire est l’un des plus hauts perchés du massif des Ecrins (3092m) ! 30 places dans 2 dortoirs, gardé au printemps et de mi-juin à mi-septembre.
Frédi et Nathalie en assurent un gardiennage parfait depuis 10 ans, 2018 sera leur dernière saison…
L’accès peut se faire de la Bérarde (5h, 1380m de dénivelé) : remonter le Vallon des Etançons en passant par le refuge du Châtelleret. Deux options pour la montée finale : à pied en contournant le rognon rocheux (cairns), ou en via-ferrata sur l’arête du Promontoire.

L’autre option, idéale si l’on souhaite traverser les arêtes, est de monter par les Enfetchores (4h30, 1100m de dénivelé) : il s’agit alors déjà d’une petite course en montagne, puisqu’après avoir pris le 1er tronçon du téléphérique de la Grave (ouvert de mi-juin à mi-septembre, 14€ la montée, Horaires et tarifs du téléphérique), on remonte les blocs des Enfetchores, le glacier de la Meije, avant de traverser la brèche de la Meije où le refuge n’est plus très loin !
Pour réserver : 04 76 80 51 67
Le Refuge de l’Aigle
Le Refuge de l’Aigle, de l’autre côté de la montagne, est encore plus haut perché : 3440 m !
Rénové en 2014, il peut accueillir 30 passagers, d’avril à septembre. La cuisine et l’accueil y sont aussi parfaits qu’en face. Louis et Laura cèderont également leur nid après cette dernière saison 2018…

L’accès (et la descente !) classique se fait depuis le Pont des Brebis : 1800m de dénivelé, 5 à 6h. Suivre le sentier puis les points rouges et cairns entre les rochers, éboulis et névés jusqu’à la vire Amieux. Suivre le câble sur la vire jusqu’à prendre pied sur le glacier, jusqu’au refuge.
Pour réserver : 04 76 79 94 74

Où se restaurer/où se réapprovisionner :
Tous commerces à la Grave (bars, épiceries, boulangerie…).
Commerces plus important à Bourg d’Oisans (en venant de Grenoble) ou à Briançon (de l’autre côté du col du Lautaret).
Pour acheter ou louer du matériel de montagne : Objectif Meije à la Grave
Office du tourisme :

Le massif de la Meije :
La Meije, montagne de l’Oisans, marque la limite entre les Hautes-Alpes (la Grave, vallée de la Romanche) et l’Isère (Saint Christophe en Oisans / La Bérarde).
Son point culminant est le Grand pic de la Meije (3 983 mètres), mais deux autres sommets majeurs attirent également les alpinistes : le Doigt de Dieu ou Pic Central de la Meije (3 973 mètres), et la Meije Orientale (3 891 mètres).
Si le tour de la Meije à ski est une référence dans les Ecrins, l’on y trouve des ascensions de tous types :
- Mixtes et couloirs en face Nord : Couloir Gravelotte, Voie du Z, Face Nord Directe, etc.
- Courses de neige: Meije Orientale par l’arête NE, Doigt de Dieu par le versant NE…
- Voies de grande ampleur en face Sud, la plus célèbre était la Face S directe ou Pierre Allain, mais aussi la voie du bastion central, combinaison Chapoutot-Mayer-Dibona .
- Des voies modernes sont venues compléter les possibilités d’ascensions : des plus accessibles, comme « Nous partirons dans l’Ivresse», aux plus exigeantes, comme « Mitchka ».

L’éboulement au glacier carré :
Mais la course la plus fréquentée chaque été reste la traversée des arêtes de la Meije !
Cette voie normale, ouverte le 16 août 1877 par Emmanuel Boileau de Castelnau, Pierre Gaspard Père & Fils, reste une référence dans les Ecrins : la grande course par excellence, d’une difficulté modérée.
Le 07 août 2018, après un été particulièrement chaud, un éboulement sur la rive droite du glacier carré, à la frontière entre le granit et le gneiss, a rendu cette course, et toutes celles de la face Sud du Grand Pic, dangereuses !
De nouveaux éboulements et chutes de pierres se sont à nouveau produits tout l’été. Ainsi, il est déconseillé de s’y rendre avant que tous les blocs aient été purgés.
Plus d’informations et photos de drone sur la situation fin août 2018 ici.

