Bastien de Lattre, grimpeur et rencontré à la 2 ème édition du Festival Expérience Outdoor en 2012 pour le film Mini Voile avec son compagnon Thomas Caleyron, nous partage son expérience de Badaboum.
Comment est né le projet Badaboum ?
Après l’ascencion du « Dawn wall » (Grande voie la plus dure du monde avec 32 longueurs entre 7b et 9a) par Adam Ondra en 8 jours on a eu envie de tenter l’aventure de la vie en portaledge. L’idée de trouver une voie assez dure pour y passer quelques jours dedans est née.
On avait tout ce qu’il fallait pour vivre une aventure pas loin de la maison : La voie « BADABOUM » à Presles (12 longueurs entre 7a et 8a). Badaboum est une voie qu’on aurait jamais pu réaliser à la journée. L’idée est donc lancée avec Louis de tenter le push : la règle est simple.
Les règles du jeu de Badaboum
On travaille la longueur jusqu’à ce qu’on l’enchaîne tous les deux, puis on passe à la suivante. On voulait aussi faire un film de tout ça alors on a embarqué avec nous deux acolytes : Damien et Martin. Martin avait fait une seule grande voie dans sa vie. C’est sur en quelques jours il a appris plein de trucs.
Une fois la règle établie il reste la logistique. Prévoir l’eau et la nourriture pour 15 jours ca c’était déjà une étape. Prévoir tout ce qu’il faut pour dormir sur un portaledge sans rien oublier pour ne pas avoir à redescendre en est une autre. Avec 3 longueurs en 7c et 1 8a c’était sur que nous y passerions un peu de temps. On aura passé 4 jours pour travailler et enchaîner juste le 8a. 13 jours en tout. Au bout de 8 jours on avait plus d’eau on a quand même du redescendre 1 fois pour ravitailler.
D’un Badaboum à un autre
Badaboum à Presles
« Badaboum » a longtemps eu la réputation d’être la grande voie la plus dure de Presles. Elle a été équipée par Bernard Gravier qui l’a ouverte en 1990-91 avec Jérôme Aussibal et Stéphane Girard. Il y a plus de 300 grandes voies à Presles, pour les Lyonnais c’est un incontournable. Cette voie se caractérise pas ses colos incroyables au départ et son dévers impressionnant. Elle comporte 12 longueurs du 7a au 8a. Pendant 10 ans je suis passé devant quand je venais faire des voies à Presles et elle m’a toujours donné envie. Elle collait parfaitement à notre projet alors on a pas hésité !
Les grimpeurs au Projet Badaboum
Les 4 profils de grimpeurs se sont vraiment complétés et on a pu échanger tout notre savoir ce qui était très sympa. Les manips, la grimpe, la vie on a pris le temps d’échanger sur tout c’était super. On se connait tous les 4 car on grimpait tous à la salle d’escalade climb up Gerland à Lyon. Avec Damien j’étais déjà parti grimper à Bishop aux US du coup je savais qu’il y avait un bon feeling entre nous. Louis est cordiste de métier. Damien était commercial dans une entreprise de colle ultraforte pour l’industrie, Martin est kiné et moi (Bastien) je suis BE escalade et je travaillais à l’époque pour le FFME du Rhône. On en est à notre 3 ème projet badaboum et à chaque fois ça c’était tellement bien passé qu’on était chaud pour continuer…
Anecdotes au projet de la voie d’escalade Badaboum à Presles
- On a jamais pu faire la longueurs 2 (7c) elle était complètement mouillée. On est même revenu le dernier jour avant de partir pour essayer de la faire mais elle était toujours trempée.
- La question qu’on nous a le plus posé concernant la vie en portaledge c’est pas sur les manips, sur l’organisation ou la cohabitation c’est : « comment vous faites pour faire caca… ». Ça nous fait toujours rire et ça illustre bien le fait que quand on s’éloigne un peu de chez nous et de nos habitudes on est vite perdu 😉
- Dans L5 Louis à volé une fois à la 4 ème dégaine. Damien qui l’assurait s’est un peu fait embarqué et vu qu’il assurait sous un toit sa tête a tapé le plafond. Rien de grave il avait son casque. Il y a juste ses lunettes qui sont tombées de 100 mètres… Il a gagné le droit d’aller fouiller les buis 100 mètres plus bas. 4 rappels et 100 mètres de remonté sur corde c’est cadeau !!
- Pour filmer la longueur de nuit il nous a fallu une motivation de l’espace pour ressortir des duvets à 11 h, remonter sur corde et se ré-échauffer pour grimper… Le rendu est classe donc aucun regret. Pendant 1 min on a éteint les frontales. Etre au milieu de la face dans le noir complet pendu sur une corde c’est quand même une sacrée ambiance. On vit pas ça tous les jours.