Activités dans les environs de la Meije :
Je me souviens de ma première randonnée dans ces paysages : le plateau d’Emparis ! Une balade complète qui passe par les lacs Lérié et Noir, et offre surtout un sublime belvédère sur les faces nord de la Meije et du Râteau.

Une autre activité est la visite de la Grotte de Glace, à l’arrivée des téléphériques des glaciers de la Meije !
La découverte du jardin botanique du Lautaret vaut aussi le détour.
Nous sommes également dans le temple du cyclisme, avec le régulier passage du Tour de France aux cols du Lautaret et du Galibier…
Mais revenons-en à nos sommets des écrins et à notre enthousiasmant projet, puisque nous sommes au cœur de la Haute Montagne : c’est dans cet univers que va se dérouler ce Voyage en Meije !
Bibliographie :
– Topo « Oisans Nouveau, Oisans Sauvage – Livre Ouest » (Jean-Michel Cambon) : je l’avais acheté il y a quelques années à Bourg d’Oisans, après sa mise de jour de 2007.
Une nouvelle édition a été publiée en juillet 2018, où la description de la voie est bien plus précise !
– Carte IGN 3436ET
– C’est la 94ème des « 100 plus belles » du Massif des Ecrins, de Gaston Rébuffat (Editions Denoël, 1974), mon livre de chevet !

Ce dernier sait vendre cette course : il la vend comme « parcourant la muraille exactement en son milieu, et au niveau de ses zones fortes, ce qui fait que l’on est à la fois « dedans et dehors » : c’est une course spectaculaire, au sens exact du terme. »
Liens Internet pour préparer son Voyage en Meije :
– Le topo de Camptocamp.org est précis et juste.
– Le topo-photo de Benjamin Védrines à avoir absolument.

Topos
La voie de la « Face S directe de la 3ème dent » est en fait la combinaison de deux voies :
- La Voie du Bastion Central, ouverte en 1969 par Pierre Chapoutot et Bernard Wyns : une voie sur du superbe granit, plutôt en dalles, avec quelques points en place dans les crux en V+, et au moins un goujon et/ou un piton par relais.

- La fin de la voie Mayer Dibona, ouverte en 1912 par Angelo Dibona, Guido et Max Mayer, Luigi Rizzi.
- Et la superbe fissure de sortie directe, ouverte en 1927 par Edmond Stofer.

La descente s’effectue logiquement en finissant la traversée des arêtes de la Meije, jusqu’au Doigt de Dieu, pour rejoindre en rappels le glacier du Tabuchet, le refuge de l’Aigle… puis le pont des Brebis !
Voie Chapoutot-Mayer-Dibona : Face Sud Intégrale et traversée des arêtes, du Promontoire à l’Aigle.
Cette année, j’avais vraiment envie de vivre ma 1ère Meije !
Sauf que la Meije, elle a eu la bonne idée de s’effondrer, gloups…
L’éboulement au niveau du glacier carré empêchant d’imaginer partir à la découverte des classiques « traversée des arêtes de la Meije » ou « voie Pierre-Allain », je repère cette voie à l’abri des chutes de pierres dans « les 100 plus belles » de Gaston : faisons-lui confiance, ça ne semble pas si mutant, alors feu !!!!

Assurément, j’m’en souviendrai longtemps, de ma première Meije !
Un océan de dalles pas si paumatoire et tellement classe…
Des murs plus fracturés mais plus prisus au-dessus…
L’ambiance montagne de dingue entre grosse chaleur et… stalactites dans la voie…
La journée la plus froide de ma vie…
Le coupain sauveur qui nous évite la nuit en falaise…
Les fortes émotions du « passera, passera pas, en chaussons dans le verglas » ?
L’arrivée sur les arêtes, la folie du « on l’a fait »…
Forcément, l’Aventure de fouuuuuuuuuuu ! Un Voyage en Meije, quoi !
Samedi 1 septembre
Montée au refuge du Promontoire par les Enfetchores
Partis de Marseille de bon matin, après un café à la Grave et une découpe de cordes pour les égaliser à 61m sur le parking du téléphérique (!), nous nous mettons en route vers 14h pour les Enfetchores.

J’étais déjà montée au Promontoire par les Etançons, cette « longue méditation » qui permet d’« entrer en Meije », disait Rébuffat.
Là, l’idée étant de traverser (ou d’espérer traverser !), la logique veut que l’approche se fasse côté Nord. Pour reprendre Gaston :
Depuis La Grave, la traversée de la Brèche de la Meije est déjà une course, modeste par sa difficulté, mais d’une belle dimension par son côté traversée… On gravit les Enfetchores, on atteint la neige, et tout cela sous la présence de la face Nord de la Meije, toute proche. A la Brèche, on retrouve non seulement le soleil, mais un paysage de soleil, et la descente sur le refuge se fait dans une impression de détente.
Gaston Rébuffat, dans « les 100 plus belles » des Ecrins

Bon, moi, pour le coup, j’ai vraiment trippé la dimension montagne de cette approche, encore amplifiée par les conditions du jour. Par contre, j’ai moins eu l’impression de détente sur la descente au refuge : faut dire que la faire sous le grésil, ça n’aide pas à la bucolique ambiance !!!

En effet, si la montée offrait d’abord de belles lumières sur cet itinéraire intelligent et bien cairné….
Nous avons malheureusement rejoint le nuage à l’attaque du glacier (3050m environ) !

Des conditions déjà hostiles…
Brouillard et neige n’aident pas à s’orienter : François, le maître de l’itinéraire en perd le Nord (ou l’Ouest, plutôt !), nous guidant sur de jolies pentes de neige qui mènent tout droit… Au Râteau ! S’il a bien proposé un accès au refuge du Promontoire en faisant le détour par le Râteau, je ne voulais pas rater l’apéro !
Demi-tour, le brouillard se lève un peu, la brèche était toute proche, en fait !

Grande ambiance montagne dans cette traversée de la brèche sous le grésil : rimaye bien ouverte, descente en désescalade sur des dalles de plus en plus glissantes, un dernier rappel bienvenu…
Il ne reste plus que la dernière « épreuve » du jour : rejoindre le Promontoire sur ces plaques trop glissantes à mon goût. A la « Chapoutot », je constate que ça fait ‘achement moins peur quand le coupain reste à portée de main ! Bé oui, à glisser, autant lui glisser dessus !

Nous voilà au refuge, au chaud, en belle et douce compagnie (et pile à l’heure pour l’apéro !).
Le Promontoire et Frédi : 10 ans de gardiennage qui resteront dans l’histoire, une lecture régulière du blog permettant d’aérer la tête et de vivre un peu là-haut chaque été…
De trop brèves et rares rencontres, de délicieux repas, un engagement humain et un univers à part, qui me parlent ! Fallait bien venir partager un p’tit bout de cette dernière saison de Frédi : la fin… Ou le début de la suite ?!!

Dimanche 2 septembre
Ascension de la Face Sud Directe de la 3ème Dent !
Le réveil est prévu à 4h30 pour attaquer au petit jour. Mais l’ami dormait comme un loir, et c’est un peu plus tard que le p’tit dèj sera rapidement avalé, pour filer en direction de la Reine !
A 5h30, nous partons gaillardement vers la brèche du crapaud, nous faisant rappeler à l’ordre par Frédi : l’éboulement du glacier carré rend cette section, même de bon matin, risquée. De fait, il recommande vivement le contournement du rognon rocheux sous le refuge par le bas.
Suivant les conseils du chef, nous rejoignons le glacier à l’aplomb du départ de la voie : courte section où les crampons sont confortables.

L’attaque est vite repérée grâce au topo-photo précis de B. Védrines : on vise en haut à gauche de la neige, la rampe en ascendance à droite qui part entre les deux zones noires, à l’aplomb de l’angle gauche des toits de droite (Vous m’avez suivie ? Moi j’ai bien failli me perdre !).

Les premières longueurs déroulent bien, des dalles de granit dans lesquelles les topos précis que nous avions n’autorisent aucune erreur !
Il fait frais aux doigts et aux orteils, mais nous savons que le soleil ne tardera pas à venir nous réchauffer…


Voyage dans un océan de dalles, sur un granit parfait
Arrive alors une section qui risque de nous faire perdre du temps : François est déjà venu se perdre ici et n’en garde aucun souvenir, alors il se fiera à son instinct pour évoluer dans ces dalles en un grand arc-de-cercle vers la gauche. Ce n’est pas bien protégeable, mais le caillou est exaltant et les difficultés modérées !

Plus haut, les pitons et spits rencontrés régulièrement, ainsi qu’un dièdre caractéristique, nous confirment que nous sommes toujours sur la bonne voie : chouette !
Le soleil étant de la partie, cette section sur du granit magnifique est un régal !