Notre liste de matos grimpe pour réaliser Badaboum à Presles
Pour « Badaboum » on a fait appel à plein d’amis. Louis avait ce qu’il fallait en cordes statiques mais pour le Ledge on a demandé à Gael Bouquet des Chaux un copain qui nous a prêté le sien. Il était un peu vieux et nous a fait 2/3 blagues mais sans lui on était perdu. On a emprunté à un autre copain un big bag pour le hissage. Béal nous suit depuis 3 ans alors côté matos de grimpe on a pas eu trop de soucis. Le plus du c’est surtout de rien oublié d’important alors en général on prévoit 3x trop 🙂
Badaboum dans le Verdon, le Beaufortain et Chamonix
Pour Badaboum 2 on voulait changer d’ambiance. L’idée du film était de trouver 3 lieux très différents, 3 ambiances opposées, 3 lignes visuellement esthétiques pour le film. On a décidé d’aller faire de la fissure en terrain d’aventure à Chamonix. Une grande voie sur une proue magnifique dans le verdon et un monolithe en moyenne montagne dans le Beaufortain.
Pour Badaboum à Presles on a eu 13 jours de beau temps… La c’était tout l’inverse. Dans le verdon il a plu tous les jours… On était les seuls à partir grimper sous la pluie… à Chamonix on a eu de la neige et des orages tous les jours… Dans le Beaufortain on a eu de la pluie 2 jours sur 3… à un moment on s’est demandé comment on allait faire un film…
Le Verdon
On a choisi : « les naufragés » 5 longueurs 7a-6b+-6b+-7b+-7c ouvert en 1990 par Fauquet et Guillot.
Les deux dernières longueurs sont les plus incroyables elles remontent une énorme proue qui surplombe le verdon ambiance assuré… Avec la pluie impossible d’essayer la dernière longueur il faudra revenir… c’était hyper frustrant. La pluie a dictée ses règles. Sur le portaledge on était à l’abris. Enfin, au début, quand ça ne gouttait pas trop et quand il n’y avait pas de vent. Le matin quand on s’est réveillé avec les duvets trempés sur le ledge c’était un peu dur de se motiver pour grimper…
A Chamonix
On voulait grimper au trident du Tacul on a changé 3 fois d’avis sur la voie qu’on voulait faire. On essayait de grimper avant l’orage mais c’était pas évident avec toute la logistique que demandait le fait de faire un film. Tous les jours on devait adapter notre programme. On a filmé 3 longueurs dans « Indurain tiene dos huevos« . Une partie de la face c’est effondrée 2 mois après. Une histoire de fou ! Quand on y repense, après coup, c’est un drôle de sentiment qui nous envahi.
Dans le Beaufortain
On voulait essayer d’enchaîner le célèbre 8a sur la proue du monolithe sans nom. En arrivant toutes les voies étaient mouillé sauf celle que nous vision, ouf… Un peu compliqué pour s’échauffer mais c’est pas grave. Le 8a s’est avéré un peu retord et personne ne l’a enchaîné finalement… Pendant 3 jours on grimpait entre les averses… Ambiance très humide là aussi.
Anecdotes au projet Badaboum
Pour le Beaufortain on s’est d’abord arrêté faire quelques images dans la coopérative de Beaufort. C’était une visite incroyable. On avait jamais vu autant de fromage de notre vie. L’odeur dans les caves est saisissante. J’ai adoré. Bababoum nous a fait faire quelques rencontres improbables et ça aussi c’est super enrichissant.
Notre liste de matos grimpe pour Badaboum à Chamonix, Beaufortin et Verdon
Au fur et à mesure des années on a appris, on a pris quelques lecons. Côté matos on a toujours peur de manquer donc globalement on a tendance à toujours en prendre trop. Si on venait juste grimper on emmenerait 3 fois moins de trucs. Le fait de faire un film rajoute une grosse logistique. Souvent on nous a demandé mais pourquoi vous avez mis 3 jours pour faire ca ? Ca se fait en 1 journée. On imagine pas toujours ce que ca implique de faire des images en grande voie : l’installation de la stat, la mise en place du cameramen, l’organisation des essais pour être raccord, refaire 3 fois la longueur parce qu’on veut plusieurs plans. Si ceux qui regardent le film ne pensent pas à tout ça, c’est que c’est une réussite. Si on a réussi à faire oublier tout le making of c’est gagné.