Les longueurs s’enchaînent, le timing est bon, l’itinéraire plus aisé à trouver que dans notre imaginaire… Après nous être fait doubler par une cordée d’aspis-fusées en corde tendue, nous voilà au dernier crux…
Pensions-nous alors !

Deux longueurs faciles, et, c’est officiel : nous avons sorti la Chapoutot !!!!!!!
En réversible et sans se perdre, té, on est déjà fort content : faut avouer que c’est une super jolie voie, pour qui aime les océans de dalles et les voyages intelligents dans un immense bastion !
Il est 13h30 : En bonne gardienne du timing, j’me dis qu’en tenant ce rythme, on devrait être bon pour sortir avant la nuit, chouette ! Yaplukà poursuivre, so !
Voie Mayer-Dibona : le début des hostilités…
Cette 2ème partie nous a semblé tellement plus longueeeeeeee ! C’est que la météo et les condis ne nous ont pas fait de cadeaux, non plus…
Si nous avions rechaussé les grosses en sortie du bastion, nous découvrons au-dessus du ressaut qu’il n’y a plus de névé à franchir en cette saison : parfait ! N’empêche, c’n’est pas plus mal, les orteils se reposent et les fins éboulis sont plus confortables en chaussures. Mais les crampons sont restés dans le sac.
Le pied de la rampe de départ de la suite est marqué par… Un vieux piolet ! Evident et logique, à l’aplomb du bord droit de la vire. J’ai trouvé les cotations d’un coup plus sévères : même avant qu’il ne se mette à meuler sévère, ne serait-ce que le pas de départ, il pique davantage que les dalles du bas !
La grande vire centrale est rapidement rejointe, mais là, il commence à faire brume, froid, très froid… Alors faut avancer et réfléchir vite. Ne voulant perdre trop de temps à descendre dans le couloir enneigé, le Tchoi tente le « tout droit » : mais c’est trop verglacé pour être osé. Retour au relais, nous tapons un petit rappel vers la gauche, et c’est le début de la « guerre »…

Le « mauvais » arrive…
Et oui, le couloir est juste toxique : plein de neige, de verglas, juste ingrimpable, quoi… Mais il ne « craint dégun » alors il s’aventure, en rive droite du coup, parce qu’il y a moins de neige. Le caillou y est fort fragile…
Il tirera une longueur de 60m sans mettre une seule protection… De terrasse en terrasse sur des blocs foireux, j’admire sa capacité de « débranchage » de cerveau ! Les traces dans la neige de nos prédécesseurs du jour nous guident vers la droite où je rejoins la confortable terrasse, en sortie du couloir.
De là, j’étais déjà trop congelée pour comprendre grand-chose : il m’a fallu avoir confiance en son sens de l’itinéraire tout en remuant mes orteils gelés dans les chaussons trempés, et mes cuisses autant qu’elles me le permettaient pour ne pas grelotter sans arrêt…
Si la face est restée sèche, l’itinéraire veut qu’après 2 longueurs en dièdres et fissures moins hostiles (il fait toujours moins 12°C mais au moins il n’y a plus de neige sur le caillou !), revenus dans le couloir, c’est reparti pour l’Aventure !

C’est là que j’ai envisagé, pour la première fois en montagne, qu’il se pourrait qu’il n’y ait finalement d’autre option qu’un secours.
Mais le Joker est toujours là : des traces sont présentes dans la neige, les précédents y sont allés, pourquoi pas nous ?
En sortir, à tout prix !
Congelée à mon relais, je l’ai admiré négocier avec brio ce couloir plein de stalactites, de verglas, remonter au-dessus de cet énorme bloc glissant et neigeux… Et ressortir au sec !
Ce passage était comique en second : il m’a d’abord fallu penduler sur la corde pour rejoindre le couloir, avant de gratter la neige derrière le bloc pour espérer trouver quelque chose qui crochète, et monter le genou gauche à l’oreille pour m’appuyer dessus et sortir… J’me suis moquée de moi-même toute seule tellement c’était ridicule, ça a eu le mérite de m’réchauffer !
La suite doit être superbe sèche, du gris bien raide mais bien prisu, une escalade bien moins à doigts qu’en bas : heureusement puisque j’ai décidé de ne plus quitter les moufles ! Après un léger détour par la droite, il a rejoint le fameux dièdre Stofer et réussi à sortir.
Un grand moment !
J’me souviendrai longtemps de cet instant où, calée depuis un moment au relais, juste frigorifiée, la neige commençant à tomber vraiment… Je l’ai entendu crier :
Lulu, relais, je suis sur les arêtes !.
Cette joyeuse exclamation a eu le mérite de redonner un peu de baume au cœur à une seconde éplorée !
D’autant que ce fameux « sensationnel passage terminal » (Gaston Rebuffat) est dément de verticalité et de protégeabilité ! Mais dans mon état, j’n’en ai pas profité à sa juste mesure : n’empêche, les bacs se tiennent même avec les gants, il s’agit juste de grimpe raide à placements où il est possible de ne pas forcer quand on n’a plus d’épaules. Je suis fort étonnée d’avoir encore le jus de l’enchaînement : Bravooooo l’ami !

La traversée des Arêtes de la Meije : De la 3ème Dent au Refuge de l’Aigle
Nous avons un peu perdu toute notion d‘horaire dans cette brume, et découvrons finalement qu’il n’est pas si tard (ça fait « juste » 4h que j’tremble de tout mon corps…).

Mais c’est sur la traversée des arêtes que je serai particulièrement peu efficace : fourbue j’deviens peureuse, alors un assurage vigilant est nécessaire, et les rappels de la 3ème puis de la 4ème dent sont bienvenus pour moins de désescalade verglacée.


La chaîne du rappel du doigt de Dieu est trouvée juste avant la nuit, on chausse les frontales et les crampons, repérant l’itinéraire sur le glacier, et go vers le bas.

Ô joie de retrouver la neige, d’une texture parfaite pour rouler et débrancher enfin !
J’aurais encore bien marché quelques heures moi, tellement c’est bon de ne plus être un glaçon, mais le refuge de l’Aigle lui fait trop d’l’œil, alors va pour un bout de socialisation !
Ô Refuge
Mes velléités de descente sont vite effacées par un gardien souriant, une salle à manger vide (forcément, à cette heure !) égayée par quelques ronflements, la soupe et le fromage qui nous attendent… C’est déjà beaucoup !
Mais ce n’est pas assez pour ces rois de l’accueil, alors ils nous cuisinent aussi les plus grosses crêpes que nous n’avons jamais mangées ! Comme si cela ne suffisait pas pour dormir comme des loirs, la brioche tartinée de chocolat et fourrée de crème pâtissière viendra nous achever : repus, nous plongerons alors dans le profond sommeil des bienheureux !
Triste d’apprendre que, comme Frédi, Louis s’en va après cette saison vers de nouveaux horizons… Et contente d’avoir partagé un bout de cette « fin », du coup !

Lundi 3 septembre
Descente du refuge de l’Aigle… Et Retour à la maison !
Ce refuge de l’aigle, trouvé hier soir tard après une longue et frigorifiante journée en Meije : un havre de paix…

Si vous cherchez la définition de l’Accueil », n’ouvrez pas le dictionnaire : venez à l’Aigle ! Vous comprendrez que le sourire, les doux mots, la chaleur d’un énorme repas, c’est juste beaucoup plus que ce que l’on peut espérer !
Tant de chaleur humaine après tant d’austérité, wahou : bravo et merci !
Cette descente, si je m’étais écoutée, je l’aurais enquillée de nuit, après la grosse bambée. J’avais, hier soir, juste envie de quitter cet univers hostile. Puis de retrouver la chaleur d’un thé, d’un bain bouillant, d’un lit douillet…
Sauf qu’à l’Aigle, on trouve tout cela et bien plus (bon, le bain faut oublier, mais le reste vient largement compenser son absence !).
Et la descente, de bon matin, frais et dispos, est juste super agréable !

Les cuissots bien moins fourbus après quelques heures de sommeil remercient de cette pause bienvenue, qui vient clôturer en beauté ce grand tour de la Reine Meije !

Il est temps de nous mettre en route pour la vallée !

Conclusion de la Voie Chapoutot-Mayer-Dibona
Huit ans que je parcours les falaises et montagnes du Monde… Mais, la Meije, j’en rêvais bien avant !
Si l’accomplissement d’un tel rêve peut être frustrant, j’ai au contraire été subjuguée par cette ambiance si particulière. Un périple d’une rare intensité, sur la Reine des Montagnes, entres les deux plus beaux refuges de notre imaginaire…
J’en ai trop dit mais j’en ai encore tellement qui déborde… J’crois que c’est clair : l’était juste, juste, juste magique cette envolée en Meije !
Si, éprouvée par le froid dans la voie, je pensais « plus jamais ça »… Je savais au fond de moi, et c’est déjà évident le lendemain, que l’effet « poisson rouge » serait là en sortie…
L’« hostile » est vite oublié, pour ne garder que l’ « intense ». Un formidable partage avec un ami en or, sur la Reine des montagnes !