Côté matos on a investi dans un portaledge, Climb Up nous a financé cette année la tente du ledge qui va avec. Béal a été super côté corde dégaine et matos de grimpe. On a commencé notre aventure avec ABK pour les fringues, Mountain Hard Wear a pris le relais. Artline nous a aidé côté matos vidéo avec quelques GoPro. Ça sert toujours. Le petit outil curieux que je suis bien content d’avoir acheté c’est les petits câbles pour suspendre le réchaud dans la tente sur le ledge. Le plus dur c’est de pas le perdre…!
Badaboum ou la passion Monolithe
Pour « Passion Monolithe » on a choisi encore une organisation différente. On voulait que le push dans « esprit es-tu l’axe » (7 longueurs entre 7a et 7c) soit notre fil rouge et qu’on fasse une tournée des monolithes français en ponctuation du film. Sur le papier c’était assez facile une fois qu’on avait sélectionné ceux qu’on voulait faire. On a jamais autant galéré à s’organiser.
Pour réussir à tous se réunir ça n’a pas été simple. Il y a eu beaucoup de changement dans nos vie respectives et c’est pas toujours facile de coordonner nos agenda. Un petit bébé qui arrive d’un côté, un cabinet de kiné à ouvrir de l’autre, une opération de l’épaule au milieu de tout ça et le projet se complexifie rapidement. En répartissant les rôles différemment et avec un nouveau venu (Hugo Maquaire) on a pu se lancer.
En passant en Haute-Savoie on a pu rencontrer et interviewer Hervé Bouvard au sujet de « esprit es tu l’axe ». Il nous a raconté une dixaine d’anecdotes sur la voie. C’est vraiment super d’avoir l’histoire de l’équipement. Quand on grimpe on se demande pas toujours comment les points sont arrivés là… Il a équipé cette voie avec Philippe Mussato une autre légende de l’équipement de grande voie en france. On ne prend jamais le temps de les remerciers de nous équiper de tels bijoux et pourtant on devrait.
La marche d’approche de cette voie a rendu l’entreprise beaucoup plus complexe que ce qu’on pensait. Le vent et la pluie nous ont pas aidé. A force on a l’impression que Badaboum c’est :
« arriver à nos fins quand les éléments sont contre nous ».
Anecdotes au projet Passion Monolithe
Cette année on a encore plein d’anecdotes sympa. Entre Louis qui mange des champignons pas très comestibles, le verglas qui a failli nous barrer le route en allant aux Sucettes de Bornes et les 30 cm de poudreuses en basket pour rejoindre le monolithe de Sardière on revient toujours plein de souvenirs.
Si je devais en retenir 3 :
- On a passé une journée complète à croire que le soleil allait arriver au pied de « Digital Crack ». On sentait bien que le nuage était accroché à l’arrête des Cosmiques et qu’il pouvait s’en aller à tout moment. 10 fois dans la journée on s’est dit : « aller on y va, ça se dégage… » On apercevait le soleil puis… Rien… Ce monolithe c’est ma plus grosse frustration du film. Payer 55 euros de remontée mécanique pour avoir les plus belles images du film pourquoi pas. Mais quand tu as passé ta journée à te cailler dans une humidité pas très grimpable c’est un peu un échec.
- Le premier jour à Glandasse on a tellement galéré sur la marche d’approche qu’on a failli abandonner le projet. Après une journée complète à monter des sac au col, puis 200 m plus haut, on avait toujours pas atteint le pied de la voie. On ne savait pas trop par où passer, les sacs étaient supers lourds et la marche souvent casse gueule. Il nous restait plus que 6 jours devant nous. Il ne fallait pas traîner et notre moral avait déjà pris un coup derrière la tête.
- En revenant de la dent de la rancune en Auvergne on est passé par hasard dans le village de St Nectaire. On a dévalisé le magasin. Je crois qu’on a vraiment un soucis avec le fromage dans l’équipe Badaboum 😉 Plus sérieusement cet épisode 3 nous a fait découvrir des sites où nous ne serions jamais allé en temps normal. C’est vraiment super de découvrir des coins de cette manière. A chaque fois on s’est dit il faudra revenir… Et pas que pour le fromage…
Y aura-t-il un 4 ème opus Badaboum?
Oui il y aura un 4 ème opus.
L’équipe est toujours à fond. On a plein d’idée. Le plus dure c’est de se mettre d’accord sur un projet qui motive tout le monde. Avec cette histoire de virus de Pangolin on ne tournera pas de vrai épisode cette année on va attendre l’année prochaine pour un autre vrai épisode.
Peut être que cet été on trouvera une voie pour faire un petit push comme on aime entre nous. Ça sera un petit truc rapidos pas de vrai film en perspective. Le vrai rendez-vous Badaboum est pour 2021 😉