Matériel utilisé pour l’escalade de la Face Sud de la Meije par La Voie Chapoutot-Mayer-Dibona
Matériel d’escalade
Catégorie | Nom du modèle | Marque | Pourquoi avoir fait le choix de ce modèle au départ | Est-ce que ce choix a répondu à l’expérience racontée dans ce roadbook | Si c’était à refaire |
CORDE à double | 2 brins distincts recoupés à 61m | PETZL et EDELRID | Légèreté, Longueur | Parfait, nous les avons recoupés exprès pour avoir 2x60m. A l’origine un brin de 70m et un autre de 65m… | Pareil ou autre rappel de 2x60m, confortable pour pouvoir tirer de longues longueurs et pour le dernier rappel qui rejoint le glacier. |
BAUDRIER | PRIMROSE | BLACK DIAMOND | Confort, prix | Parfait | Il me convient partout pour le confort et suffisamment de porte-matériel. |
DEGAINES | 4 Finess /6 OZ | ANGE | Trouvées, et offertes ! | Parfait ! | Idéales pour la montagne, la légèreté et la facilité d’utilisation. |
MOUSQUETONS | SPIRIT | PETZL | En promotion | Parfait | Peu m’importe le modèle ! |
SANGLES | DYNEEMA | Diverses… | Hasard… | Répondent à toutes les situations. | J’en reprends, 4 à 6. |
SYSTEME d’ASSURAGE | REVERSO | PETZL | Référence | Il me convient toujours. | Pareil. |
FRIENDS | C4 | BLACK DIAMOND | Référence en la matière | Parfait avec un jeu du 0.3 au 3, et mousquetons colorés adaptés. | Les mêmes ! |
Micro-FRIENDS | KAILAS | ALIEN CAMS | Promotion | Parfait les petites tailles dans les dalles du bas ! | Je ne m’en sépare plus ! |
Coinceurs Câblés | STOPPER | BLACK DIAMOND | Hasard | Pas besoin, mais on ne le savait pas ! | Inutilisés dans cette voies, nous les laisserions à la maison ! |
CASQUE | METEOR IV | PETZL | Légèreté | Adapté. | Je réfléchis doucement à l’achat d’un Sirocco pour un confort plus important ! |
CHAUSSONS | Anasazi | FIVE TEN | Ceux qui me correspondent le mieux ! | Je n’ai que ceux-là, et ils me conviennent ! | Oui, ils sont à ma pointure, ça fait donc mal aux orteils mais pas trop, la précision est bonne. |
Matériel de montagne
Catégorie | Nom du modèle | Marque | Pourquoi avoir fait le choix de ce modèle au départ | Est-ce que ce choix a répondu à cette expérience raconté dans ce roadbook | Si c’était à refaire |
PIOLET | Air Tech Evolution | GRIVEL | Le poids, la praticité, la dragonne, les protections des zones acérées | Suffisant dans ces conditions de neige. | Parfait dans ces conditions. |
CRAMPONS | Acier, 12p | GRIVEL | Rapport qualité-prix. | Oui, parfaits dans ces conditions de neige. Un peu lourds… | Pareil, à voir s’il n’y a pas plus léger à un budget raisonnable… |
CHAUSSURES | GTX | GARMONT | Confort, légèreté, prix | Oui, adaptées. | La chaussure gauche commence à me faire mal à la malléole quel que soit le serrage : tester de nouveaux modèles. |
SAC A DOS | CLIFF 20 | SIMOND | Prix, légèreté | Oui , même s’il manque d’attaches sur le dos du sac.! | Pareil : ce sac, bien que pas très confortable, est l’un des plus léger dans lequel tout le matériel d’alpi rentre ! |
BÂTONS | FORCLAZ 500 | QUECHUA | Prix | Ok pour la descente. | Nous nous demandions si, au vu de l’encombrement / poids, il n’aurait pas mieux valu un 2ème piolet… |
Vêtements et accessoires pour cette course de montagne
Catégorie | Nom du modèle | Marque | Pourquoi avoir fait le choix de ce modèle au départ | Est-ce que ce choix a répondu à cette expérience raconté dans ce roadbook | Si c’était à refaire |
PANTALON | Alpinisme | SIMOND | Qualité/Prix | Parfait | Le même. |
COLLANT | Kiabi ou Gemo ? | Premier Prix | Top. | Le même. | |
BRASSIÈRE | DECATHLON | Prix | Top | La même. | |
TEE-SHIRT TECHNIQUE À MANCHES LONGUES | ARC’TERYX | En Promo, confort, ajusté, respirant | Super | Le même. | |
POLAIRE | QUECHUA | Trouvée | Remplit son job. | Pareil. | |
DOUDOUNE | Down Sweater femme | PATAGONIA | Légère et compacte | Oui, même s’il m’aurait fallu une doudoune encore plus chaude ! | La même, difficile de trouver si léger et plus chaud ! |
VESTE GORE-TEX | ALPINISM | SIMOND | Rapport qualité /prix | La capuche sur le casque était bienvenue ! | La même, j’apprécie l’ouverture de la fermeture éclair depuis le bas pour libérer le pontet. |
GANTS | Moufles/Mitaines | SIMOND | Polyvalence | Oui, renforcés et chauds, pratiques | Les mêmes, c’était ma 1ère utilisation, je suis convaincue |
BONNET | SVALBARD | Cadeau ! | En Polaire qui colle à la tête et passe bien sous le casque | Oui, léger et chaud. | |
CACHE-COU POLAIRE | Chaleur | Parfait pour protéger le cou et le menton de tant de froid. | Oui, léger et chaud. | ||
LAMPE FRONTALE | Tikka | PETZL | Autonomie, recharge sur secteur. | Elle a failli bugger, mais elle a été parfaite. | Ne me déçoit jamais ! |
0 commentaires
Un grand voyage. Une belle narration.
Merci
Bien plus qu’un documentaire sur la Meije ce récit super détaillé m »a donné, tant qu’il n’y avait pas de neige, une envie folle de découvrir ce majestueux massif. A l’arrivée de la neige, du mauvais temps avec du -12, des stalactites je me suis bien refroidie . Mais au finale comme tu le dis si bien Lulu dans les moments de souffrance et de beautés mélangées l’ont ne retient que le haut.
Grace à ce journal de bord j’ai eu envie de suivre vos traces à travers la neige et le rocher. Les explications étant d’une rare précision, on n’est sur de ne pas pouvoir se perdre…
Bravo à vous deux pour cette très belle course.
Mathilde Gockel
Très beau texte, drôle et émouvant. Je m’y suis cru un instant !
Merci pour ce voyage, cette épopée si bien racontée que j’ai failli aller enfiler une doudoune !
Une belle présentation, aussi, avec plein d’infos utiles, très agréable à parcourir, je me suis régalée 🙂
Très joli texte. Merci
Merci Lucile pour ce superbe récit, à la fois pointu techniquement , étayé de solides références, et qui raconte la belle histoire de notre balade dans cette face unique!
ça donne envie… avec des conditions plus clémentes quand même…
avec un compte-rendu pareil, il va y avoir foule dans le Bastion
une belle épopée, racontée avec passion, ça donne vraiment envie
Superbes photos ! Magnifique voyage !! Merci de nous faire partager vos aventures <3
Merci à tous pour ces retours enthousiastes : je suis touchée de lire que j’ai su transmettre un peu des émotions de cette journée qui restera longtemps gravée comme un fort souvenir !!!!
Que d’emotion Et de frissons à travers tes récits
Bravo Lulu
Continue à nous faire rêver
Gilou
Y’a un whouahou pour les photos et l’autre bouche bée chapeau tiré c’est pour le boulot colossal que représentent ces 3 récits. Egale à toi même, t’envoie du lourd dans tout ce que tu entreprends! Sacré Lulu!
Merci Gilou, maintenant faut réaliser nos rêves : on retourne voir l’Alpe quand tu veux !!!!
Le couloir verglacé…..oufff l’ambiance la dedans!
C’est magnifiquement écrit et ta connaissance de l’histoire de l’alpinisme est solide.
Un régal 😉
Bravo Lucile pour ce beau reportage (et pour la performance!), ça m’a ramené quelques 30 ans en arrière, en 1989 je crois, et fait revivre de grands moments de plénitude sur les arêtes de la Reine Meije.